lundi 11 décembre 2017

Joyeux Léon !

Faut-il encore joindre ma voix au chœur – déjà d’ancienne fondation – des lamentations sur ce que le monde moderne a fait de Noël ? Bien évidemment, les dégueulis de mièvrerie et le tapage mercantile dont nous sommes envahis dès le début de l’Avent me révoltent, comme tout chrétien normalement constitué. Entendre des haut-parleurs éructer des Petit Papa Noël et des Jingle Bells ou avoir vent de « calendriers de l’Avent » où chaque case renferme un bon de réduction dans un hypermarché[i], voilà qui naturellement me donne envie d’organiser des distributions de gifles. Mais bon, j’ai mieux à faire.
Il arrive par ailleurs que des industriels renoncent à inscrire Noël sur les étiquettes des produits spéciaux dont ils entendent inonder le marché à cette saison. C’est, paraît-il, dans certains pays, le cas d’une grosse brasserie belge. Certains s’en sont offusqués, voyant dans cette décision un triomphe du laïcisme, voire une manœuvre destinée à complaire aux musulmans (avec de la bière, enfin, bon…). D’autres, chrétiens revendiqués eux aussi, s’en féliciteraient presque : c’est toujours une annexion de moins (oh, parmi des milliers qui demeurent) de Noël par la consommation[ii]. Je ne suis pas loin de partager leur avis[iii].
Le risque, après tout est grave. A un tel point qu’il est des chrétiens, et même des prêtres pour envisager de ne plus utiliser le nom de Noël, tant il a été sali et abâtardi par les zélateurs de Mammon. C’est paraît-il le cas d’un prêtre irlandais qui s’est récemment exprimé en ce sens. Si je comprends la lassitude de ce prêtre, je ne peux l’approuver. Après tout, devant les marchands du temple, Jésus n’a pas dit : « puisque c’est comme ça, je rentre à la maison »…
Evidemment, pour un chrétien, les autres noms ne sauraient manquer, à commencer par la Nativité de Notre Seigneur Jésus-Christ, pour ne citer qu’un exemple assez explicite. Chez les laïcards, la chose est plus difficile : ceux qui parmi eux ont de (louables) idées « sociales » sont eux aussi écœurés par l’invasion de tout par le marché ; mais ils craignent aussi l’eau bénite, les pauvres. Certains, à Poitiers par exemple, ont décidé de fêter Léon à la fin de l’année. J’ignore si des anticléricaux irlandais auront eu l’idée de célébrer Samtsirhc, ce qui aurait pour nous, vu de loin, le charme d’une hypothétique sonorité gaëlique.
En tout cas, je veux bien aussi fêter Léon s’il s’agit de sortir dans la rue et de gifler les oreilles des passants en lisant à haute voix les œuvres de Léon Bloy.
Dans ce cas, et dans ce cas seulement, je crierai bien volontiers : joyeux Léon !


[i] En toute saison, le mercanti n’a qu’une idée : traire la vache. Qu’elle soit grasse ou maigre.
[ii] Même si je ne refuserai certainement pas que l’on me serve à Noël un verre de quelque bonne et onctueuse bière brune  issue de quelque brasserie artisanale…
[iii] Voir ici, par exemple, chez Phylloscopus.

4 commentaires:

  1. Comme tu es sévère, cher Sven... Le calendrier de l'avent avec une bière par jour, tu n'aimes pas?

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. Je suis en effet très sévère, y compris en matière de bières ! Et ai-je besoin d'un calendrier de l'Avent pour en boire une par jour ?
      S.L.

      Supprimer
  2. Peut-être que l'équipe mercatique (ou marketing, en bon franglais) à l'origine de ce changement d'étiquette voulait prolonger la période de commercialisation du produit. Une bière de Noël ne durera péniblement que jusqu'à l'épiphanie, une « bière d'hiver » s'écoulera jusqu'au mois de mars. Si c'est le cas et que le volume des ventes s'en trouve accru, il ne fait guère de doute qu'elle sera commercialisée en France sous ce nom l'année prochaine...

    RépondreSupprimer
    Réponses
    1. L'hypothèse me paraît pertinente. Songeons aux difficultés d'étiquetage que présenterait la solution consistant à écouler la même bière sous des noms différents et successifs !
      S.L.

      Supprimer

Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).