L’abdication du roi d’Espagne, lundi dernier, m’a
rappelé (sans me vanter) quelques réflexions (à lire ici) qui m’avaient été
inspirées par celle du roi des Belges l’an dernier. Réflexions qui méritent du
coup quelques compléments. Que voici.
« Ô cruel souvenir de ma gloire passée ! »
C’est au fond ce que pourrait dire ce vieux roi qui
s’en va (et après tout, Le Cid se
passe en Espagne) : les dernières années de son règne auront été marquées par divers scandales n’épargnant
pas la famille royale espagnole. Il y a lui-même contribué il y a quelques
années, partant en Afrique chasser l’éléphant tandis que son peuple ne nageait
pas dans la prospérité.
Sa gloire passée ? Quelle est-elle ? Celle
d’avoir rétabli la royauté en Espagne, rétablissement qui n’eut rien d’une
restauration emperruquée, de celles qui, sous des airs de renaissance, sont
souvent de mornes agonies – que l’on pense, en France, à Charles X. Ce
rétablissement se fit au prix d’une démocratisation qui impliquait un certain
effacement du roi, peut-être excessif (nous y reviendrons), mais était-il
possible d’envisager une solution plus originale ? Je l’ignore. Et puis,
que voulez-vous, l’air du temps…
Cet effacement trouva cependant d’heureuses limites
en 1981 lorsque, en tant que chef des armées, le roi n’eut besoin que d’un
discours pour mettre un terme aux élucubrations putschistes d’un colonel de la
garde civile pris soudain d’une nostalgie du temps de Franco sous des formes
quelque peu turbulentes. Ce qui prouve qu’au moins en ce temps, il restait
quelque autorité au roi d’Espagne.
Or voici qu’on entendait ces derniers jours dans la
grosse presse française que certains Espagnols souhaiteraient qu’un référendum
décidât de la poursuite ou non de la monarchie. Je crois que quelques
avertissements, ou éclaircissements, leur seraient nécessaires.
Aux républicains espagnols
Reprenons les motifs de reproches et d’éloges
évoqués plus haut et transposons-les dans une république. En France, par
exemple.
Eh bien, nous eûmes de 1981 à 1995 un président de
la république bigame, qui logeait sa maîtresse et leur fille aux frais de l’Etat.
Entre deux affaires de la fin de son second septennat, un de ses amis se tira une
balle dans la tête en plein palais de l’Elysée. Ce président, avec de telles
histoires, démissionna-t-il pour autant ? Non. Bien que son âge fût avancé
et sa santé plus que chancelante, il s’accrocha au pouvoir jusqu’au terme de
son mandat. Plus récemment, M. Hollande, dans une ambiance moins dramatique,
fit rire pas mal de monde avec ses affaires de scooter et le congé qu’il donna
à Mme Trierweiler, laquelle avait son bureau (à quel titre ?) à l’Elysée…
Mais assez bavé sur mon pays : les républiques étrangères ne manquent pas
de frasques grotesques – que l’on veuille bien penser aux aventures de M.
Clinton…
En résumé, la république n’épargnerait aux Espagnols
ni la corruption, ni le népotisme, ni d’autres frasques.
Imaginons maintenant un colonel de gendarmerie un
peu fêlé qui entrerait, avec quelques complices, à l’Assemblée Nationale et
menacerait les députés d’un pistolet, déclarant sa volonté de prendre le
pouvoir. La réaction de nos députés serait sans doute comparable à celle des
députés espagnols en 1981 : à ce qu’on dit, tous se réfugièrent derrière
leurs pupitres, à quatre pattes, à l’exception d’un communiste et d’un ancien
franquiste. Mais que ferait notre président ? Un gentil discours plein de « euh » ?
Et tous de hausser les épaules tandis qu’il serait parti se cacher au fond d’un
bunker, tremblant à l’idée que le susnommé colonel fêlé pourrait inspirer ses
gardes. Cela n’est pas posé pour attaquer personnellement l’actuel hôte du
faubourg Saint-Honoré : ce scénario aurait pu convenir à son prédécesseur.
(Il est à observer qu’en 1961 de Gaulle mit
rapidement fin à une révolte militaire et qu’en 1969 il démissionna ; il
est vrai que d’aucuns le soupçonnent de ne pas avoir eu de sentiments plus
républicains que cela.)
D’où vient la différence ? Quelqu’un peut-il me
dire si le roi d’Espagne ne serait pas roi par
la grâce de Dieu ? Ce qui lui donne sans doute à la fois une autorité plus
respectée (n’émanant pas de sa seule petite personne) et une plus grande
humilité (pour les mêmes raisons) qu’un président quelconque, somme toute
interchangeable, qui s’est retrouvé là par le hasard du vote, le boniment
électoral et la lassitude éprouvée à l’égard de son prédécesseur.
D’ailleurs, il faudrait signaler – amicalement – à nos
voisins espagnols que nous serions en droit de nous demander si ce n’est pas la
république qui est un peu usée chez nous…
Dans les pages pipôle
Les monarchies européennes souffrent toutes en gros
du même problème : souvent, les rois, les reines et les princes ne sont
plus que des bibelots plus ou moins élégants, que l’on promène ici et là à des
fins décoratives. Ils ont parfois du mal à tenir des propos intéressants sur le
gouvernement de leurs pays et, lorsqu’ils y parviennent, ils se font rabrouer
aussitôt par des politiciens qui n’apprécient guère que l’on perturbe leurs
jeux par quelques commentaires.
Il est vrai que lesdits politiciens, depuis cent
cinquante ans environ, ont patiemment grignoté ce qui restait de pouvoir à
leurs rois. Lesquels ne se sont pas toujours fait prier pour céder de leur
autorité, soit par crainte de s’opposer au sens de l’histoire, soit par
paresse.
Quel a été le résultat de cet abandon ? Eh
bien, entre un défilé et une réception, les princes s’ennuient. Les plus sages
s’occupent en créant des fondations charitables, en cultivant leurs terres ou
leur esprit, ou en servant dans l’armée. Les autres s’amusent avec faste en
faisant rêver les midinettes et gagner de l’argent aux propriétaires de
journaux cucul. Au fond, plus grand-chose ne distingue ces princes fêtards
des stars, si ce n’est que ces dernières
ont parfois quelques talents. Il ne reste plus à quelques bonnes âmes libérales
qu’à suggérer que ces amusements coûtent cher, et…
On l’aura compris, pour les princes fêtards, les
carottes sont peut-être déjà cuites. Leur insignifiance est le dernier fruit de
la paresse et de la pusillanimité de leurs aïeux. Et les princes sages ?
Pourquoi ne pas leur offrir une position d’arbitre, de recours ? Il n’est
pas dit qu’un roi exerçant effectivement son autorité doive être un monarque
absolu.
Dans ces conditions, pourquoi ne pas libérer les rois ? Et leur accorder
une place réelle et originale ?
Un prénom très porté
Le nouveau roi d’Espagne se nommera Philippe VI. Déjà,
l’an dernier, la Belgique héritait d’un Philippe. Précisons que le fils du roi
de Suède, Charles Philippe, n’est pas l’héritier direct du trône…
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