En revenant dimanche 19
janvier de la manifestation que l’on sait, je fus pris d’une intuition étrange :
quelqu’un a-t-il déjà sérieusement (le mot mérite une explication, elle
viendra) réfléchi à un lien éventuel, ou tout au moins à une concomitance,
entre le déclin (je reviendrai sur cette notion) des monarchies européennes et
l’essor de divers délires prométhéens, de la révolution industrielle au
transhumanisme ? Des supposés bénéfices de la première, nous avons cru
pouvoir jouir pendant deux siècles avant d’entrevoir que l’addition sera salée,
et du second nous commençons à voir les manifestations déjà démentes.
Par sérieusement,
j’entends : sans chercher à déceler quelque complot ourdi dans une
officine sordide par une société secrète il y a des siècles, explication trop
simple (et trop cohérente) pour n’être pas farfelue ; et sans tomber dans de
bizarres facilités à chercher aux confins d’un mysticisme mal digéré et de la
folie.
Par déclin, j’entends,
au choix : le lent processus – parfois plus ou moins concerté, avec même
de temps à autre la complicité plus ou moins consciente de ses victimes – de transformation
des derniers rois européens en phénomènes de foire ou le brutal renversement de
quelques-uns d’entre eux, accompagné parfois de leur assassinat travesti en je
ne sais quel simulacre de sacrifice ou de justice. Je pense bien entendu à l’assassinat
de Louis XVI, en ce 21 janvier.
Il n’existe probablement
plus, même dans les franges les plus bêtes de la bourgeoisie républicaine (je n’ose
imaginer sans frémir quelle peut être la bêtise de tels milieux), que quelques
fossiles pour manger de la tête de veau en ce triste anniversaire. Mais il y a
toujours des bourgeois pour s’engraisser de tout ce qu’ils trouvent, certains
de ne rencontrer aucune autorité légale pour les en empêcher de manière
permanente, la loi n’étant plus désormais qu’une affaire de mode, une mode que
d’habiles prescripteurs sauront toujours créer selon leurs intérêts. Ils appelleront
cela émancipation, par exemple. Et le libéralisme n’est donc pas
dépourvu d’une certaine cohérence, qu’il soit politique ou économique. Un indice ?
Au XIXe siècle, avant que des socialistes ne s’y intéressent, on trouva des
légitimistes, en France, pour se pencher avec humanité sur le sort des ouvriers
que consommait allègrement une industrie jeune, dynamique et parfaitement
dépourvue de scrupules. Au sujet de cette dernière, est-il besoin de rappeler
une certaine continuité en citant une fois de plus les propos de feu Pierre
Bergé en 2013 : « Je suis pour toutes les libertés. Louer son
ventre pour faire un enfant ou louer ses bras pour travailler à l’usine, quelle
différence ? C’est faire un distinguo qui est choquant. »
Si quelque érudit sérieux
a la patience de se manifester pour étayer ou infirmer une telle intuition, qu’il
n’hésite surtout pas.
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