Qu’un train, en
particulier un TGV, passe à proximité, voilà qui fatalement fait du bruit. Croyez-en
quelqu’un qui demeura quelques années près d’une voie de chemin de fer. Or
voici que c’est le seul nom donné à certains trains par la SNCF qui fait aussi
du bruit : Inoui.
(Non, je ne suis pas en
train de m’étonner d’un nom que je n’aurais pas encore mentionné, auquel cas j’eusse
écris inouï. Je cite ce nom : Inoui, ou plutôt inOui.
Contentons-nous par la suite d’écrire Inoui.)
La SNCF a fait fort,
reconnaissons-le. Nous avions déjà eu droit à Ouigo et à Thalys,
dans le registre des noms qui ne signifient rien. Et, plus anciennement, à l’appellation
Intercités, laquelle donnait plutôt dans la tautologie, pour désigner
des trains reliant une ville à une autre ; curieusement, la SNCF ne
propose aux voyageurs de monter dans aucun train nommé Intercampagnes. Avec
Inoui nous entrons dans une autre catégorie : le nom qui a bien – à
une faute d’orthographe près – une signification, mais sans rapport avec le
service proposé (nous permettre de nous déplacer) ni avec le moyen mis en œuvre
à cette fin.
Pourquoi, dans ces
conditions, la SNCF ne nous propose-t-elle pas tout simplement de voyager à
bord de trains avec une provenance, une destination et d’éventuels
arrêts en cours de route ? Pour nous permettre de nous y retrouver, ces
trains seraient nommés rapides, express ou omnibus. Il serait
possible, selon le confort souhaité, d’acheter des billets plus ou moins chers,
avec lesquels nous saurions à quoi nous en tenir : tant pour un
Paris-Lille en première classe, tant pour un Lyon-Marseille en seconde…
Passons sur les raisons
sérieuses, ma causerie se voulant légère. Les contrôleurs de gestion, les
directeurs financiers ou commerciaux de la SNCF en évoqueront certainement d’excellentes
(de leur point de vue, du moins), dont les conséquences ne porteront
probablement pas uniquement sur ce simple emballage qu’est l’appellation. Les raisons
moins sérieuses sont à trouver dans un argumentaire fourni par la SNCF :
dans Inoui, il y aurait (notamment) in, nous et oui,
ce qui constituerait d’excellentes raisons de découvrir de tels trains[i] ;
d’autant que l’argumentaire ne dit rien des sons inou et noui, ce qui, somme
toute, est plutôt rassurant.
Quel sens de la com’
on a à la SNCF (ou dans quelque agence de publicité payée un pont d’or pour de
telles trouvailles) ! J’en viens à me demander si le nom même du PDG de la
SNCF n’a pas été inventé pour séduire les voyageurs. Le nom de M. Pepy évoque
en effet le peps, ou encore un gentil petit pépin concentrant une
énergie folle, ou encore Pépin le bref, et pourquoi pas, pour les cinéphiles,
le prince Pepi de Hellzapoppin’[ii].
Le vieux monde moderne
semble donc vouloir remplacer le nom des choses par des noms de marques, et
leur description par des slogans. La réforme des régions de l’an dernier a
ainsi ajouté à l’absurdité de certains regroupements celle des noms à donner
aux nouvelles régions : Nouvelle Aquitaine ou Hauts de France
en sont de bons exemples. Les Habitants du « Grand Est » ne sont
finalement pas trop à plaindre : quelque farfelu eût pu proposer de nommer
« Lasagne » cette nouvelle région, car dans Lasagne on trouve
le l de Lorraine, le sa d’Alsace et le agne
de Champagne.
La politique n’échappe
pas à cette fièvre. Ceux qui, à l’UMP ont eu l’idée de donner à ce parti le nom
Les Républicains ont dû se sentir une âme de pionniers. C’était faire fi
du parti – certes petit – de M. Dupont-Aignan (Debout la République,
bientôt Debout la France). Et les voilà complètement dépassés par MM.
Mélenchon et Macron, le premier avec La France insoumise[iii], le
second avec En Marche !. Il faudrait suggérer au Parti socialiste
et au Front national de se mettre à la page, en devenant par exemple Roses !
pour le premier et #JeanMarine pour le second[iv].
Nos publicitaires et nos
politiciens évolueraient-il vers des formes de langage aussi désarticulées que
dépourvues de sens ? Voudraient-ils nous entraîner sur cette pente ?
C’est à redouter.
En tout cas, les
Etats-Unis ont récemment apporté la preuve de ce qu’ils n’ont rien perdu de
leur vitalité sous M. Trump, lequel est l’auteur d’un sibyllin néologisme qui
provoque la perplexité des plus fins exégètes : covfefe. Qu’exprime
donc ce covfefe qui se répand déjà à travers le monde ? Peut-être
le fond de la pensée de M Trump.
J’enverrais bien tout ce
monde demain matin à la messe, pour célébrer la Pentecôte.
[i] Si vous ne me croyez pas,
lisez ceci.
[ii] Le Guillaume Tell de Prazgovnia, comme chacun sait.
[iii] Tellement attachante
avec son petit logo en forme de phi.
[iv] Il y avait déjà eu « la
vague bleu Marine » il y a quelques années. Ce slogan n’était pas très
heureux, évoquant plutôt quelque désinfectant pour lieux d’aisance.
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