dimanche 9 juin 2013

Sottises (et horreurs) du moment

Ce sera plus ou moins drôle cette semaine…
Sans les mains !
Commençons par une petite chose insignifiante, voulez-vous bien. Nous avons besoin d’air. Or voici que j’ai entendu parler, par divers échos, de l’apparition d’un kit mains libres pour manger son hamburger. J’ai oublié quelle chaîne d’embolisation rapide a inventé cela. Mais j’imagine la lycéenne moderne, la gueule plongée dans sa mangeoire, les mains libres pour envoyer des essemmesses essentiels à ses copines : j mang mon burger 100 les m1 tro lol. Comme quoi la lycéenne moderne est tombée bien plus bas que celle de Gombrowicz (lisez ou relisez Ferdydurke !).
Drôle de nom que celui de hamburger, quand on y pense. La chose n’a paraît-il qu’un vague rapport avec le hamburger Stück, qui était, dit-on, un morceau de porc rôti servi autrefois en Allemagne. Cette dégénérescence n’est pas d’hier, si j’en crois un passage d’un roman de John Fante où le jeune narrateur, à l’idée de n’avoir les moyens que de se payer une de ces galettes faite avec ce que les bouchers nomment minerai, songe avec nostalgie aux pauvres ragoûts de sa mère (la paresse m’empêche de retrouver le titre et le passage ; mais nous sommes dans les années 1930 à Los Angeles ; et vous n'avez qu'à lire tous les romans de John Fante pour retrouver ce passage, vous ne le regretterez pas). L’invasion du monde par une pareille saleté laisse perplexe.
Pour revenir à notre kit mains libres, celui-ci me fait penser aux sacs d’avoine que l’on nouait jadis à l’encolure des chevaux de trait. Ils pouvaient ainsi se nourrir tout en poursuivant leur besogne. Autrefois on a pu dire que l’homme était un loup pour l’homme. Désormais nous savons que l’homme peut être une bête de somme pour l’homme.
Pourquoi pas, après tout, dans une époque bête à manger du son…
 
