Il existe en notre belle France
une loi étrange, dite bioéthique, censée déterminer ce qui est permis ou
non en matière de pratiques et de recherches médicales. Son étrangeté réside
dans le fait que, périodiquement, on la révise de manière à établir de
nouvelles autorisations ou interdiction, selon les nouveautés que propose la
recherche médicale ou que cherchent à imposer divers groupes de pression. En somme,
la bioéthique régie par cette loi consiste en un genre de morale molle
nourrie de l’air du temps et de possibilités techniques plus ou moins récentes.
Parmi les mesures prévues
dans la révision actuellement soumise aux votes de notre parlement, en figure
une nommée par ses partisans « PMA pour toutes » et « PMA sans
père » par ses opposants. Il s’agit du droit pour des femmes seules ou des
couples de femmes de se faire faire un enfant par insémination artificielle. Cette
mesure, votée par une poignée de députés dans une assemblée déserte, a la
vedette, et l’on comprendra aisément pourquoi : elle se situe dans la
lignée de la fameuse « loi Taubira » de 2013, laquelle, sous prétexte
de lutter contre la discrimination dont seraient victimes les homosexuels,
constituait la brèche par laquelle de bien plus funestes innovations pourraient
être introduites. La possibilité de « louer des ventres » des femmes,
aujourd’hui écartée à grands cris par nos gouvernants, sera probablement
proposée dans une ou deux révisions de la fameuse loi bioéthique.
Mais revenons à cette « PMA
pour toutes » ou « sans père », selon les points de vue. Sa mise
en avant m’a tout l’air d’un chantage sentimental, autrement dit d’un piège :
le désir de maternité d’une femme, quel que soit son mode de vie, est une chose
tout à fait respectable, presque autant que la femme qui l’éprouve, de manière
parfois douloureuse. Au nom de ce respect, les amis du progrès auront beau jeu
de dénoncer la cruauté de ceux qui ne veulent pas que l’on puisse satisfaire ce
désir. On pourrait dire que la Manif pour tous et alii sont tombés à
pieds joints dans ce piège en organisant une manifestation qui aura lieu
demain, dimanche 6 octobre, « contre la PMA sans père » : c’est
que, pendant que l’on risque de rejouer le psychodrame des « gentils LGBT »
contre les « méchants LMPT », on ne parle pas du reste de ce projet
de révision. Cette restriction à un seul sujet, permettant peut-être au piège
de se refermer, serait un argument pour ne pas se joindre à cette
manifestation.
Le reste, nos évêques en
ont fort bien parlé le 16 septembre, en les personnes de Mgr de
Moulins-Beaufort, Mgr d’Ornellas et Mgr Aupetit. Non seulement ils ont parlé du
reste, mais ils l’ont aussi lié à un problème important sur lequel l’Église a
aussi son mot à dire : l’écologie. Je pense notamment à l’intervention de
Mgr d’Ornellas, usant d’une expression toute franciscaine, « notre sœur la
Terre »[i].
Plus récemment, Mgr Aupetit a fort bien exposé l’ensemble du problème, dans un
entretien accordé à France-Info[ii]. Voulons-nous
d’une humanité soumise jusqu’à la part physique de ses fondements à la
technique et aux manipulations que celle-ci pourrait permettre ?
C’est le genre de
réflexion que l’on aurait aimé entendre de la part des organisateurs de la
manifestation de demain. Ainsi que des réflexions d’ordre social et économique,
renvoyant enfin au capitalisme débridé son image, celle d’un parent pas si
éloigné de certains totalitarismes.
Au passage, nos évêques
ne nous ont pas appelés à nous joindre à cette manifestation, sans nous
déconseiller d’y aller non plus. Il parait que cela déplaît à certains. Rappelons-leur
que l’Église n’est pas un parti politique et qu’il est heureux que, dans leur
sagesse, nos évêques nous considèrent comme des adultes, libres et
responsables, capables de trouver le bon moyen d’exprimer une légitime
inquiétude.
Parmi les moyens
possibles, il y a la manifestation de demain. Malgré mes réserves, n’étant qu’un
quidam sans voix, j’irai donc. Après tout, j’ai usé mes semelles en 2013 pour
protester contre ce qui n’était que le carnavalesque prologue aux choses un peu
plus graves qui se trament en ce moment. Ce n’est pas pour me taire maintenant.
[i] Une belle tribune parue il
y a peu sur le site de Limite pose
une question pertinente : « Quand ce sont les conditions de vie de
l’humanité tout entière, en commençant par les plus pauvres, qui sont menacées,
allons-nous vraiment mettre toute notre énergie dans les luttes sociétales sans
en garder pour les combats environnementaux ? ». On pourrait
la résumer ainsi : pas de « défense de la vie » sans défense de
la terre. On pourrait ajouter que l’inverse est tout aussi vraie. Je n’ai aucun
doute quant aux rédacteurs de cette tribune, mais il doit exister des personnes
se disant écologistes que les délires bioéthiques ne dérangent pas. on leur
demandera un peu de cohérence, de même qu’aux défenseurs de la vie qui ne
voient pas de problème dans le monde productiviste…
[ii] Voir ici.
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