mardi 29 septembre 2015

Le néant s’invite à Versailles

On apprenait au début de cette semaine (ici par exemple) que, pour la quatrième fois, l’exposition d’œuvres de M. Anish Kapoor dans les jardins du château de Versailles avait fait l’objet d’actes de vandalisme. Il semble que cette quatrième « attaque » ait fait moins de bruit que la précédente. Tout lasse…
Remarquons que l’exposition de déchets onéreux appelés œuvres d’art contemporain dans les jardins du château de Versailles est à la mode depuis quelques années. La liste intégrale des « artistes » ainsi exposés m’échappe, mais on y relèvera des noms comme celui de l’omniprésent Jeff Koons.
Ce genre de cirque a ses partisans, qui se recrutent en général dans une bourgeoisie argentée, moderne et citoyenne du monde, ou dans la partie de son personnel qui œuvre dans le journalisme culturel ou goûte celui-ci. Il s’agit pour lesdits partisans, sans doute, d’exalter le dialogue entre le moderne et l’ancien. Il a aussi, notons-le, ses ennemis acharnés, horrifiés par le sacrilège qu’il constituerait.
Tâchons de garder la raison : aucun dialogue, aucune confrontation n’est possible entre un lieu aussi magnifique que le château de Versailles – un des sommets de la civilisation française – et quelques bidules aussi clinquants qu’insignifiants ; quant au caractère sacré de Versailles, il m’échappe : dans ce monument érigé par Louis XIV à sa propre gloire, ses deux successeurs, croit-on savoir, s’ennuyèrent fort. Et leur retrait sur cet Olympe dont ils avaient hérité ne les aida certainement pas à se faire aimer du peuple (à commencer par celui de Paris[i]).
Dans de telles dispositions, on ne voit pas de réelle matière à scandale. Le Dirty Corner[ii] de M. Kapoor (dit aussi le Vagin de la reine[iii]) mérite surtout des haussements d’épaules. Le seul scandale dans cette affaire résiderait dans le coût de ce genre d’installation, que nous ignorons d’ailleurs.
La troisième « attaque » contre ce Dirty Corner, donc, avait fait du bruit voici quelque temps. C’est qu’elle avait consisté en l’écriture de graffitis plus ou moins abscons dont certains pouvaient être considérés comme antisémites (voir ici par exemple).
« Encore un coup des royalistes ! » se serait écrié M. Kapoor, avant de décider de conserver, pour l’exemple sans doute, ces brumeuses inscriptions. Décision qui appelle deux remarques.
La première portera sur « les royalistes ». Ayant personnellement, sans pour autant militer dans quelque parti, mouvement ou groupuscule quelconque, une forte sympathie pour l’idée d’avoir un roi en France, je tiens à préciser que je ne goûte guère ce genre de graffitis. Sans pouvoir affirmer qu’ils sont en effet l’œuvre de « royalistes », je n’ignore pas que dans certains milieux se voulant tels il existe un certain nombre d’esprits, disons… un peu fatigués. Peut-être faudrait-il leur suggérer que les fleurs de lys, eh bien, cela ne se fume pas.
La seconde a pour objet la décision de M. Kapoor. Elle n’est pas, après tout, sans une certaine cohérence. Car là, le dialogue est possible entre deux formes d’insignifiance. Contrairement à ce que certains pourraient croire à première vue (qu’ils soient des admirateurs de ce bric-à-brac dément ou de ceux qui le couvrent de graffitis non moins déments), M. Kapoor et ses adversaires sont bien du même monde : celui du néant.
Il n’y aura donc aucune raison de regretter cette quincaillerie lorsque le château de Versailles en sera enfin débarrassé et que chacun pourra jouir pleinement de sa splendeur guindée. Jusqu’à la prochaine exposition…


[i] Vous aurez reconnu là les propos d’un Parisien.
[ii] Et non Chatty Corner, s’il vous plaît. Encore qu’avec sa forme de cornet acoustique géant, il pourrait faire penser à un coin bruissant de bavardages…
[iii] Je n’ai pas réussi à comprendre si ce nom, plus ridicule que scandaleux, a ou non quelque caractère officiel. Mais il faut reconnaître que cette partie du corps – surtout chez une reine – a quelque chose de plus sacré que les pierres de Versailles, aussi belles soient-elles. Elle mérite qu’on la laisse en paix et qu’on n’en parle pas.

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