En ces temps de constante accélération, à peine a-t-on le temps d’y penser qu’une chose a déjà disparu ou a été oubliée. Ainsi, j’ignore pour combien de temps l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile est censé rester emballé selon les spécifications laissées par feu Christo et même s’il l’est encore aujourd’hui.
À ce sujet, je ne
joindrai pas ma voix à celles qui, dans quelques milieux dits culturels,
chantent les louanges de cette dernière œuvre d’un artiste défunt, ni à celles
qui tonnent contre la supposée profanation d’un monument national. Je pourrais
me contenter de trouver que ça a de la gueule ou de demander quand et où
doit être emporté le monument que l’on vient ainsi d’emballer. Mais essayons de
penser un peu, ce n’est pas toujours déplaisant, tant l’exercice que le
résultat.
Le résultat de mes
réflexions est que les emballages de Christo ne relèvent tout simplement pas du
domaine de l’art. Non qu’ils soient laids ou offensants. Mais, pour commencer,
le caractère de récidive qu’ils présentent (l’Arc de Triomphe après le
Reichstag et, il y a quelque chose comme trente-cinq ans, le Pont-Neuf) en font
plus des événements orchestrés selon des procédés éprouvés que des œuvres d’art.
Poursuivons : l’idée d’emballer quelques monuments plus ou moins chargés
de symboles peut être amusante, voire belle, par l’aspect inhabituel que cet
emballage peut leur donner. Un véritable artiste en fera alors la
représentation grâce aux dons dont il aura été pourvu : l’idée, l’illusion
le talent suffisent, tandis que la réalisation vient tuer toute imagination,
tout art en tant que représentation et non réalisation d’un rêve. Imagine-t-on
Hubert Robert détruisant le Louvre ?
D’où vient alors l’erreur
consistant à considérer comme de l’art ce qui manifestement n’en est pas ?
Certes, le snobisme y a une part qui est loin d’être négligeable. Mais aussi et
surtout, depuis l’apparition (il y a environ un siècle) de la vaste supercherie
nommée art contemporain, l’erreur est cultivée par un certain nombre de
petits malins professant qu’il suffit de se proclamer artiste pour produire de
l’art. De là l’agenouillement des snobs devant n’importe quel fruit d’une
élucubration d’un de ces petits malins, que ce fruit soit fade, laid, obscène,
identique à un autre ou relevant de l’événement ou du divertissement. Et les petits
malins savent que cela rapporte, les Kapoor et autres Koons ne diront pas le
contraire.
Reconnaissons cependant
deux mérites aux « œuvres » de Christo : elles n’offensent point
le regard et ont le mérite d’être provisoires. Ceux qui crient au vandalisme
devraient apprécier ce caractère réversible.
Il est des domaines, fort
différents de celui évoqué ci-dessus, où la réversibilité des choses affole,
que dis-je, terrifie les progressistes. Il n’est besoin que de se rappeler sur
quel ton il a été question, il y a quelques semaines, dans divers de nos
organes de presse, du rétablissement de l’interdiction de l’avortement au Texas
et de l’aval donné à cette loi par la Cour suprême des États-Unis. Les belles
voix de nos radios nationales semblaient hésiter entre l’abattement et la
panique à tel point que c’en était réjouissant. Enfin, presque : la prime
promise à qui dénoncera une femme ayant avorté n’est pas du meilleur effet. Pourquoi
faut-il que des imbéciles viennent toujours gâcher une bonne nouvelle ?
Observons au passage que
quelques jours plus tard, lorsque la Cour suprême du Mexique approuva la
décision d’autoriser l’avortement dans ce pays, le ton fut tout autre chez nos
journalistes. Je n’ai pas entendu parler de quelque mainmise sur ladite Cour
suprême, à l’issue de quelques basses manœuvres politiciennes, d’une poignée de
juges progressistes aux sombres desseins.
(Mais laissons-là les Amériques,
surtout celle du Nord, laquelle a récemment, comme toujours, montré aux
atlantistes ce qu’elle entend par alliance. Sauront-ils le comprendre un
jour ?)
À propos d’imbécillités
venant tout gâcher, quelqu’un peut-il me dire si, dans leurs débats
préliminaires aux prolégomènes d’une préparation de l’élection présidentielle
de 2022, les membres d’un fameux parti se présentant comme écologiste ont parlé
d’écologie ? Les rares propos de Mme Sandrine Rousseau parvenus à mes
oreilles me donnent quelques doutes. Ce serait drôle si l’écologie n’était pas
un sujet grave.