Commençons par évacuer l’aspect
le plus vain de la manifestation « anti-PMA pour toutes » ou encore contre
le projet de révision de la loi dite bioéthique du 19 janvier. Je veux bien sûr
parler du nombre de manifestants : étions-nous « des centaines de
milliers » comme l’affirment les organisateurs, quarante-et-un mille comme
l’a dit la préfecture de police[i], ou
bien vingt-six mille, à en croire les dires du cabinet « Occurrence »,
qui semble être devenu une source considérée comme infaillible (on se demande
pourquoi) par nos amis les journalistes ? Peu importe le vrai nombre
puisque, de toute façon, le gouvernement n’en a cure et ne se dérange même pas
pour évoquer cette opposition, quelle que soit son ampleur. Quel intérêt,
alors, d’aller manifester contre un projet de loi dont tout semble dire qu’il
passera presque comme une lettre à la poste, tant ses enjeux paraissent passer
au-dessus des têtes chenues d’un nombre non négligeable de nos vertueux
sénateurs ?
Premièrement, celui, pour
des dizaines (ou des centaines, donc) de milliers de quidams, d’exprimer leur
désaccord profond d’avec les évolutions que veut permettre ce projet de loi.
Tout le monde n’a pas la possibilité d’écrire des tribunes pertinentes dans les
journaux ni de publier des communiqués tout aussi pertinents. Tout le monde n’a
pas non plus l’éloquence nécessaire pour cela.
Ensuite, il n’est pas
inintéressant d’observer l’évolution d’une protestation qui se situe en grande partie
dans la lignée de la « Manif pour tous ». Et, bonne nouvelle, au
moins du côté des organisateurs, il semble qu’un souci de cohérence gagne le
discours. Il a été assez souvent question d’écologie dans les interventions qu’il
m’a été donné d’entendre, et même de contestation d’un modèle libéral, lui
aussi cohérent, c’est-à-dire touchant à des domaines variés, dont l’économie :
à travers le risque que présente le risque de soumission au marché de la
transmission de la vie, certains semblent enfin avoir entrevu que ce n’est pas
au marché de régir la société. Reste à savoir s’il s’agit d’un propos sincère –
les arguments m’en ont parfois paru un peu « plaqués », mais
peut-être est-ce là l’effet d’un réveil tardif de la pensée, tant des gens
convenablement « de droite » s’étaient engourdis à omettre de
critiquer le libéralisme – ou d’une posture. La même interrogation vaut pour
les manifestants. Mais il y a des raisons d’espérer : à la manifestation
du 6 octobre, j’avais eu l’occasion de féliciter de jeunes gens qui tenaient
bien haut une pancarte improvisée où l’on pouvait lire :
La technique détruit la Terre,
Ne la laisse pas détruire ton père.
Ne la laisse pas détruire ton père.
Et les tracts[ii]
distribués par des militants de « Pièces et main-d’œuvre » m’ont paru
recevoir un bon accueil.
Je n’ose prédire, ni même
la souhaiter, une quelconque « convergence des luttes » (tant l’expression
est galvaudée) entre des « forces » conservatrices, écologistes et
sociales. Mais pourquoi ne pas espérer une rencontre entre des esprits se
voulant cohérents ? Conservatisme, écologie, justice sociale, voilà trois
notions qui n’ont rien d’incompatible, bien au contraire. Il est temps d’en
prendre conscience.
Et, pour ma part, ce 19
janvier, comme on nous avait distribué, avant d’aborder l’avenue de l’Opéra,
des bâtons de craie, je me suis permis d’écrire sur la chaussée :
Arrêtez le progrès
et
N’achetez personne ! Jamais !
[i] Nombre probablement avancé
pour montrer que cela fait moins que les quarante-deux mille manifestants « comptés »
en octobre.
[ii] Contre l’eugénisme et l’anthropocide – Appel pour l’abolition de toute reproduction artificielle de l’humain.
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