vendredi 19 juin 2015

Bref retour au Panthéon

A moins d’habiter une grotte, chaque Français aura entendu parler des récentes « panthéonisations » au cours desquelles M. Hollande s’est fendu d’un discours paraît-il médiocre[i] devant des cercueils parfois vides. Loin de moi l’idée de railler ou de dénigrer les honneurs rendus à quelques personnes qu’il n’est guère exagéré de considérer comme des résistants héroïques[ii], mais je reste décidément imperméable aux pompes républicaines, à leur liturgie en toc, à leurs simagrées aussi creuses que le son d’un cercueil vide. Il est d’ailleurs ironique de voir nos présidents perpétuer ce rite parodique dans un bâtiment qui fut initialement une église.
Les habitués de cette modeste chronique savent déjà ce que je pense du Panthéon, s’ils ont lu un billet écrit il y a bientôt deux ans où je citais un passage du Dictionnaire historique des rues de Paris, de Jacques Hillairet : « L’église, achevée au début de la Révolution, était loin d’être le monument de nos jours. Elle avait alors 42 hautes baies (on reconnaît leur emplacement dans les mornes façades actuelles[iii]), deux clochers de section carrée, de près de 40 mètres de haut… »
Hypertextualité
Cette citation, je l’ai récemment recyclée dans un commentaire sur un article d’un blogue fort recommandable (ici), qui avait pour sujet l’aveuglement des militants des partis politiques. Soyons précis : c’était ma réponse à la réponse d’un autre lecteur à un premier commentaire que j’avais envoyé. En résumé, ce lecteur et moi étions d’accord pour qualifier le militantisme inconditionnel de religiosité dévoyée, et la discussion s’était orientée vers le Panthéon. Dans ma réponse, après avoir cité Hillairet sur les transformations subies par la ci-devant église Sainte-Geneviève, je suggérai à cet autre lecteur d’imaginer quelle lumière il eût encore pu y entrer si…
(Parenthèse : pardon, chers lecteurs ; j’espère ne pas vous avoir égarés dans ces méandres intertextuels – ou hypertextuels ? Mais reprenons.)
Ma réponse provoqua celle de l’auteur du blogue (Patrice de Plunkett, en l’occurrence), qui me fit sourire : « La lumière ou les Lumières, il faut choisir... »
Vous prendrez bien un peu de symbolique ?
Effleurons ce que ce trait d’esprit, que j’ai fort goûté, peut avoir de sérieux et, pourquoi pas, de symbolique.
La lumière, à travers les vitraux d’une église, vient du dehors : du jour, lequel, pour un croyant, fait partie de la Création ; elle nous est donnée. Certes, m’objectera-t-on, mais quid des cierges et des veilleuses ? Eh bien, ce sont des signes et non des luminaires : signes des prières des fidèles pour les cierges, et de la présence réelle du Christ dans le tabernacle pour la veilleuse. Cela est bien, m’objectera-t-on, mais il faut bien éclairer les églises la nuit, s’il y est célébré quelque office… Je ne le nie pas, mais cela peut être vu comme l’acceptation de ce que la nuit survient à son heure et que nous sommes exposés au rythme des nuits et des jours, rythme qui fait lui aussi partie de la Création.
Dans le Panthéon muré ou aveuglé, en revanche, la lumière du jour, donnée aux hommes de même que le rythme des jours et des nuits, est refusée. Quelle que soit l’heure, quelle que soit la saison, il faudra en permanence des luminaires : pauvres Lumières qui ne viennent que d’hommes se croyant affranchis des contraintes naturelles. Triste simulacre que celui de ce Panthéon[iv] où les hommes s’adorent dans leur pénombre.
Substitution
A propos d’églises détournées, un dignitaire musulman français a proposé il y a quelques jours d’utiliser les nombreuses églises vides de notre pays pour en faire des mosquées. Cela me choque, évidemment, comme bien des Français[v]. Mais il faudrait peut-être, si nous aimons tant ces églises, leur rendre un peu de leur vie. Que faites-vous, dimanche prochain ? Entrez donc dans une église qui n’est pas vide et goûtez à la joie[vi]


[i] Je n’ai pas écouté les détails de ce discours. Pour être honnête, je considère désormais la vie trop courte pour lire ou écouter les discours des politiciens.
[ii] Geneviève de Gaulle, Germaine Tillion, Pierre Brossolette.
[iii] On les distingue en effet, particulièrement sous une lumière oblique, un soir de printemps, par exemple.
[iv] Et non un Panhagion – un hellénisant de passage pourrait-il m’indiquer si ce mot est possible ? – où l’on pourrait méditer sur les vertus de quelques compatriotes remarquables.
[v] Pour des raisons fort bien exposées par d’autres, comme ici, par exemple.
[vi] A ce sujet, voir ici chez Koztoukours.

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