A en croire les résultats
du premier tour des élections législatives et ce qu’on nous annonce pour le
second, on n’arrêtera pas le progrès, lequel s’est comme chacun le sait incarné
en la personne de M. Emmanuel Macron, désormais président de la République.
L’homme, il est vrai,
séduit par sa jeunesse, son allant, voire l’espèce d’aisance avec laquelle il
semble pouvoir endosser n’importe quel « costume », y compris celui
qui le vêt depuis mai. Son ascension a quelque chose d’hypnotique : rien ne
paraît pouvoir se mettre en travers de son chemin. Ce n’est plus En Marche,
c’est En Charme[i] !
Bénéficiant certes d’une forte abstention et de l’amplification de ses
résultats par le scrutin majoritaire, il pourrait bientôt disposer d’une Assemblée
nationale à sa main, pour ne pas dire à sa botte. Lui et sa majorité pourraient
alors se présenter au peuple comme ses élus, alors que l’on imaginait encore il
y a peu qu’il représentait tout ce que ledit peuple vomissait. Même les rumeurs
ou les soupçons sur son entourage politique semblent lui glisser dessus comme l’eau
sur le plumage d’un canard[ii].
Sincèrement, on ne peut
qu’admirer l’art avec lequel M. Macron est en train de s’emparer du pouvoir. C’est
de fait une sorte de révolution, en ce que chaque étape de ce qui se déroule
sous nos regards apparemment impuissants semble dépasser en intensité, d’une
manière irrépressible et ogresque, la précédente. Expliquons-nous.
Il a été assez répété que
les ennuis auxquels fut exposé M. Fillon pendant sa campagne électorale lui
étaient tombés dessus de manière trop opportune pour être tout à fait fortuits.
L’origine de ces « révélations » à son sujet ne nous est pas connue,
peu importe. Celles-ci constituèrent l’occasion rêvée pour M. Macron. Ajoutons à
cela une primaire socialiste nommant M. Hamon candidat, et voilà le Parti
socialiste concurrençant plutôt M. Mélenchon que M. Macron. De sorte que le
choix qui devait demeurer au second tour de l’élection présidentielle avait de
fortes chances d’être entre Mme Le Pen et M. Macron. Ce dernier n’était
probablement pas à l’origine d’une telle manœuvre. M. Hollande pourrait en
avoir eu l’initiative et, si ce n’est pas le cas, il a dû en rêver, histoire de
pousser un peu son « héritier ».
Ledit « héritier »
a par ailleurs souvent été présenté comme une créature façonnée par les mains
ou les esprits habiles de MM. Attali et Minc. Peut-être chacun de ces deux
messieurs a-t-il réellement cru pouvoir s’attribuer la paternité du personnage ?
Sa relative jeunesse et l’insistance, pour en faire l’éloge ou le blâme, avec
laquelle la presse a évoqué sa différence d’âge avec son épouse auront autant
contribué à présenter notre homme comme un « Bambi »[iii] à
la fois faible, innocent et prometteur.
Seulement, voilà que le
petit faon se sent pousser des cors. Les vieux mâles n’ont qu’à bien se tenir. Sous
les yeux émerveillés de sa maman, il leur dispute le commandement de la harde. Le
chef, maintenant, ce sera lui. Après l’avoir absurdement qualifié de « christique »
(figure filiale ?), les commentateurs avisés lui trouvent des airs « jupitériens ».
Louis XIV n’eût probablement pas osé se parer de telles épithètes. Napoléon, en
revanche… Les républiques malades enfantent plutôt des empereurs que des rois,
ces derniers étant plus souvent conscients de leurs limites.
C’est donc « Jupiter »
qui façonne maintenant sa nuée de candidats aux élections législatives. Comme dit
plus haut, on prédit à cette nuée des résultats quasi-soviétiques en termes de
sièges à l’Assemblée nationale[iv]. On évoque
parfois même la naissance d’un « parti unique ».
Mais qui sait ce que
réserve la suite de cette révolution ? Une révolution est souvent vorace,
elle consomme ses acteurs avec appétit. Le « parti unique » pourrait
fort bien se morceler, risquant de réduire M. Macron à l’impuissance ou à la
brutalité.
Ce ne sont là que
conjectures d’amateur, et il y a un second tour dimanche.
[i] J’emprunte l’anagramme au
titre d’un roman paru il y a deux ans, Lève-toi et charme, du talentueux Clément Bénech, à côté de qui, soit dit en
passant, M. Macron fait figure de vieux tonton, s’il faut absolument célébrer
la jeunesse.
[ii] Pas enchaîné, celui-là. A
propos de soupçons sur cet entourage, il se trouverait parmi les candidats d’En Marche une cartomancienne. Le regretté
Philipe Muray, dans Le XIXe siècle à
travers les âges, avait brillamment mis en évidence les rapports entre
socialisme et occultisme. On lui reprochera d’avoir oublié ceux qui existent
entre libéralisme et pensée magique.
[iii] Nos amis les
complotistes préfèreront sans doute parler du faon Macron.
[iv] Au point de donner à
penser que l’appoint du MoDem ne lui sera pas nécessaire. Auquel cas M. Bayrou,
après avoir moralisé – notamment par l’exemple – la vie politique française,
risque fort d’être prié d’aller voir s’il fait beau dans sa bonne ville de Pau.
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