Tout est dans le titre. Avec quelques hommages à de
récents disparus – parfois des génies de l’inutile, diront les mauvaises
langues ; mais rien n’oblige à être médisant.
Note en bas de page
Pour répondre à une question posée dans une récente
chronique (ici), sachez que la phrase que j’avais citée en ces termes :
« Quand
les bornes sont franchies, il n’y a plus de limites. »
se trouve au moins dans La famille Fenouillard, dans l’épisode intitulé Au seuil de
l’éternité, où l’on peut lire, pour être plus exact :
« Or,
comme l’a dit judicieusement un auteur célèbre : "quand la borne est
franchie, il n’y a plus de limites !" ».
Reste à savoir qui est cet « auteur célèbre »
ici mentionné. S’agirait-il de Christophe[i]
lui-même, dans quelque autre de ses œuvres (outre La famille Fenouillard : Le
sapeur Camember, Le savant Cosinus,
Les malices de Plick et Plock) ?
Voire de personne ? Allez savoir…
Simon Leys
On apprenait ce lundi la mort de Simon Leys, qui
scandalisa en 1971 un certain microcosme intellectuel[ii]
en publiant Les habits neufs du président
Mao. Connaisseur de la Chine, Pierre Ryckmans, par prudence, avait pris
pour écrire ce dernier livre le pseudonyme « Simon Leys » en
référence notamment au René Leys de
Victor Segalen, lecture fort recommandable.
De Simon Leys, je n’ai lu pour ma part qu’un de ses
derniers livres, Le Studio de l’Inutilité
(paru chez Flammarion en 2012). Un beau recueil de textes divers, qui commence
par un insolent Belgitude de Michaux ;
on y trouve aussi des textes sur Chesterton, Orwell… et un Roland Barthes en Chine, clou ajouté au cercueil du maoïsme
occidental. Ce qui devrait nous inciter à lire le reste…
Les studios de l’inutilité
En Amérique, c’est bien connu, tout est grand. A tel
point qu’un seul « studio de
l’inutilité » ne saurait suffire aux Américains. Ils en possèdent donc
plusieurs, vastes et productifs. Cela se nomme Hollywood. C’est depuis
longtemps le siège d’une lourde industrie et, sans doute depuis un peu moins
longtemps, le lieu d’une intense activité de marketing.
Ce dernier aspect est, sans doute, la raison pour
quelques amateurs de cinéma (dont votre serviteur) de n’éprouver aucun appétit
devant les produits récents de cette industrie. Et d’être un peu tristes en
apprenant le décès de Lauren Bacall et celui de Robin Williams. Tout a été dit
dans leurs nécrologies, il n’y sera rien ajouté ici. Si ce n’est une petite
réserve quant au réel talent comique de Robin Williams : il y avait
toujours dans son regard et dans sa voix l’expression d’un sérieux ou d’une
tristesse qui semblait dire : « j’aimerais vous émouvoir, vous
toucher » ; mais n’accablons pas un homme malheureux.
Comment dire ? Il ne me semble guère possible
de voir sortir aujourd’hui de Hollywood un film où l’on trouverait l’équivalent
du cri tonitruant, jovial et ironique de Robin Willams : « Goooooood morning, Vietnam ! »
(dans le film portant ce titre). Et encore moins celui de la scène toute simple
et fort belle où Lauren Bacall ouvre les volets de sa chambre, souriant à un
ciel matinal enfin apaisé, à la fin de Key
Largo. Les études de marché prouveraient sans doute que de telles choses ne
pourraient avoir aucun succès[iii].
[i] De son vrai nom
Marie-Louis-Georges Colomb (1856-1945), normalien et professeur de sciences
naturelles.
[ii] Existe-t-il une étude sur
l’étrange besoin qu’éprouvent bon nombre d’intellectuels de se faire les
chantres enamourés de tyrans étrangers (de toutes les couleurs) ?
[iii] Disons-le sans être dupe
toutefois. A l’époque de Key Largo
(1948), Hollywood produisait déjà de grandes quantités de petites choses d’une
niaiserie parfaite ; la proportion à l’époque de Good Morning Vietnam (1987) devait avoir passablement augmenté. Nous
supposerons donc que les bons films (quoique Key Largo soit à cent coudées au
moins au-dessus de Good Morning Vietnam) font partie de ce qui émerge d’un tas
de choses sans intérêt produites aux mêmes époques. Je me demande s’il émerge quoi
que ce soit du tas actuel.
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