Vers l’âge de dix-neuf ou vingt ans, lorsque j’étais
en taupe, un camarade et moi exprimions parfois la velléité, devant la
sensation de vanité que nous éprouvions dans nos dures études, de mener une
vraie vie, en devenant par exemple poètes-voyageurs.
Ne me demandez pas ce que cela signifie, et j’ignore si, comme moi, ce
camarade, depuis longtemps perdu de vue, a trahi cette vague espérance. Mais il
est des jours où je sens comme un aiguillon : et si je changeais de vie ?
Allez savoir : peut-être est-ce l’effet de la crise de la quarantaine ou d’une autre bêtise psychologisante du
même genre, dont je suppose que les magazines et la littérature populaires sont
remplis. Si c’est une midlife crisis, je veux bien, car cela m’amènera jusqu’à
quatre-vingt-quatre ans.
La vieillesse est une sieste
Un qui se trouve quelque part entre quarante-deux et
quatre-vingt-quatre ans (un tantinet plus près des quatre-vingt-quatre ans que
des quarante-deux), c’est M. Fabius. Son dernier exploit, s’il faut en croire
la grosse presse, c’est la somnolence qui l’a pris lors d’un déplacement en
Algérie. Qui, déjà, a écrit que la vieillesse est un naufrage ?
Chateaubriand ? Ou je ne sais plus qui de célèbre cherchant à l’imiter ?
Quelle que soit la réponse à cette question, il semble que pour M. Fabius la
vieillesse soit plutôt une bonne sieste.
Quelle importance ? Aucune. Si ce n’est pour la
grosse presse l’occasion de ne pas nous informer sur ce que pense (ou ne pense
pas), dit (ou ne dit pas) ou fait (ou ne fait pas) M. Fabius, qui est après
tout notre ministre des affaires étrangères, à propos de bien des sujets
sérieux, voire effrayants – comme ce qui se passe en ce moment en Irak[i].
Ni de l’avis de M. Hollande à de tels sujets, s’il en a un.
On embauche à l’Elysée
En ce qui concerne M. Hollande, peut-être l’entend-on
peu s’exprimer sur des sujets aussi graves parce qu’il est fort occupé en ce
moment. Pensez donc : il a procédé au remplacement de quelques-uns de ses
conseillers. Ainsi, parmi les nouveaux admis, se trouve Mme Nathalie Ianetta,
nommée conseillère chargée des sports. Car, oui, le président de la république a
besoin d’un conseiller chargé des sports. Est-ce pour entretenir sa forme ?
Je l’ignore. En revanche, un article du Figaro
m’apprend que la dame, âgée de quarante-deux ans, parlait jusqu’ici de
foutebôle sur Canal + et que, selon
ses désormais anciens employeurs, elle « avait besoin d’air, de changement ».
Et, comme chacun le sait, avec M. Hollande, le changement, c’est maintenant.
Loin de moi l’idée de juger ces motifs. D’ailleurs,
j’aurai moi-même quarante-deux ans à l'été et, comme je l’ai
expliqué plus haut, il m’arrive aussi d’éprouver un besoin de changement. Pourquoi,
d’ailleurs, n’offrirais-je pas à M. Hollande de profiter de mes compétences ?
En matière de plaisanteries absurdes, par exemple.
Pâtisseries
Il a été récemment question d’un projet de réforme
des régions. Sans nous attarder sur les détails, contentons-nous d’observer que
ce qui a été mis en avant est l’importance qu’il y a à passer de vingt-deux à
quatorze régions en France, en procédant ici et là à la fusion de deux régions limitrophes.
Soit, soit, mais pourquoi quatorze, et pas douze ou
dix-sept ? On l’ignore. Pourquoi faire cette réforme sans revoir les
limites des régions actuelles, voire des départements ? On l’ignore aussi.
En fait, on ignore à peu près tout des raisons de ce projet, si ce n’est qu’il
est censé faire faire des économies et qu’il aurait été esquissé en vitesse sur
un coin de table à l’Elysée. A ce propos, certains ont dit que désormais « bricolage et bâclage sont les mamelles de la
France »[ii]. On
pourrait aussi bien dire découpage et coloriage.
Et, du reste, pourquoi se limiter à des régions limitrophes ? Lors d’une
discussion avec des amis, il y a quelques semaines, nous nous amusâmes à
proposer des noms de nouvelles régions pour leur sonorité. Je proposai Alsace-Auvergne[iii].
Bref, tout cela semble un rien primesautier. Bien que
l’on nous ait lourdement conditionnés ces derniers mois en nous rebattant les
oreilles du mille-feuilles administratif
que serait devenu notre beau pays. A la réflexion, cette expression aurait dû
nous éclairer : n’oublions pas que le palais de l’Elysée est sis faubourg
Saint-Honoré ; autrement dit, en un lieu qui porte le nom du saint patron
des pâtissiers[iv].
Mille-feuilles, Saint-Honoré : en somme, M. Hollande n’a pas besoin de
conseiller chargé des plaisanteries absurdes.
Si ça continue, je vais me mettre à vous parler de
foutebôle.
[i] Il y a en revanche d’excellents
propos à ce sujet, chez Koztoujours…
[ii] Ici, par exemple.
[iii] Proposition à laquelle
il me fut répliqué que les spécialités culinaires de cette nouvelle région
risquaient d’être un peu lourdes. Ayant des ancêtres, entre autres lieux, sur
les versants méridionaux du Massif Central (pas en Auvergne, mais à côté) et sur
les versants orientaux des Vosges, je ne suis pas de cet avis.
[iv] Et d’un gâteau portant le
nom de ce saint.
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