samedi 17 janvier 2015

Il a donc gelé à Paris…

… Et alors ? Ce genre d’information a fini par sortir en décembre du strict domaine des bulletins météorologiques : c’est qu’il n’avait pas gelé à Paris depuis plus d’un an ! La grande nouvelle est donc que cet hiver, eh bien, il fait parfois un temps de saison. Ce n’est pas moi qui m’en plaindrai, du reste.
Charmes de l’hiver
J’aime à envisager l’hiver comme une traversée, où il nous faut affronter les épreuves du vent, du froid, de la neige… De sorte qu’un hiver doux m’ennuie toujours un peu : alors, cette traversée, quand commence-t-elle ?
Je ne m’étendrai point sur les beautés et les joies de l’hiver, du vrai : tout a déjà été dit ou écrit de l’effet de la neige sur la lumière, sur les sons, et même sur les odeurs. Sortez un jour de neige, goûtez au silence des rues ou des campagnes, et vous ne pourrez qu’acquiescer.
Certes, l’hiver a ses désagréments, et ils sont en général liés aux mêmes phénomènes que les plaisirs qu’il offre : patauger dans la neige, risquer de se blesser en glissant, etc., etc. Mais j’entends déjà, surtout, l’objection principale faite aux amis de l’hiver comme moi : et les pauvres, les sans-abri, y avez-vous pensé, égoïste qui allez après tous ces plaisirs vous réchauffer dans votre intérieur cossu ?
Oui, bien entendu, j’y pense. Je sais que l’hiver est particulièrement dur pour ceux qui n’ont rien. Et mon plaisir n’est pas sans mélange. Cependant, il faudrait préciser aux indignés du thermomètre que la vie de ceux qui sont à la rue est terrible toute l’année ; et qu’ils méritent notre attention, nos soins, à la hauteur de nos moyens (ne serait-ce, outre une aumône point trop mesquine, que par un sourire, une parole bienveillante et dénuée de toute condescendance), que le temps soit chaud ou froid.
Deux questions à ces indignés thermiques : avez-vous déjà souffert de la soif, par un jour chaud et sec, au point de frôler la déshydratation ? Et avez-vous déjà bavardé trois minutes avec un vagabond, lui serrant la louche en partant ?
Incertain climat
Chacun a son avis sur le temps qu’il fait : sur les étés caniculaires ou pourris, les printemps tardifs, les hivers absents ou rudes. Aucune méthode ni aucune technique fiable de datation n’a encore permis d’évaluer l’antiquité de l’expression : y’a plus de saison, mon bon monsieur. Le climatologue qui sommeille en chacun d’entre nous aura toujours sa petite explication, souvent influencée par la mode. Il y a cinquante ans, c’était : « avec toutes ces bombes atomiques et ces machins qu’ils lancent dans l’espace… ».
Désormais, le grand coupable, c’est le gaz carbonique[i] issu de toutes nos activités modernes. Le réchauffement – ou dérèglement – climatique provoqué par la surabondance de ce gaz dans notre atmosphère est désormais considéré par beaucoup comme une évidence. D’où les louables efforts pour en réduire les émissions que nous et nos gouvernants remettons sans cesse à plus tard, surtout quand une grande conférence internationale n’est pas loin.
Il existe cependant quelques cohortes de climatosceptiques : de même que beaucoup invoquent le réchauffement de la planète dès qu’un jour de juillet la température dépasse les trente degrés où que le temps évoque en janvier un genre d’octobre aussi éternel que désolant, nos climatosceptiques, à la première gelée, triomphent, un index docte levé vers le ciel : « vos voyez bien que votre réchauffement, c’est de la blague ; c’est un truc des Khmers[ii] verts ! Tous des zadistes en dreadlocks crasseuses, oui ! ».
De tels arguments (si j’ose dire) sont rarement désintéressés ; on peut les traduire assez facilement en : « foutez-nous donc la paix, on veut continuer à puiser et à brûler du pétrole autant que ça nous plaît, d’ailleurs c’est bon pour l’économie ». Outre que ces propos ne sont pas innocents, ils sont en général tenus par des gens aussi ignorants que vous ou moi en matière de climat.
Mais quelque chose me gêne dans les arguments tenant pour acquis le rôle de l’homme dans le changement climatique. Je n’irai pas remettre en cause ce que disent des experts en la matière (je veux bien les croire, du reste, n’étant pas un d’entre eux), mais il est quand même regrettable que nous ayons besoin d’un risque important dont la probabilité d’occurrence paraît croître pour nous rendre compte que nous ne sommes pas censés faire n’importe quoi avec les ressources qui nous sont données : quels gamins nous sommes ! Réchauffement climatique ou non[iii], la Création n’est pas là pour être cochonnée.
En attendant, toujours pas de neige à Paris cet hiver. Je m’arme de patience.



[i] Ou encore dioxyde de carbone (CO2), le céhodeux des journalistes, ravis de laisser entendre que rien ne leur échappe en matière de chimie. Moi qui ne suis pas journaliste, je me lave le matin au hachedeuzo et, le soir, je tâche de ne pas abuser du céhachetroiscéhachedeuhohache. Mais ne voyez point d’ironie dans mes propos.
[ii] Expression détestable, que je reproduis par pur souci documentaire, forgée sur l’appellation Khmers rouges pour assimiler à des bâtisseurs de goulag tous ceux qui se posent des questions sur les dégâts causés par une activité industrielle effrénée. Pour rendre justice au peuple khmer, dont le nom n’a pas à servir à n’importe quel propos méprisant, c’est rouges et non Khmers qui est antipathique. Que l’on veuille bien f… la paix aux Khmers, qui ont assez souffert ainsi.
[iii] Du reste, les problèmes posés par l’industrie contemporaine sont nombreux et variés. Ce qui ne dispense pas de se soucier de celui des conséquences des rejets de gaz à effet de serre…

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