Après avoir souhaité un
joyeux Noël à tous mes lecteurs (voilà, c’est fait), quels vœux faire pour
l’année à venir ? Rien de précis, mais évidemment beaucoup de bien ;
de l’espérance, peut-être. Pour tous et pour chacun. A travers quelques
lectures, peut-être ?
Dans un
monde qui change…
Dans un monde qui change, retrouver le sens du
politique
est le long titre d’une brève brochure (70 pages environ) émanant du Conseil
permanent de la Conférence des Evêques de France, parue cet automne. « Si
nous parlons aujourd’hui, c’est parce que nous aimons notre pays, et que nous
sommes préoccupés par la situation ». Qui ne partagerait ces
sentiments ?
Dans ce texte, aussi
riche qu’il est court, nos évêques livrent leurs observations, leurs
inquiétudes et leurs suggestions sur de nombreux aspects de la vie de notre
pays : le politique (avant la politique), mais aussi les
impasses et les possibilités d’ordre social, économique, éducatif et culturel
(y compris en ce qui concerne l’identité nationale).
On pourrait dire de cette
brochure qu’elle est pour tous, en ce qu’elle entend poser des problèmes
d’ordre collectif. On espère à ce titre que nos joyeux politiciens l’auront lue
attentivement : ils ont beaucoup à y apprendre. Et nous ? Eh bien,
nous aussi. Car « chacun, à son niveau, est responsable de la vie et de
l’avenir de notre société » (p. 70), et « retrouver la vraie
nature du politique et sa nécessité pour une vie ensemble suppose de s’y
disposer, de le choisir, de le permettre. Cela ne tombera pas du ciel ou par
l’arrivée au pouvoir d’une personnalité providentielle. C’est le travail et
la responsabilité de tous » (pp 65-66).
Certains puristes (dont
votre serviteur) ont tiqué à la lecture de quelques locutions peu dignes, nous
a-t-il semblé, de nos évêques et de la qualité de leurs réflexions : vivre
ensemble, contrat social ou faire sens. Concessions à la
mode, imprégnation inconsciente, urgence ? Allez savoir. Ces défauts
(pardonnés, donc, vu l’intérêt du texte) sont moins présents dans un texte
fourni en annexe, qui est de juin 2016 : 2017, année électorale –
Quelques éléments de réflexion. Il n’est besoin que d’en citer le dernier
paragraphe pour en souligner l’utilité :
« Pour celles et
ceux qui ont foi en Dieu et qui vivent dans la communion au Christ, les
difficultés que nous rencontrons ne sont pas un appel au renoncement. Au
contraire, elles nous acculent à investir toutes nos capacités pour construire
une société plus juste et plus respectueuse de chacun. Cela s’appelle
l’espérance. »
Les grandes figures catholiques de la France (François Huguenin)
Toujours cet automne est
paru ce livre (aux éditions Perrin), qui passionnera les amateurs d’histoire et
de portraits aussi succincts qu’équilibrés. On regrettera dans l’introduction
les mêmes défauts que ceux relevés dans le texte de nos évêques. De grâce, un
peu moins d’urgence ! Le calme permet de mieux choisir son vocabulaire.
A propos de
l’introduction de cet ouvrage, un passage peut provoquer des
interrogations : « Catholiques en effet, et non pas chrétiennes ».
Tirée de son contexte avec malhonnêteté (ce que je suis en train de feindre de
faire), cette phrase est redoutable. Il vaut mieux donc préciser, comme le fait
l’auteur, que « la France est tout simplement, depuis son ébauche que
l’on datera de Clovis et sa création qui est le fait des Capétiens, un pays
catholique », en ce que « l’histoire de France est marquée par
le catholicisme, jusqu’à se confondre avec lui ou à tout le moins être irriguée
par lui, jusqu’au XXe siècle ».
Quinze
« figures » nous sont ainsi dépeintes, de Clovis à Charles de Gaulle,
en passant par saint Bernard de Clairvaux, saint Louis, sainte Jeanne d’Arc,
saint Vincent de Paul ou sainte Thérèse de l’Enfant Jésus. Ces quelques figures
de saints, plus que des motifs de fierté (ah ! ils étaient Français, comme
nous !), sont à considérer comme des phares, des exemples, des sources
d’espérance ou au moins d’admiration. La présence de Blaise Pascal dans cette
galerie ne dépare pas.
