jeudi 14 août 2014

Chronique inutile

Tout est dans le titre. Avec quelques hommages à de récents disparus – parfois des génies de l’inutile, diront les mauvaises langues ; mais rien n’oblige à être médisant.
Note en bas de page
Pour répondre à une question posée dans une récente chronique (ici), sachez que la phrase que j’avais citée en ces termes :
« Quand les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. »
se trouve au moins dans La famille Fenouillard, dans l’épisode intitulé Au seuil de l’éternité, où l’on peut lire, pour être plus exact :
« Or, comme l’a dit judicieusement un auteur célèbre : "quand la borne est franchie, il n’y a plus de limites !" ».
Reste à savoir qui est cet « auteur célèbre » ici mentionné. S’agirait-il de Christophe[i] lui-même, dans quelque autre de ses œuvres (outre La famille Fenouillard : Le sapeur Camember, Le savant Cosinus, Les malices de Plick et Plock) ? Voire de personne ? Allez savoir…
Simon Leys
On apprenait ce lundi la mort de Simon Leys, qui scandalisa en 1971 un certain microcosme intellectuel[ii] en publiant Les habits neufs du président Mao. Connaisseur de la Chine, Pierre Ryckmans, par prudence, avait pris pour écrire ce dernier livre le pseudonyme « Simon Leys » en référence notamment au René Leys de Victor Segalen, lecture fort recommandable.
De Simon Leys, je n’ai lu pour ma part qu’un de ses derniers livres, Le Studio de l’Inutilité (paru chez Flammarion en 2012). Un beau recueil de textes divers, qui commence par un insolent Belgitude de Michaux ; on y trouve aussi des textes sur Chesterton, Orwell… et un Roland Barthes en Chine, clou ajouté au cercueil du maoïsme occidental. Ce qui devrait nous inciter à lire le reste…
Les studios de l’inutilité
En Amérique, c’est bien connu, tout est grand. A tel point qu’un seul « studio de l’inutilité » ne saurait suffire aux Américains. Ils en possèdent donc plusieurs, vastes et productifs. Cela se nomme Hollywood. C’est depuis longtemps le siège d’une lourde industrie et, sans doute depuis un peu moins longtemps, le lieu d’une intense activité de marketing.
Ce dernier aspect est, sans doute, la raison pour quelques amateurs de cinéma (dont votre serviteur) de n’éprouver aucun appétit devant les produits récents de cette industrie. Et d’être un peu tristes en apprenant le décès de Lauren Bacall et celui de Robin Williams. Tout a été dit dans leurs nécrologies, il n’y sera rien ajouté ici. Si ce n’est une petite réserve quant au réel talent comique de Robin Williams : il y avait toujours dans son regard et dans sa voix l’expression d’un sérieux ou d’une tristesse qui semblait dire : « j’aimerais vous émouvoir, vous toucher » ; mais n’accablons pas un homme malheureux.
Comment dire ? Il ne me semble guère possible de voir sortir aujourd’hui de Hollywood un film où l’on trouverait l’équivalent du cri tonitruant, jovial et ironique de Robin Willams : « Goooooood morning, Vietnam ! » (dans le film portant ce titre). Et encore moins celui de la scène toute simple et fort belle où Lauren Bacall ouvre les volets de sa chambre, souriant à un ciel matinal enfin apaisé, à la fin de Key Largo. Les études de marché prouveraient sans doute que de telles choses ne pourraient avoir aucun succès[iii].



[i] De son vrai nom Marie-Louis-Georges Colomb (1856-1945), normalien et professeur de sciences naturelles.
[ii] Existe-t-il une étude sur l’étrange besoin qu’éprouvent bon nombre d’intellectuels de se faire les chantres enamourés de tyrans étrangers (de toutes les couleurs) ?
[iii] Disons-le sans être dupe toutefois. A l’époque de Key Largo (1948), Hollywood produisait déjà de grandes quantités de petites choses d’une niaiserie parfaite ; la proportion à l’époque de Good Morning Vietnam (1987) devait avoir passablement augmenté. Nous supposerons donc que les bons films (quoique Key Largo soit à cent coudées au moins au-dessus de Good Morning Vietnam) font partie de ce qui émerge d’un tas de choses sans intérêt produites aux mêmes époques. Je me demande s’il émerge quoi que ce soit du tas actuel.

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