Une fatigue passagère et
le manque de temps nous dispenseront de longs développements. Tâchons donc
d’exceller dans l’art de la brève…
La
statue du commandeur
Je m’étais interrogé il y
a quelques semaines (ici) sur le sort qui serait fait à la gentille femen
qui avait démoli une statue de cire à l’effigie de M. Poutine au musée Grévin.
Eh bien, c’est d’une amende ferme[i]
qu’elle a écopé, la pauvrette. La question ayant été posée et la réponse
fournie ailleurs dans des termes auxquels je ne puis qu’acquiescer, je ne me
fatiguerai pas à paraphraser ce qu’en a écrit Patrice de Plunkett dans son
blogue, auquel je vous renvoie paresseusement.
Ajoutons cependant à ces
propos que, la péronnelle incriminée se nommant Jdanova, nous voici renvoyés ironiquement
aux doctrines proclamées par un de ses célèbres homonymes, au doux temps de
Staline, en matière d’art. Car, oui, il a été question d’art récemment à propos
des femen : cette fois dans la plaidoirie de l’avocat de celle
d’entre elles qui a comparu pour les excentricités crispées auxquelles elle s’était
livrée en l’église de la Madeleine, en décembre dernier ; il paraît que
ces pauvres filles mèneraient une action politique et artistique. Ainsi,
se dépoiler dans une église en brandissant deux tranches de foie de veau, eh
bien, c’est de l’art. Après tout, j’ai pu entendre parler mercredi soir sur
France-Culture d’un artiste dont une des œuvres les plus récentes
consiste à manger en public des pages de A la recherche du temps perdu.
Halte
au French-bashing !
Aimant décidément la
lecture du blogue de Patrice de Plunkett, j’y ai relevé une proposition,
mercredi 15, d’attribuer un prix Nobel de l’absurde à M. Bernard-Henri Lévy
(ici). C’est une excellente idée : premièrement, elle irait assez bien à
l’intéressé et, secondement, cela nous ferait un troisième prix Nobel français
cette année, après celui de littérature attribué à Patrick Modiano (salué ici)
et celui d’économie, qui a échu à M. Jean Tirole. Voilà qui clouerait une fois
de plus le bec aux tristes amateurs de French-bashing.
Notons qu’en réalité le
prix Nobel d’économie est nommé prix de la Banque de Suède en sciences
économiques, en mémoire d’Alfred Nobel. On pourrait trouver un nom de ce
genre à ce qui serait communément nommé prix Nobel de l’absurde. Le jury
serait composé de membres de la rédaction du Grönköpings Veckoblad. Le
lauréat serait invité, autant que faire se peut, à prononcer un discours en
transpiranto lors de la remise du prix.
La
crémerie du diable
Deux grandes entreprises
américaines à la pointe de la modernité (Apple, Facebook) ont annoncé récemment
qu’elles proposeraient à leurs salariées de faire congeler leurs ovocytes si
elles étaient désireuses d’attendre un âge mûr pour avoir des enfants, de
manière à s’épanouir d’abord dans leur travail. C’est curieux, mais j’y vois
comme une ruse diabolique : d’abord séduire ces dames par des moâ, moâ,
moâ, ma carrière et mes ambitions, pour mieux les enfermer dans leur
travail, les exploiter tant qu’elles sont jeunes et en forme, et, au passage,
éviter de s’encombrer de congés maternité. (Et il y a toujours lieu de
s’inquiéter quand l’Etat ou les entreprises manifestent des velléités de
s’immiscer dans l’intimité des corps ou des esprits.)
Alors, mesdames, dans ces
conditions, soyez vraiment révolutionnaires, lâchez vos patrons[ii] et
devenez des mères de familles ![iii]
Deux
temps, trois mouvements
Les journaux bruissent de
rumeurs et de pronostics au sujet du synode des évêques sur la famille, qui se
tient en ce moment à Rome. Divers pisse-copie y vont de grands mots, comme séisme,
querelles, ou révolution.
L’avis du (modeste et
imparfait) catholique que je suis vous intéresse-t-il ? Eh bien, le
voici : je n’ai rien à dire. Les évêques prient, réfléchissent, discutent,
débattent, en un mot ils travaillent. On peut prier pour eux, pour qu’ils
soient inspirés par l’Esprit Saint dans leurs réflexions et leurs conclusions.
Que nous tâcherons d’accueillir, de nous faire expliquer et de comprendre.
Humblement et patiemment, en nous rappelant que le temps de l’Eglise n’est pas
celui de la grosse presse.
Bien sûr, il y aura
toujours des conservateurs pour nous dire que le moindre changement
mettrait l’Eglise en danger, et des progressistes, frères ennemis des
précédents, pour espérer qu’elle se conformera enfin à l’esprit du temps. Sans
oublier les esprits bourgeois qui n’attendent de l’Eglise qu’une bénédiction
générale de leurs usages et de ce qui les arrange.
Comment expliquer à ces
gens que la mission de l’Eglise n’est pas de leur faire plaisir ? Qu’ils
n’ont pas créé Dieu à leur image mais que c’est précisément l’inverse ?
S’ils ne sont pas
convaincus, ils pourront toujours aller fonder quelque secte protestantoïde au
nom biscornu, si possible ; quelque chose comme l’Eglise des saints
momifiés depuis toujours, l’Eglise du progrès perpétuel, ou encore l’Eglise
des consolations confortables. Ils pourront ainsi, outre nourrir l’appétit
de sensationnel de la grosse presse, nous donner envie de relire La sagesse
dans le sang[iv],
superbe roman de Flannery O’Connor où deux prédicateurs improvisés
s’affrontent : l’un à la tête de l’Eglise sans Christ, l’autre à la
tête de l’Eglise du Christ sans Christ ; en gros, un illuminé et un
margoulin.
Ce qui me rappelle, du
coup, qu’il faudrait rendre hommage un de ces jours, de préférence avant la fin
de l’année, à Flannery O’Connor, extraordinaire romancière et nouvelliste,
morte prématurément il y a cinquante ans, en août 1964.
[i] Ce fait constituerait-il
une preuve des difficultés rencontrées par « les occidentaux » pour
sanctionner M. Poutine et sa politique ?
[ii] Ou encore mieux :
ennuyez-les en prenant de nombreux congés de maternité !
[iii] Le sujet est développé
dans un style certes différent mais d’une manière fort juste, cette fois chez Koztoujours.
[iv] Wise Blood (1952)
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