mardi 22 septembre 2015

La vue est courte

Il n’aura échappé à personne – ou à peu près – que, depuis quelques semaines des milliers de personnes venues notamment de Syrie parcourent en tous sens les routes d’Europe. Ces personnes constituent la part visible – et désormais sensible – d’un mouvement entamé depuis des années, mais qui nous touchait sans doute moins tant qu’elles s’entassaient dans des camps au bord de la Méditerranée.
Il nous sera donc de plus en plus difficile de faire comme si ces gens n’étaient pas là. Nos réactions ne pourront certainement plus se résumer à de vaines et éphémères pleurnicheries ni à de tout aussi vaines ratiocinations. Même s’il faut reconnaître que la publication récente de la photographie d’un petit garçon mort sur un rivage a donné lieu à des réactions particulièrement caricaturales dans les deux sens : entre les donneurs de leçons médiatiques et les autoproclamés experts en noyade flairant la mise en scène, il n’est pas indispensable de choisir son camp…
La seule sagesse réside bien sûr dans un accueil prudent. Le pape, par exemple, n’a pas dit autre chose, enfin il me semble. Ce dont on peut déduire que des efforts seront demandés aux populations des différents pays d’Europe, mais aussi à ceux qui prétendent les gouverner.
Dans le cas de ces derniers, il s’agit donc d’encadrer ce mouvement : non en faisant tomber les frontières, mais en les entrouvrant et en se renseignant efficacement sur ceux qui les franchissent.
Or le moins qu’on puisse dire des gouvernements européens est qu’ils se livrent depuis début septembre à de flamboyantes démonstrations d’improvisation. Les uns et les autres font montre tour à tour d’une générosité frisant l’aveuglement et de postures mimant la fermeté et révélant souvent une forme d’égoïsme : en résumé, ils veulent faire « humain » ou faire « homme », selon leur humeur[i].
Du reste, il n’y a rien d’étonnant là-dedans, si l’on pense à la Syrie et si l’on prête foi à de récentes déclarations de M. Martti Ahtisaari, ancien président finlandais. A l’en croire (ici dans le Guardian ou dans le Figaro), bien des horreurs auraient pu être évitées dès le début de 2012 si une proposition émanant de la Russie avait été prise au sérieux par d’autres. Pensez-vous : une proposition russe ! Peuh…
Début 2012 ? En France, nous allions passer, disons de Sarkozy-Fillon-Juppé à Hollande-Ayrault-Fabius. Laissons tranquille M. Ayrault, qui compte sans doute pour du beurre (nantais, bien entendu), mais n’oublions pas les autres. Peut-être, dans leur légèreté, se sont-ils rendus coupables d’une faute des plus graves. N’étant pas connaisseur en matière de diplomatie, j’ignore si la proposition russe était réalisable. Mais elle eût certainement valu la peine d’être examinée.
Nos mirobolants politiciens rendront-ils jamais des comptes pour de telles fautes ? Allons, ils seront capables de dire qu’il n’est pas bon de remuer le passé (dont ils ont d’ailleurs su tirer toutes les leçons), et que c’est l’avenir qui compte.
Il y a des choses importantes en ce moment : bientôt les élections régionales ! Les plus ambitieux, les plus visionnaires, songent même à 2017.

[i] Ne parlons pas des Etats-Unis, où les gouvernants semblent n’avoir cure de cette histoire, sans se soucier de leur part de responsabilité dans ce drame…

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).