dimanche 25 juillet 2021

« Téléréalité » (Aurélien Bellanger)

 Aurélien Bellanger aurait-il changé ? En termes statistiques, c’est le cas : après quatre romans dont le nombre de pages tournait autour de 484 pages (avec un écart-type de 8,9 pages et un coefficient de variation inférieur à 2%), la moyenne tombe avec Téléréalité, son cinquième roman, à 436 pages, l’écart-type passant à 107,8 pages et le coefficient de variation à 25% ! Il faut dire que Téléréalité ne compte que 244 pages, soit moitié moins que les quatre précédents romans de Bellanger.

La brièveté – relative – de Téléréalité est reflétée en quatrième de couverture : « L’homme qui voulait faire de la télévision un art », y lit-on seulement. Un défi aux critiques littéraires paresseux !

Dans Téléréalité, nous voyons prospérer Sébastien Bitereau, fils d’un plombier de la Drôme et jeune comptable, prospérer dans le petit monde de la télévision dont il deviendra un des maîtres, avant un drame personnel qui aura sur sa vie des conséquences dans divers domaines, le domaine spirituel n’étant pas le moindre. Curieusement, on croirait avoir affaire à une réduction de Théorie de l’information, premier roman de Bellanger, transposée à la télévision. L’intérêt est d’y voir un monde de plus en plus tourné vers lui-même, se célébrant par des émissions exploitant des archives télévisées, avant de se tourner vers le néant des candidats de téléréalité, personnes vides éprises d’elles-mêmes ou de l’idée qu’elles se font d’elles-mêmes.

Comme dans les romans précédents de Bellanger, en particulier Théorie de l’information et Le Grand Paris, on croise ici et là dans Téléréalité quelques personnages réels influençant Sébastien Bitereau ou influencés par lui, de même que l’on explore les coulisses, l’envers du monde contemporain ou du moins d’une partie de celui-ci dont la puissance n’est pas négligeable. Magie balzacienne ?

Les statistiques étalées plus haut n’étaient pas qu’une pitrerie de la part de votre serviteur : cette magie semble lasser Bellanger, ce qui explique peut-être la brièveté de Téléréalité. Peut-être lassera-t-elle aussi le lecteur habitué de Bellanger par la sensation de déjà vu qu’elle procure. L’impression est que Bellanger s’est contenté d’appliquer une recette qu’il connaît et maîtrise bien, avec le talent qu’on lui connaît, mais sans passion, comme par routine. Téléréalité peut en revanche être recommandé à qui voudrait découvrir à peu de frais une partie de son art romanesque – pas la meilleure, il est vrai, qui se trouve dans L’Aménagement du territoire et Le Continent de la douceur.

(Sinon, Aurélien Bellanger a donné à la revue Limite[i] un court texte, « Vous n’aurez pas Mayenne », où il est question d’une de ses expéditions cyclistes, autrement sportives que celles de votre serviteur. Un signe de renouveau, peut-être ?)



[i] Dans son numéro 21, de janvier de cette année, ce qui ne nous rajeunit pas.