samedi 18 octobre 2014

Condiments de saison

Une fatigue passagère et le manque de temps nous dispenseront de longs développements. Tâchons donc d’exceller dans l’art de la brève…
La statue du commandeur
Je m’étais interrogé il y a quelques semaines (ici) sur le sort qui serait fait à la gentille femen qui avait démoli une statue de cire à l’effigie de M. Poutine au musée Grévin. Eh bien, c’est d’une amende ferme[i] qu’elle a écopé, la pauvrette. La question ayant été posée et la réponse fournie ailleurs dans des termes auxquels je ne puis qu’acquiescer, je ne me fatiguerai pas à paraphraser ce qu’en a écrit Patrice de Plunkett dans son blogue, auquel je vous renvoie paresseusement.
Ajoutons cependant à ces propos que, la péronnelle incriminée se nommant Jdanova, nous voici renvoyés ironiquement aux doctrines proclamées par un de ses célèbres homonymes, au doux temps de Staline, en matière d’art. Car, oui, il a été question d’art récemment à propos des femen : cette fois dans la plaidoirie de l’avocat de celle d’entre elles qui a comparu pour les excentricités crispées auxquelles elle s’était livrée en l’église de la Madeleine, en décembre dernier ; il paraît que ces pauvres filles mèneraient une action politique et artistique. Ainsi, se dépoiler dans une église en brandissant deux tranches de foie de veau, eh bien, c’est de l’art. Après tout, j’ai pu entendre parler mercredi soir sur France-Culture d’un artiste dont une des œuvres les plus récentes consiste à manger en public des pages de A la recherche du temps perdu.
Halte au French-bashing !
Aimant décidément la lecture du blogue de Patrice de Plunkett, j’y ai relevé une proposition, mercredi 15, d’attribuer un prix Nobel de l’absurde à M. Bernard-Henri Lévy (ici). C’est une excellente idée : premièrement, elle irait assez bien à l’intéressé et, secondement, cela nous ferait un troisième prix Nobel français cette année, après celui de littérature attribué à Patrick Modiano (salué ici) et celui d’économie, qui a échu à M. Jean Tirole. Voilà qui clouerait une fois de plus le bec aux tristes amateurs de French-bashing.
Notons qu’en réalité le prix Nobel d’économie est nommé prix de la Banque de Suède en sciences économiques, en mémoire d’Alfred Nobel. On pourrait trouver un nom de ce genre à ce qui serait communément nommé prix Nobel de l’absurde. Le jury serait composé de membres de la rédaction du Grönköpings Veckoblad. Le lauréat serait invité, autant que faire se peut, à prononcer un discours en transpiranto lors de la remise du prix.
La crémerie du diable
Deux grandes entreprises américaines à la pointe de la modernité (Apple, Facebook) ont annoncé récemment qu’elles proposeraient à leurs salariées de faire congeler leurs ovocytes si elles étaient désireuses d’attendre un âge mûr pour avoir des enfants, de manière à s’épanouir d’abord dans leur travail. C’est curieux, mais j’y vois comme une ruse diabolique : d’abord séduire ces dames par des moâ, moâ, moâ, ma carrière et mes ambitions, pour mieux les enfermer dans leur travail, les exploiter tant qu’elles sont jeunes et en forme, et, au passage, éviter de s’encombrer de congés maternité. (Et il y a toujours lieu de s’inquiéter quand l’Etat ou les entreprises manifestent des velléités de s’immiscer dans l’intimité des corps ou des esprits.)
Alors, mesdames, dans ces conditions, soyez vraiment révolutionnaires, lâchez vos patrons[ii] et devenez des mères de familles ![iii]
Deux temps, trois mouvements
Les journaux bruissent de rumeurs et de pronostics au sujet du synode des évêques sur la famille, qui se tient en ce moment à Rome. Divers pisse-copie y vont de grands mots, comme séisme, querelles, ou révolution.
L’avis du (modeste et imparfait) catholique que je suis vous intéresse-t-il ? Eh bien, le voici : je n’ai rien à dire. Les évêques prient, réfléchissent, discutent, débattent, en un mot ils travaillent. On peut prier pour eux, pour qu’ils soient inspirés par l’Esprit Saint dans leurs réflexions et leurs conclusions. Que nous tâcherons d’accueillir, de nous faire expliquer et de comprendre. Humblement et patiemment, en nous rappelant que le temps de l’Eglise n’est pas celui de la grosse presse.
Bien sûr, il y aura toujours des conservateurs pour nous dire que le moindre changement mettrait l’Eglise en danger, et des progressistes, frères ennemis des précédents, pour espérer qu’elle se conformera enfin à l’esprit du temps. Sans oublier les esprits bourgeois qui n’attendent de l’Eglise qu’une bénédiction générale de leurs usages et de ce qui les arrange.
Comment expliquer à ces gens que la mission de l’Eglise n’est pas de leur faire plaisir ? Qu’ils n’ont pas créé Dieu à leur image mais que c’est précisément l’inverse ?
S’ils ne sont pas convaincus, ils pourront toujours aller fonder quelque secte protestantoïde au nom biscornu, si possible ; quelque chose comme l’Eglise des saints momifiés depuis toujours, l’Eglise du progrès perpétuel, ou encore l’Eglise des consolations confortables. Ils pourront ainsi, outre nourrir l’appétit de sensationnel de la grosse presse, nous donner envie de relire La sagesse dans le sang[iv], superbe roman de Flannery O’Connor où deux prédicateurs improvisés s’affrontent : l’un à la tête de l’Eglise sans Christ, l’autre à la tête de l’Eglise du Christ sans Christ ; en gros, un illuminé et un margoulin.
Ce qui me rappelle, du coup, qu’il faudrait rendre hommage un de ces jours, de préférence avant la fin de l’année, à Flannery O’Connor, extraordinaire romancière et nouvelliste, morte prématurément il y a cinquante ans, en août 1964.




[i] Ce fait constituerait-il une preuve des difficultés rencontrées par « les occidentaux » pour sanctionner M. Poutine et sa politique ?
[ii] Ou encore mieux : ennuyez-les en prenant de nombreux congés de maternité !
[iii] Le sujet est développé dans un style certes différent mais d’une manière fort juste, cette fois chez Koztoujours.
[iv] Wise Blood (1952)

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