Celle de personnages plus
éminemment politiques, tels Philippe le Bel, Henri IV, Louis XIV ou
Charles de Gaulle, surprend quelque peu. Les aspects peu chrétiens de ces
personnalités ne nous sont pas cachés, et c’est fort bien. Il ne s’agit pas
pour François Huguenin d’en faire des saints. Par exemple, la dureté dont put
faire preuve de Gaulle, notamment envers les Harkis à l’issue de la guerre
d’Algérie, ne fournit guère un témoignage de hautes vertus catholiques !
Cela doit être posé sans nier la grandeur (publique ou privée) de l’homme et
sans se permettre (ni de notre part ni de celle de l’auteur) de douter de sa
foi. A ce titre, son amour et son attention pour sa fille sont fort justement
rappelés et sont à son honneur. L’homme savait se comporter en catholique – et
simplement en chrétien – en privé. Mais en tant que personnage
historique ? Accordons-lui d’avoir su faire preuve d’espérance dès 1940,
ce qui n’était pas rien.
Cette gêne devant
certains choix m’incite à faire une suggestion à François Huguenin :
n’eût-il mieux pas valu donner comme titre à ce livre : Les grandes
figures de la France catholique ?
Si je ne peux pas marcher, je courrai ! (Axelle Huber)
La France catholique,
dans ce sens, est une notion qui appartient donc plutôt au passé. Elle subsiste
cependant dans quelques îlots constitués souvent par d’aimables familles sans
problèmes apparents. Ces buttes-témoins, pourrait-on dire, font les frais de
nombreux clichés et caricatures sans toujours être innocentes de ce côté-là
(vous savez bien, les « bourgeois-cathos »).
On a tort de se moquer de
tels milieux. Il s’y produit parfois de douloureux miracles, révélateurs de
profondes vertus chrétiennes qui en se manifestant nous rappellent qu’elles ne
sont pas de vains mots ni des habitudes sociales.
Ainsi, tout souriait à la
famille Huber : une certaine aisance matérielle, quatre enfants
pétillants, deux parents aimants. On y est catholique pratiquant, cela va de
soi. Léonard, le père, a de plus ce qu’il faut de nonchalance et de drôlerie
pour être tout à fait charmant.
Or voici qu’un jour il
est pris d’une étrange gêne et de quelques fourmillements. Ce ne sont que les
premiers signes de la maladie de Charcot (ou sclérose latérale amyotrophique),
qui l’emportera quatre ans plus tard. Ce douloureux cheminement est raconté
dans Si je ne peux pas marcher, je courrai !, écrit par son épouse
Axelle[i].
Le lecteur y trouvera,
outre le souvenir d’un être admirable et de ses souffrances, l’illustration des
vertus de foi, d’espérance et de charité, vécues dans la chair. La foi, dans
l’acceptation confiante de l’épreuve ; l’espérance, quand l’espoir de
guérison peu à peu s’éloigne, de « conserver la grâce du présent »[ii] ;
quant à la charité, il s’agit de celle, de la part de l’entourage de Léonard,
de l’aimer tel qu’il est, de l’aider, de le servir, et de la part de Léonard,
qui a « endossé l’habit du pauvre », d’accepter cet habit et
les attentions qu’il reçoit désormais. La charité résonne dans ce livre,
comme elle a dû résonner entre Léonard et son épouse, entre eux et leurs proches
aussi.
Trois écueils étaient à
redouter pour un tel livre : une longue lamentation désordonnée, une
accumulation de sucreries sulpiciennes, ou celle de grandiloquences
apocalyptico-pontifiantes. Force est de constater, Dieu merci, qu’ils ont tous
trois été évités, grâce notamment à une langue sobre et à une grande lucidité.
Ajoutons à cela que chaque chapitre est précédé d’une citation tirée fort à
propos de l’œuvre de Bernanos pour dire que l’on ne pouvait espérer plus beau
témoignage.
[i] Et disponible aux éditions
Mame.
[ii] « Si je ne peux plus
marcher, eh bien je courrai », dit un jour Léonard. Plus tard, comme la
maladie progressait jusqu’à le gêner dans la parole, il ajouta : « Si
je ne peux pas parler, eh bien, je chanterai ». Si ce n’est pas de
l’espérance…
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).