Une apparition de Brigitte
Non, il ne s’agit pas d’une vision mystique de Sainte Brigitte de Suède. Madame Brigitte Bardot, l’amie des animaux, semble ne pas apprécier l’usage que fait madame Frigide Barjot d’un pseudonyme qui rappelle trop son nom. On ignore si c’est à cause des blagues pas toujours fines auxquelles s’est livrée Frigide Barjot ou à cause d’un mouvement qui a fait récemment parler de lui et à la notoriété duquel elle a fortement contribué. Brigitte Bardot parlerait même d’usurpation d’identité, paraît-il.
Il y aurait au moins trois choses à répondre à Brigitte Bardot :
Premièrement, à parler d’usurpation d’identité, que devraient lui dire Sainte Brigitte d’Irlande ou Sainte Brigitte de Suède !
Deuxièmement, à tout prendre, je préfère qu’une femme (ou un homme), quelles qu’aient été ses frasques passées, s’engage au nom d’une conception de l’humain plutôt que pour les jeunesses pinnipèdes (contre lesquelles je tiens à préciser que je n’ai aucun grief personnel, du reste).
Troisièmement, à propos de passé, je relève cette réplique du Mépris, pas le meilleur film de Godard (malgré une photographie magnifique – Raoul Coutard, quand même – et une musique idem de Georges Delerue) : « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? »
Mourir pour rien
Ici, et j’en suis navré, il m’est impossible de plaisanter. Ces derniers jours sont morts deux jeunes hommes, tués à coups de poings. Je dis bien deux.
La presse n’a pas, en effet, beaucoup parlé d’un étudiant des Arts et Métiers qui, lors d’une fête, a été tué par un ivrogne de passage pour des motifs futiles. Il avait vingt-deux ans. Comme aucun journaliste n’avait de glose éventée à en faire et comme aucun politicien n’avait à se faire mousser à ce sujet, ses parents et ses amis ne seront pas trop dérangés pour le pleurer et honorer sa mémoire. Paix à son âme.
Tout le monde a en revanche entendu parler du garçon de dix-huit ans qui a été tué, mercredi, rue de Caumartin, par une bande de skinheads. Il nous a été dit que c’était un brillant élève de Sciences-Po, militant antifasciste, tué à cause de ses idées. Des journalistes se sont sérieusement demandé s’il ne s’était pas installé un climat malsain ces dernier mois ; une libération de la parole d’extrême droite, raciste, homophobe, comme ils disent, liée bien entendu à l’opposition au mariage homosexuel.
Ecartons un instant cette bouillie intellectuelle et tâchons d’entrevoir la réalité. Elle me semble plus sordide et plus futile. Par « militant antifasciste », il faut entendre : fréquentant des bandes d’antifas (pour antifascistes), qui sont à peu près à Karl Marx (ou qui vous voudrez) ce que des fafs (pour France au Français) sont à Joseph de Maistre (ou qui vous voudrez). On a affaire dans les deux cas à des garçons et des filles aimant la mauvaise bière et la castagne. Leurs différences sont minces. Elles résident dans la couleur de leurs vêtements et de leurs chaussures (qu’ils se procurent chez les mêmes fournisseurs) ou dans quelques nuances quant à leurs coupes de cheveux. Les uns crient no pasaran quand les autres miment des saluts hitlériens, ce qui a autant de sens que si je décidais d’aller courir sus aux Bourguignons en vertu de mes sympathies pour le parti Armagnac. On est donc en pleine gorillerie, pour reprendre un mot d’Albert Cohen (dans un autre contexte, certes) sur qui veut étaler sa virilité. Sous des oripeaux vaguement politiques, on ne vole pas plus haut qu’une bagarre entre mods et rockers sur la plage de Brighton dans les années 60.
Le résultat est qu’un étudiant a trouvé en plein Paris, en plein jour, une mort violente. Non pas « à cause de ses idées » mais à cause de la comédie sinistre où il s’était laissé entraîner. Cela est bien triste et ne peut appeler que la compassion.
On pourra lire aussi à ce sujet un excellent article de Jacques de Guillebon paru hier sur le site de Causeur.
Réapparition de Frigide
Pour finir sur ce lamentable événement, décernons quand même la palme de l’indécence à Pierre Bergé. Oui, le mécène socialiste qui « pense » que les bras des ouvriers et les ventres des femmes sont des biens à louer a encore twitté. Sans doute en broutant son caviar avec un kit mains libres. Cette fois, il a proclamé à qui voulait le croire que le jeune homme évoqué plus haut était mort à cause de Frigide Barjot. Laquelle a annoncé qu’elle allait lui coller un procès en diffamation – la moindre des choses.
Quelqu’un pourrait-il dire à Pierre Bergé que ses éructations séniles n’amusent personne ?
Espérances
C’est promis, la semaine prochaine, j’essaierai de vous parler de choses que j’aime. Au travail.

4 commentaires:

  1. Merci pour ce papier et pour le clin d'oeil à notre Frigide euh... Brigitte nationnale !
    J.

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    1. Merci, cher anonyme !Reconnaissons que B.B. était une très belle femme, il y a cinquante ans...

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  2. En ce qui concerne les bagarres de jeunes voyous écervelés, hélas fatales parfois, nous aurons droit à la seconde couche d'enrobage idéologique au moment du procès, où les mêmes journalistes découvriront (à nouveau) le sujet de la veille, faute d'y avoir travaillé entretemps, et le traiteront (à nouveau) en candides moutonniers. Nous allons rire et pleurer : le journalisme est une comédie italienne.

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    1. Très juste. J'aime cette comparaison avec la comédie italienne ou approchante... Des "Bazile" à la manière de Beaumarchais (air de la calomnie ; ne pas confondre avec Basile de Koch, que j'aime bien). S'il s'agit de cinéma, il est une théorie selon laquelle un bon film comique italien ne saurait se passer d'une scène d'enterrement - ce qui n'a rien de consolant pour le personnage du mort !

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