Ne partez pas si vite ! Non, votre Chatty Corner n’est pas devenu un
bulletin météo. Vous comprendrez mieux le titre de la causerie de ce jour en en
lisant la suite. Il s’agit plutôt d’évoquer quelques menaces, réelles ou
supposées.
Météo quand même
(Ouvrons cependant une parenthèse sur le dernier
exploit de M. Fabius, qui s’est enfin réveillé – ou faut-il dire qu’il est
enfin sorti de son hibernation ? Voilà qu’il a posé pour Le Parisien en « monsieur météo ».
Peut-être pour nous alarmer sur le climat de notre pauvre planète ? Nul ne
sait trop, tant désormais la pitrerie prime sur le message. Il paraît qu’il
aurait refusé de prendre la pose à côté d’un ours polaire empaillé. Trop grotesque ?
Non, pas assez proche des gens. Il faut croire que M. Fabius s’ennuie,
les affaires étrangères ne lui donnant en ce moment pas assez de travail. Aïe… On lira avec amusement, à ce sujet, ceci dans Causeur.)
Foutebôle
Mais voici le moment de mettre à exécution mes menaces de la semaine dernière : et si je glissais un mot sur le foutebôle ?
Après tout, dans Chatty Corner, il y
a corner. Bon, mais alors ce mot sera
bref. Car tout a été dit de ce que je pourrais dire sur le foutebôle en
particulier et sur le sport en général : les vertus éducatives du sport
collectif (effort, dévouement à la collectivité sans mépriser l’exploit
individuel, etc.), le plaisir à jouer ou à voir pratiquer un beau jeu (dans ce
dernier domaine, j’avoue être plus sensible au rugby, ne serait-ce que pour son
mélange apparemment paradoxal de brutalité et de subtilité, pour ne pas dire de
complication), tout cela a déjà été dit un peu partout ; de même les
dérives du sport professionnel transformé en spectacle mercantile et en outil d’abrutissement
des foules, surtout pour ce qui est du foutebôle. D’autres sports sont touchés
depuis plus ou moins longtemps. Le rugby n’y échappe pas, du reste. Ainsi, j’ai
le souvenir, il y a quelques années, alors que je possédais encore un poste de
télévision, d’avoir entendu lors d’une rencontre internationale le commentateur
chanter les gladiateurs du XV de France :
mauvais signe.
La coupe du monde de foutebôle qui se déroule en ce
moment au Brésil semble atteindre le sommet – ou toucher le fond – dans le
domaine des dérives, jusqu’à l’indécence : le coût des travaux, les
dérangements occasionnés (y compris les expropriations et une explosion des
loyers dans les quartiers environnant les stades) et quelques autres désagréments
ont eu raison de la patience d’un certain nombre de Brésiliens. Ah, mais ce n’est
pas normal, ça ! Le foutebôle, c’est comme une religion, au Brésil, nous
diront tous les journalistes, attendris (dont ceux qui, au nom de la laïcité,
voient un geste fanatique dans le moindre signe de croix esquissé en public
chez nous). Peut-être, mais il est apparemment un moment où le pain et les jeux
constituent un menu qui ne suffit pas aux hommes, même au Brésil. Il semble que
les Brésiliens se réveillent plus vivement que M. Fabius…
Vous l’aurez compris, je n’aime pas plus que cela
les spectacles de gladiateurs.
Autres menaces
Jeudi 19 juin, un événement pénible faisait les gros
titres dans la presse en ligne suédoise : dans la vieille ville de
Stockholm, un homme se disant muni d’explosifs s’était barricadé dans les
locaux d’une quelconque association après avoir adressé des messages menaçants
destinés au parti modéré et au parti social-démocrate. Aucun écho dans la
presse française, et c’est en fait tant mieux : après des heures de siège,
le forcené s’est rendu à la police dans la soirée et il s’est avéré qu’il n’avait
aucune bombe avec lui.
Et puis il se passe des choses tellement plus graves :
le même jour, vers 19 heures, j’apprenais en écoutant France-Culture qu’un
festival de théâtre était menacé en Pologne. Non, ce n’est pas à cause d’une
internationalisation du mouvement des intermittents du spectacle. Pensez donc :
on projette de jouer dans ce festival Golgotha
picnic, pièce d’un obscur dramaturge mexicain bouffeur de curés. L’archevêque
de Poznań et des gens moins fréquentables menaceraient d’en perturber les
représentations. Le ton était grave dans ce journal de la culture diffusé tous
les soirs au début du Rendez-vous, émission où s’assemblent quelques glousseurs
branchés qui rigolent comme des idiots de tout ce qui n’est pas eux.
Commençons par dire, comme d’habitude, que ces gens
se fichent un peu du monde : comme si l’Eglise catholique (qu’il faut
immédiatement associer à des bandes où les idées d’extrême-droite le disputent
à l’antisémitisme et à l’éthylisme, surtout en Pologne, ah, l’emprise du clergé
en Pologne, mon bon monsieur…) était une ombre menaçante qui plane sur toute
liberté – les Polonais apprécieront.
Ajoutons cependant deux ou trois choses à dire aux Catholiques
polonais :
Premièrement, réagir ainsi, c’est accorder beaucoup
d’importance à une pièce de théâtre dont on peut supposer qu’elle a toute la
valeur artistique d’un étron de mulet en train de sécher quelque part dans la
Sierra Madre occidentale.
Deuxièmement, d’un point de vue disons terrestre, c’est
le meilleur moyen de permettre à l’offenseur de prendre des poses de victime d’une
fantasmatique inquisition. Cette pièce fut jouée à Paris fin 2011, au théâtre
du Rond-Point. Les protestations que ce spectacle occasionna, qu’elles fussent
pacifiques (avec Frigide Barjot et Michael Lonsdale en tête) ou qu’elles se
voulussent plus viriles (dans le genre Civitas)
permirent au pitre pontifiant qu’est M. Jean-Michel Ribes de jouer les
résistants – bien à l’abri derrière un ou deux rangs de CRS, il est vrai.
Troisièmement, et surtout, une telle réaction ne me
semble pas très catholique. Un Chrétien doit aimer ses ennemis et même prier
pour eux. Ce n’est pas de moi, ni du curé de ma paroisse, ni d’un évêque, ni
même du Pape. C’est une parole du Christ. Toujours fin 2011, c’est l’archevêque
de Paris qui fournit la seule réponse chrétienne à ces misérables insultes, en
invitant les Parisiens à venir vénérer les reliques de la Passion à Notre-Dame.
Ce qui nous permit de nous rappeler – et de rappeler – d’une part, que, la
Passion du Christ n’est pas une blague et que le spectacle joué au théâtre du
Rond-Point n’était qu’un crachat de plus à la face du Christ et, d’autre part, que
nous devions prier pour que les cracheurs en comprennent quelque chose.
N’y a-t-il pas en Pologne quelques reliques devant
lesquelles les Catholiques polonais pourraient méditer ? Il n’est pas
mauvais de chercher à désarmer ses ennemis, tant que c’est en répondant à la
haine par le contraire de la haine.
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