Nous serions, paraît-il,
entrés depuis quelque temps dans l’ère de la post-vérité. Est-ce à dire
que naguère on ne nous mentait jamais ? J’en doute.
Certes, l’actualité prend
souvent en ce moment des tournures extravagantes, et à ce qu’on nous dit les
fausses nouvelles abondent plus que jamais. Fausses nouvelles est, soit
dit en passant, le titre d’un roman suédois, de l’excellent Torgny Lindgren[i]. Et,
à propos de Suède, on a prêté à M. Trump (on ne prête qu’aux riches) des
paroles abracadabrantes sur ce vieux et beau pays, quant à l’insécurité qui y
règnerait, causée par des populations d’origine immigrée. Non, ont crié en chœur
journalistes et politiciens[ii]
suédois, il n’y a pas d’insécurité en Suède, et certainement pas dans les zones
à forte population d’origine étrangère… C’était juste avant l’émeute qui a
accueilli une descente de police à Rinkeby, riante banlieue de Stockholm.
Il est vrai que,
statistiquement, à force de dire tout et n’importe quoi, peut finir par toucher
à une part de vérité.
Tout et n’importe quoi, à
moins que ce ne soit tout et son contraire, cela semble être le rayon de M. Macron.
Dans ses discours électoraux, cet homme paraît vouloir séduire non pas tous les
Français, mais chacun d’entre eux. Fatalement, cela peut donner lieu à des
incohérences. Mais reconnaissons-lui (ainsi qu’à ses amis) le talent de savoir
capter l’air du temps. Ainsi, il y a quelques semaines, la presse bruissait des
plaintes de son équipe de campagne : le site Internet d’En Marche
aurait été piraté ! Nul doute que ces attaques provenaient de Russie, tant
il est vrai que M. Macron doit peupler les cauchemars de M. Poutine. On reconnaît
là une habile acclimatation des accusations portées aux Etats-Unis par les partisans
de Mme Clinton[iii].
On est depuis sans
nouvelles de ce terrible complot ourdi par de sombres officines moscovites
contre M. Macron. Peut-être était-ce faux ? Notre presse, dans ce cas, n’en
a pas fait un scandale. Ce qui n’est pas comme lorsque M. Fillon se dit victime
d’un coup monté dont les origines seraient à chercher du côté du faubourg
Saint-Honoré. Mais si je vois dans cette différence de traitement un certain
favoritisme dans pas mal d’organes de presse envers M. Macron, je risque d’être
traité de complotiste, voire d’être accusé de répandre de fausses nouvelles,
pardon, des fake news.
Il était déjà question de
ces fake news, à moins que ce ne fût de post-vérité, à l’époque
du référendum sur le Brexit au Royaume-Uni[iv]. Les
électeurs britanniques auraient majoritairement voté pour quitter l’Union
européenne sur la base de mensonges. Ce n’est pas impossible, mais les
catastrophes annoncées par les remainers ne sont toujours pas survenues[v].
Alors…
Alors oui, nous sommes
envahis et pollués par d’abondants et grossiers mensonges émis de toutes parts :
ils ne proviennent pas tous « du même bord », comme on voudrait
parfois nous le faire gober. Faut-il pour autant nous en lamenter ? Pas
plus qu’autrefois. Les mots rumeur, bobard ou bouteillon ne
sont pas apparus hier soir. En mai 1927, La Presse fit une édition
spéciale sur l’arrivée à New-York des aviateurs Nungesser et Coli après la
première traversée aérienne de l’Atlantique sans escale[vi]. Aux
dernières nouvelles, L’Oiseau blanc et ses deux occupants se
trouveraient quelque part au fond de l’océan, vers Saint-Pierre et Miquelon… Je
vous épargnerai des exemples plus récents.
[ii] Y compris l’inénarrable
Carl Bildt, qui fut un temps aussi drogué du touite que M. Trump. M. Carl Bildt
ancien premier ministre et ancien ministre des affaires étrangères en Suède, ne
doit pas être confondu avec un dénommé Nils Bildt, autoproclamé expert en
géopolitique, qui aurait donné des avis « éclairés » à une chaîne de
télévision américaine ; il paraîtrait que même les Démocrates de Suède, pourtant
peu réputés pour être regardants en matière de recrutement, n’auraient pas
voulu de cet individu…
[iii] Laquelle a perdu l’élection
présidentielle américaine à cause d’un complot russe, comme chacun le sait, et
certainement pas à cause de ce qu’elle pouvait représenter aux yeux de certains
électeurs américains. Où qu’il se trouve, une telle interprétation doit adoucir
les tourments du défunt sénateur Joseph McCarthy.
[iv] Voir ici.
[v] M. Tony Blair s’est
récemment fait remarquer pour un appel au « soulèvement » des
parlementaires britanniques contre la sortie du Royaume-Uni de l’Union
européenne. Rappelons que M. Blair gagna en son temps le surnom de Bliar. Etait-ce en 2003, à l’époque des
fameuses armes de destruction massives irakiennes ?
[vi] Voir ici.
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