samedi 25 septembre 2021

Emballements

 En ces temps de constante accélération, à peine a-t-on le temps d’y penser qu’une chose a déjà disparu ou a été oubliée. Ainsi, j’ignore pour combien de temps l’Arc de Triomphe de la place de l’Étoile est censé rester emballé selon les spécifications laissées par feu Christo et même s’il l’est encore aujourd’hui.

À ce sujet, je ne joindrai pas ma voix à celles qui, dans quelques milieux dits culturels, chantent les louanges de cette dernière œuvre d’un artiste défunt, ni à celles qui tonnent contre la supposée profanation d’un monument national. Je pourrais me contenter de trouver que ça a de la gueule ou de demander quand et où doit être emporté le monument que l’on vient ainsi d’emballer. Mais essayons de penser un peu, ce n’est pas toujours déplaisant, tant l’exercice que le résultat.

Le résultat de mes réflexions est que les emballages de Christo ne relèvent tout simplement pas du domaine de l’art. Non qu’ils soient laids ou offensants. Mais, pour commencer, le caractère de récidive qu’ils présentent (l’Arc de Triomphe après le Reichstag et, il y a quelque chose comme trente-cinq ans, le Pont-Neuf) en font plus des événements orchestrés selon des procédés éprouvés que des œuvres d’art. Poursuivons : l’idée d’emballer quelques monuments plus ou moins chargés de symboles peut être amusante, voire belle, par l’aspect inhabituel que cet emballage peut leur donner. Un véritable artiste en fera alors la représentation grâce aux dons dont il aura été pourvu : l’idée, l’illusion le talent suffisent, tandis que la réalisation vient tuer toute imagination, tout art en tant que représentation et non réalisation d’un rêve. Imagine-t-on Hubert Robert détruisant le Louvre ?

D’où vient alors l’erreur consistant à considérer comme de l’art ce qui manifestement n’en est pas ? Certes, le snobisme y a une part qui est loin d’être négligeable. Mais aussi et surtout, depuis l’apparition (il y a environ un siècle) de la vaste supercherie nommée art contemporain, l’erreur est cultivée par un certain nombre de petits malins professant qu’il suffit de se proclamer artiste pour produire de l’art. De là l’agenouillement des snobs devant n’importe quel fruit d’une élucubration d’un de ces petits malins, que ce fruit soit fade, laid, obscène, identique à un autre ou relevant de l’événement ou du divertissement. Et les petits malins savent que cela rapporte, les Kapoor et autres Koons ne diront pas le contraire.

Reconnaissons cependant deux mérites aux « œuvres » de Christo : elles n’offensent point le regard et ont le mérite d’être provisoires. Ceux qui crient au vandalisme devraient apprécier ce caractère réversible.

 

Il est des domaines, fort différents de celui évoqué ci-dessus, où la réversibilité des choses affole, que dis-je, terrifie les progressistes. Il n’est besoin que de se rappeler sur quel ton il a été question, il y a quelques semaines, dans divers de nos organes de presse, du rétablissement de l’interdiction de l’avortement au Texas et de l’aval donné à cette loi par la Cour suprême des États-Unis. Les belles voix de nos radios nationales semblaient hésiter entre l’abattement et la panique à tel point que c’en était réjouissant. Enfin, presque : la prime promise à qui dénoncera une femme ayant avorté n’est pas du meilleur effet. Pourquoi faut-il que des imbéciles viennent toujours gâcher une bonne nouvelle ?

Observons au passage que quelques jours plus tard, lorsque la Cour suprême du Mexique approuva la décision d’autoriser l’avortement dans ce pays, le ton fut tout autre chez nos journalistes. Je n’ai pas entendu parler de quelque mainmise sur ladite Cour suprême, à l’issue de quelques basses manœuvres politiciennes, d’une poignée de juges progressistes aux sombres desseins.

(Mais laissons-là les Amériques, surtout celle du Nord, laquelle a récemment, comme toujours, montré aux atlantistes ce qu’elle entend par alliance. Sauront-ils le comprendre un jour ?)

À propos d’imbécillités venant tout gâcher, quelqu’un peut-il me dire si, dans leurs débats préliminaires aux prolégomènes d’une préparation de l’élection présidentielle de 2022, les membres d’un fameux parti se présentant comme écologiste ont parlé d’écologie ? Les rares propos de Mme Sandrine Rousseau parvenus à mes oreilles me donnent quelques doutes. Ce serait drôle si l’écologie n’était pas un sujet grave.