Pour revenir, comme
promis, sur mon billet précédent, force m’est d’avouer qu’il est une objection,
et une seule, que je veux bien entendre, aux considérations que j’y ai exposées :
il est bien joli d’être « pro-vie » ou je ne sais quelle autre
appellation, mais que proposer aux femmes qui, se découvrant enceintes,
éprouvent pour diverses raisons une détresse telles qu’elles puissent envisager
un avortement ? Des réponses existent déjà, d’autres, plus ambitieuses,
peuvent être imaginées. Mais avant d’y venir, je m’autoriserai quelques
observations.
Sur quoi le poussif
quinquennat de M. Hollande s’est-il ouvert et sur quoi, le jour même où cet
oubliable présidenticule annonçait qu’il ne souhaitait pas renouveler son
mandat, s’est-il symboliquement refermé ? Sur des mesures qualifiées de sociétales.
Pour commencer, le « mariage » dit pour tous, sur lequel je ne
reviendrai pas aujourd’hui, qui a usé des semelles de manifestants (dont celles
de votre serviteur) et fait couler presque autant d’encre que d’aérosol
lacrymogène. Pour finir, cette absurde loi sur le « délit d’entrave
numérique à l’IVG ». Il y a lieu de s’interroger sur l’insistance avec
laquelle M. Hollande, ses ministres et quelques élus de la majorité ont voulu
imposer ces lois. Une explication possible, que je trouve assez convaincante,
est que, faute d’avoir pris des mesures de justice sociale, le président, son
gouvernement et sa majorité avaient besoin d’avoir l’air de gauche en
manifestant en permanence leur progressisme. Faute de socialisme, on nous
servit le sociétalisme[i]. Une manière,
en somme, d’incarner à peu de frais le progrès, le mouvement, de se sentir
autorisé à tancer quiconque n’est pas d’accord. Et, faute d’avoir pour ennemi « la
finance »[ii],
les sociétalistes prirent pour ennemis les « conservateurs »
ou les « réacs », de la Manif pour tous aux opposants à l’avortement.
Sur ces ennemis, il fut permis de déverser toutes les insultes imaginables,
fruit le plus souvent de clichés éculés et de fantasmes rances.
Ne nous plaignons pas
cependant. La gauche a fait des progrès dans le traitement des ennemis qu’elle
se désigne de temps en temps afin de conserver un semblant d’identité. Songeons
qu’en 1792 les Girondins ne trouvèrent rien de mieux que de déclarer la guerre
au reste de l’Europe, afin de pouvoir aussitôt déclarer la Patrie en danger. Puis
les Montagnards enchaînèrent avec les massacres de Vendée et la Terreur. Il est
à noter, au sujet de la Vendée, que c’est Gracchus Babeuf, précurseur en
quelque sorte des communistes, qui forgea pour dénoncer ces massacres le
néologisme populicide. Dieu merci, peu de progressistes – ou sociétalistes
– ont désiré notre mort ces derniers temps.
Sans la comparer à celle
de Babeuf, ce qui serait un peu dur, observons qu’une belle voix s’est fait
entendre à gauche, avec une éloquence simple et juste, aussi bien contre le « mariage »
dit pour tous que contre le « délit d’entrave numérique à l’IVG » :
celle de M. Bruno Nestor Azerot, député de la Martinique. Il ne faut donc pas
mettre toute la gauche dans le même sac, puisqu’elle compte parmi ses élus et
ses militants des personnes plus préoccupées de questions sociales que
de postures sociétales.
Cela posé, revenons à
notre question : qu’offrir à des femmes tentées par l’avortement, ainsi qu’aux
enfants qu’elles portent ? Une aide, bien entendu, autant matérielle que
morale. Des associations existent déjà pour proposer cette aide. Pourquoi ne
pas imaginer le même genre de service de la part de la collectivité ? Ce
serait d’ailleurs un meilleur emploi de l’argent public que le remboursement d’avortements.
Mais je doute que cela soit la volonté de quelque tendance politique que ce
soit. La gauche sociétaliste et ses faux adversaires de droite –
libéraux le plus souvent – n’en voudraient pas. La première parce que cela
serait « réac » et les seconds parce que cela coûterait de l’argent
et du dévouement à autrui. Cette dernière raison, plus crue, est sans doute
celle qui se cache derrière la première. Une preuve ? Eh bien, la loi sur
le « délit d’entrave numérique à l’IVG » vise précisément les sites
internet où sont recommandées les associations proposant cette aide.
Certains esprits mal
avisés évoquent parfois des « avortements de confort ». Je ne crois
pas qu’un avortement puisse être confortable pour une femme[iii]. En
revanche, il peut être confortable pour ceux qui la pousseront à le subir :
fais-toi avorter et débrouille-toi avec ça, ma fille ; ne nous embête
pas avec tes inquiétudes ; ne nous oblige pas, ne nous lie pas par un
service que nous pourrions devoir te rendre ; devoir ? Nous ne
voulons pas entendre ce mot. Ils appelleront cela, les hypocrites, la libération
de la femme[iv].
Certains élus de gauche
affirment avoir reçu d’un exorciste[v] du
diocèse de Fréjus-Toulon[vi] une
lettre les mettant en garde contre les feux de l’Enfer, lequel les guetterait s’ils
votaient pour cette loi de « délit d’entrave numérique à l’IVG ». « Même
pas peur », auraient répondus quelques-uns d’entre eux, avec le cran
imbécile auquel on reconnaît la libre-pensée depuis au moins cent cinquante ans[vii]. Ils
ont tort. Ils ne savent pas de quoi ils parlent.
Car nous savons désormais
que la devise du sociétalisme réel est : « non serviam »[viii].
Il n’est jamais trop tard pour la rejeter.
[ii] M. Hollande n’eut en
somme « la finance » pour ennemi que le temps d’un discours électoral…
[iii] Sauf aux dires de
quelques féministes hypnotisées par leur militantisme qui prétendent que ce n’est
qu’une formalité, un acte médical comme les autres, etc.
[v] Mot qui ne paraît jamais
sans guillemets dans la presse qui se dit sérieuse.
[vi] Diocèse connu des
journalistes pour son évêque, le « très conservateur » Mgr Rey (voir
ici).
[vii] Un peu plus même, si l’on
songe à cette vieille pie de Homais.
[viii] Certains crurent à
tort, dans la Tchécoslovaquie des années 1960, à la possibilité d’un « socialisme
à visage humain ». Celui du sociétalisme
paraît d’emblée plus grimaçant.
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