mardi 21 janvier 2020

Une intuition, ce 21 janvier

En revenant dimanche 19 janvier de la manifestation que l’on sait, je fus pris d’une intuition étrange : quelqu’un a-t-il déjà sérieusement (le mot mérite une explication, elle viendra) réfléchi à un lien éventuel, ou tout au moins à une concomitance, entre le déclin (je reviendrai sur cette notion) des monarchies européennes et l’essor de divers délires prométhéens, de la révolution industrielle au transhumanisme ? Des supposés bénéfices de la première, nous avons cru pouvoir jouir pendant deux siècles avant d’entrevoir que l’addition sera salée, et du second nous commençons à voir les manifestations déjà démentes.
Par sérieusement, j’entends : sans chercher à déceler quelque complot ourdi dans une officine sordide par une société secrète il y a des siècles, explication trop simple (et trop cohérente) pour n’être pas farfelue ; et sans tomber dans de bizarres facilités à chercher aux confins d’un mysticisme mal digéré et de la folie.
Par déclin, j’entends, au choix : le lent processus – parfois plus ou moins concerté, avec même de temps à autre la complicité plus ou moins consciente de ses victimes – de transformation des derniers rois européens en phénomènes de foire ou le brutal renversement de quelques-uns d’entre eux, accompagné parfois de leur assassinat travesti en je ne sais quel simulacre de sacrifice ou de justice. Je pense bien entendu à l’assassinat de Louis XVI, en ce 21 janvier.
Il n’existe probablement plus, même dans les franges les plus bêtes de la bourgeoisie républicaine (je n’ose imaginer sans frémir quelle peut être la bêtise de tels milieux), que quelques fossiles pour manger de la tête de veau en ce triste anniversaire. Mais il y a toujours des bourgeois pour s’engraisser de tout ce qu’ils trouvent, certains de ne rencontrer aucune autorité légale pour les en empêcher de manière permanente, la loi n’étant plus désormais qu’une affaire de mode, une mode que d’habiles prescripteurs sauront toujours créer selon leurs intérêts. Ils appelleront cela émancipation, par exemple. Et le libéralisme n’est donc pas dépourvu d’une certaine cohérence, qu’il soit politique ou économique. Un indice ? Au XIXe siècle, avant que des socialistes ne s’y intéressent, on trouva des légitimistes, en France, pour se pencher avec humanité sur le sort des ouvriers que consommait allègrement une industrie jeune, dynamique et parfaitement dépourvue de scrupules. Au sujet de cette dernière, est-il besoin de rappeler une certaine continuité en citant une fois de plus les propos de feu Pierre Bergé en 2013 : « Je suis pour toutes les libertés. Louer son ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant. »
Si quelque érudit sérieux a la patience de se manifester pour étayer ou infirmer une telle intuition, qu’il n’hésite surtout pas.

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