vendredi 4 septembre 2015

Au bruit de la sonnette…

Connaissez-vous l’Observatoire Sociopolitique (OSP) de Fréjus-Toulon ? Non ? Pourtant, vous en aurez peut-être entendu parler ces derniers jours, au sujet d’une « université d’été » qui a fait quelque bruit dans la grosse presse. Or tout ce bruit ne vous aura sans doute pas appris grand-chose sur l’OSP de Fréjus-Toulon[i]
La meute… ou le troupeau
Que s’est-il donc passé pour que la grosse presse bruisse à ce point ? C’est simple : samedi 29 août a eu lieu à la susdite « université d’été » un débat entre quelques personnalités politiques invitées, parmi lesquelles… Mlle Marion Maréchal-le Pen.
Pensez donc : l’occasion de rapprocher dans une même phrase Eglise catholique et Le Pen, voilà plus qu’il n’en faut pour faire saliver le journaliste de base, être qui à une telle occasion ne peut que réagir comme le chien de Pavlov au son de la célèbre sonnette, mû qu’il est par ses instincts et non par un désir de savoir, d’exposer et d’expliquer quoi que ce soit. Avec un appétit digne d’une meute de loups souffrant de sous-nutrition, ou avec l’élan collectif d’un troupeau de moutons, nos attachants amis les journalistes se sont rués sur l’événement et ont pondu de croquignolettes copies sur un supposé rapprochement entre l’Eglise catholique et le Front dit national, orchestré par « le très conservateur Mgr Rey ».
Ainsi, ces touchants petits êtres ont livré en pâture au bon peuple les quelques clichés qui permettent de faire naître et d’entretenir – autant que possible – une polémique aussi vaine qu’elle sera oubliée[ii]. Naturellement, les pisse-copie habituels de l’antichristianisme officiel ont pu verser leur pinte de n’importe quoi haineux, comme la prévisible Caroline Fourest, dont la causerie du lundi matin sur France-Culture (on appelle cela une radio de service public) a encore été reconduite cette saison.
Des agneaux enragés
Mais ces flamboiements de médiocrité sont encore, somme toute, dans l’ordre des choses. Plus surprenante (et plus discrète) fut l’attitude de quelques milieux dits cathos de gauche.
Il ne faut pas rire trop fort des « cathos de gauche ». Premièrement, parce qu’ils ne sont pas si drôles que cela ; secondement, parce qu’il n’est guère charitable de s’en prendre à une population en voie d’extinction (la confusion entre religion et opinions politiques semblant être un risque en ce moment plus avéré à droite). On serait tenté de les considérer comme un échantillon d’une certaine bourgeoisie pratiquant l’autosatisfaction et l’entre-soi[iii], et qui a dû décider un jour que Dieu est de gauche[iv].
Par exemple, M. René Poujol, apparemment une de leurs voix, s’est fendu dans Causeur d’un article condamnant l’initiative de l’OSP de Fréjus-Toulon (ici) : en résumé, on ne dialogue pas avec le FN, on le combat. Parce que. Un point c’est tout. Et fermez le ban. J’aimerais savoir avec quelles armes M. Poujol entend « combattre » le FN. Certainement pas avec un goupillon ou un encensoir : non que leur usage habituel rende ces objets trop respectables (raison que j’approuverais pour ma part), mais ils ont sans doute aux yeux d’un « catho de gauche » une connotation frisant le « tradi ». Non, M. Poujol s’est essayé à la dérision, titrant son article : Maréchal, vous voilà. C’est que l’on sait rire, chez les « cathos de gauche » ! Il faudrait faire remarquer à M. Poujol que la finesse de son jeu de mots n’a d’équivalent que celle dont usa un certain Jean-Marie Le Pen vers 1988, à propos d’un ministricule nommé Durafour. Ah, maudite et cruelle symétrie ![v]
Mais qui, mais quoi ?
Une réplique, toujours dans Causeur, a été donnée à la filandreuse diatribe de M. Poujol par Théophane Le Méné (ici). On y trouve un argument fort simple, que je reprends volontiers : s’il est possible, voire avéré, que le discours ou le programme du FN comporte des aspects incompatibles avec la doctrine de l’Eglise, cela est tout aussi vrai de n’importe quel autre parti politique. Ce sont les raisons de l’incompatibilité qui varient, voilà tout. Encore faut-il pour s’en rendre compte se défaire de ses préjugés partisans.
On pourrait quand même faire un reproche à l’OSP de Fréjus-Toulon : pourquoi avoir invité, ne serait-ce que le temps d’un débat, des représentants de partis politiques ? C’est après tout s’exposer à quelques démonstrations de langue de bois (ou à quelques circonvolutions embarrassées). Mais comme les intervenants avaient été invités en fonction de leur foi revendiquée (ou à peu près), c’était peut-être l’occasion de faire la part dans leur propos de la sincérité, de l’opportunisme et aussi de l’incohérence. Qu’ils fussent du PS, des Républicains, du FN ou de quoi que ce soit. Souhaitons à ceux qui ont assisté à ces journées[vi], et en particulier à ces débats, d’avoir pu se faire une idée.
Ah, quand même : quel était donc le thème de cette « université d’été » ? Ce n’est pas dans la grosse presse que nous l’aurons appris. Il faut chercher ailleurs[vii] pour découvrir que c’était… « Médias et vérité ». Chacun aura pu constater une fois de plus que « médias et vérité », cela fait plus d’un.


[i] L’OSP de Fréjus-Toulon « a été fondé par Mgr Rey en 2005 au service de l’engagement des chrétiens dans la société », nous apprend la page d’accueil de son site (voir ici). Pour ceux qui l’ignoreraient, Mgr Rey est l’évêque du diocèse de Fréjus-Toulon.
[ii] Ajoutons en passant que la présentation faite par les journalistes de cette « université d’été » est pour le moins cavalière à l’égard des autres invités de ce débat, des autres participants de cette université, sans parler de ses organisateurs.
[iii] Se répandant – oh, modestement – sur internet notamment dans un blogue nommé A la table des cathos de gauche : si d’aventure des « cathos » qui ne sont pas de gauche y passent la tête, peut-être auront-ils droit à un verre d’eau s’ils sont sages.
[iv] Ne voyez pas dans l’ironie de mes propos un point de vue nécessairement de droite : remplacez ici gauche par droite, et vous obtiendrez une description de leurs frères ennemis, leurs inconciliables jumeaux. Cela dit, dans les deux cas, on peut rencontrer des personnes généreuses ; rien n’est tout simple.
[v] Je me demande ce que l’on boit à la table des cathos de gauche pour faire des jeux de mots pareils, sans doute à l’heure du dessert. Je n’ai pas prévu d’y goûter dans les jours qui viennent, ayant le palais délicat.
[vi] Précisons que toute cette affaire est vue de Paris par quelqu’un qui n’a pas assisté à ces rencontres.
[vii] Chez Patrice de Plunkett, par exemple (ici), mais ce n’est pas une surprise. Son point de vue est intéressant, ainsi que ceux exposés dans les commentaires (autre chose que les propos trop souvent simplets de quelques commentateurs de tous bords, par exemple à la suite des articles de Causeur cités plus haut).

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