mercredi 29 janvier 2020

Humbles réflexions sur une manifestation

Commençons par évacuer l’aspect le plus vain de la manifestation « anti-PMA pour toutes » ou encore contre le projet de révision de la loi dite bioéthique du 19 janvier. Je veux bien sûr parler du nombre de manifestants : étions-nous « des centaines de milliers » comme l’affirment les organisateurs, quarante-et-un mille comme l’a dit la préfecture de police[i], ou bien vingt-six mille, à en croire les dires du cabinet « Occurrence », qui semble être devenu une source considérée comme infaillible (on se demande pourquoi) par nos amis les journalistes ? Peu importe le vrai nombre puisque, de toute façon, le gouvernement n’en a cure et ne se dérange même pas pour évoquer cette opposition, quelle que soit son ampleur. Quel intérêt, alors, d’aller manifester contre un projet de loi dont tout semble dire qu’il passera presque comme une lettre à la poste, tant ses enjeux paraissent passer au-dessus des têtes chenues d’un nombre non négligeable de nos vertueux sénateurs ?
Premièrement, celui, pour des dizaines (ou des centaines, donc) de milliers de quidams, d’exprimer leur désaccord profond d’avec les évolutions que veut permettre ce projet de loi. Tout le monde n’a pas la possibilité d’écrire des tribunes pertinentes dans les journaux ni de publier des communiqués tout aussi pertinents. Tout le monde n’a pas non plus l’éloquence nécessaire pour cela.
Ensuite, il n’est pas inintéressant d’observer l’évolution d’une protestation qui se situe en grande partie dans la lignée de la « Manif pour tous ». Et, bonne nouvelle, au moins du côté des organisateurs, il semble qu’un souci de cohérence gagne le discours. Il a été assez souvent question d’écologie dans les interventions qu’il m’a été donné d’entendre, et même de contestation d’un modèle libéral, lui aussi cohérent, c’est-à-dire touchant à des domaines variés, dont l’économie : à travers le risque que présente le risque de soumission au marché de la transmission de la vie, certains semblent enfin avoir entrevu que ce n’est pas au marché de régir la société. Reste à savoir s’il s’agit d’un propos sincère – les arguments m’en ont parfois paru un peu « plaqués », mais peut-être est-ce là l’effet d’un réveil tardif de la pensée, tant des gens convenablement « de droite » s’étaient engourdis à omettre de critiquer le libéralisme – ou d’une posture. La même interrogation vaut pour les manifestants. Mais il y a des raisons d’espérer : à la manifestation du 6 octobre, j’avais eu l’occasion de féliciter de jeunes gens qui tenaient bien haut une pancarte improvisée où l’on pouvait lire :
La technique détruit la Terre,
Ne la laisse pas détruire ton père.
Et les tracts[ii] distribués par des militants de « Pièces et main-d’œuvre » m’ont paru recevoir un bon accueil.
Je n’ose prédire, ni même la souhaiter, une quelconque « convergence des luttes » (tant l’expression est galvaudée) entre des « forces » conservatrices, écologistes et sociales. Mais pourquoi ne pas espérer une rencontre entre des esprits se voulant cohérents ? Conservatisme, écologie, justice sociale, voilà trois notions qui n’ont rien d’incompatible, bien au contraire. Il est temps d’en prendre conscience.
Et, pour ma part, ce 19 janvier, comme on nous avait distribué, avant d’aborder l’avenue de l’Opéra, des bâtons de craie, je me suis permis d’écrire sur la chaussée :
Arrêtez le progrès
et
N’achetez personne ! Jamais !


[i] Nombre probablement avancé pour montrer que cela fait moins que les quarante-deux mille manifestants « comptés » en octobre.
[ii] Contre l’eugénisme et l’anthropocide – Appel pour l’abolition de toute reproduction artificielle de l’humain.

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