A plus
d’un titre
Les journalistes sont des
êtres extraordinaires. Ils caressent ou tutoient parfois des sommets de
comique, l’air de rien, sans paraître y penser. C’est une manière d’art.
On apprenait ainsi il y a
quelques jours qu’aux Etats-Unis, lors d’un tournoi de tennis où était présente
une équipe allemande, un « chant nazi » avait été entonné en lieu et
place de l’hymne national de nos tudesques voisins. En ces temps de trumpomanie
ou de trumpophobie, rien de tel pour insister sur la balourdise américaine.
C’était du moins ce que
nous indiquèrent les titres de quelques journaux. Renseignements pris, l’erreur
avait consisté à chanter le couplet « Deutschland, Deutschland über
alles »[i],
bien connu depuis 1844 et retiré en 1952 de cet hymne. Il est vrai qu’entre-temps
le goût de paraître envahissant avait passé aux Allemands. Notons que cet hymne
est chanté sur un timbre composé par Josef Haydn en 1797, ce qui n’est pas rien
(et ce qui n’est pas nazi non plus grâce à Dieu).
Si j’étais un instant
tenté par un manque de charité, j’appliquerais volontiers à nos amis les
journalistes ce titre relevé dans le Figaro cette semaine : « Si
les babouins avaient un cerveau plus développé, ils pourraient parler ».
Mais ne cédons pas à la tentation, car l’article portant cet admirable titre
contenait peut-être, qui sait, d’intéressantes informations sur la structure
cérébrale des vaillants babouins, et contentons-nous de remarquer que si les
serpents avaient des pattes, ils trotteraient peut-être avec une certaine
élégance.
Les journalistes
vont à la messe !
La plaisanterie est
facile : quand un candidat à la présidentielle se rend sur l’île de la
Réunion, il va de soi que celle-ci devient la Réunion électorale. C’est dans ce
cadre que M. Fillon s’y trouvait il y a quelques jours, notamment le 12
février. Comme c’était un dimanche, M. Fillon s’est rendu à la messe. Miracle :
les journalistes l’y ont suivi ! Ils ont été paraît-il fort impressionnés
de ce que la lecture de l’Evangile se rapportât tant aux déboires de M. Fillon :
« tu ne t’en sortiras pas avant d’avoir payé jusqu’au dernier sou. »
Ils n’ont, semble-t-il, retenu que cette parole. Peut-être en est-il qui ont
cru que le prêtre avait choisi ce texte exprès pour faire honte à M. Fillon…
Si c’est le cas, ils
feront bien d’ouvrir un missel ou de se renseigner auprès de personnes plus au
fait qu’eux pour apprendre que c’était l’Evangile[ii] lu
dans toute l’Eglise catholique ce sixième dimanche du temps ordinaire (année
A). S’ils voulaient bien savoir quelle richesse contient ce passage ! Il s’agit
de beaucoup plus de taper sur les doigts d’un banal politicien français. L’eussent-ils
d’ailleurs remarqué si M. Fillon s’était aussi discrètement que possible rendu
à la messe à Sablé-sur-Sarthe ?
M. Fillon a peut-être
rougi, tiqué ou blêmi. Qu’importe ! Nous avons probablement tous de quoi
le faire en entendant ces paroles. Cela va bien plus loin, bien plus
profondément dans l’âme de chacun que ce que certains semblent imaginer.
Alors, de grâce, n’assaisonnez
pas trop les Evangiles à la mode de quelque passagère circonstance
politicienne.
Affiches
romaines
Les habitants du Vatican
étant des êtres humains, il arrive que, même sur cette auguste colline,
quelques-uns aient de quoi rougir. Ceux, par exemple, qui ont affiché
sauvagement, çà et là dans Rome, des affiches représentant le pape François
faisant la moue, au-dessus de cette apostrophe :
« Eh France' [diminutif de Francesco], tu as placé sous tutelle des congrégations, tu as viré des prêtres, tu
as décapité l'Ordre de Malte et les Franciscains de l'Immaculée, tu as ignoré
des cardinaux... Mais où est ta miséricorde ? »
Il faudrait faire deux ou
trois remarques aux instigateurs de cette aimable campagne. Pour commencer, ces
affiches sont fort laides ; l’Italie nous a habitués à plus de beauté. Ensuite,
vu leur teneur leurs auteurs (qui ont préféré garder l’anonymat) se disent
certainement catholiques ; or de tels procédés rappellent ceux dont usa un
certain Martin Luther en 1517, en moins courageux toutefois : Luther, au
moins, revendiqua ses paroles et ses actes ; si cela se trouve, des égarés
auront applaudi à cette campagne après avoir reproché au Pape son voyage de
Suède à la Toussaint. Enfin, dans certains milieux se voulant catholiques mais
ne manifestant que peu de respect pour ce pape-là, on estime qu’il « divise »
l’Eglise ; et que pense-t-on de pareilles affiches dans de tels milieux,
en matière de division ? Que ces gens veuillent bien ouvrir les yeux et se
demandent quel est le nom qu’on donne communément à celui qui a pu inspirer
pareilles sottises.
Quant au pape, ils
verront certainement où est sa miséricorde, quand ils auront humblement reconnu
leurs errements.
Identitaires
(bis)
J’avoue avoir éprouvé
quelques scrupules il y a une semaine en écrivant, puis en postant ma modeste recension
du livre d’Erwan Le Morhedec, Identitaire, le mauvais génie du christianisme[iii]. C’est
que j’avais tendance à voir le triste phénomène abordé dans ce livre
circonscrit à quelques sites internet aussi groupusculaires qu’agressifs. Or,
quelle ne fut pas ma surprise, dimanche dernier, après la messe, d’être abordé
par un quinquagénaire de bonne coupe qui rôdait à quelque distance des grilles
de l’église. Il me tendit un tract et me parla brièvement de TV Libertés,
chaîne de télévision « catholique et patriote » diffusée sur
Internet.
Le tract est éloquent :
il nous présente « la télévision des familles et des traditions ».
Rien que cela ! S’ensuit une liste de programmes mentionnant les noms de
quelques invités pas effrayants, ainsi que ceux, quelquefois moins rassurants,
des animateurs. Bon, si MM. Martial Bild, Jean-Yves Le Gallou, Gilbert Collard et
alii sont désormais des autorités spirituelles… Je crois que je m’en
tiendrai aux prêches (excellents, en général) de mon curé. Et merci à ces gens
de ne pas trop distraire d’innocents paroissiens[iv].
Le vrai
visage du libéralisme
On apprenait il y a peu
qu’une association d’inspiration catholique venait de perdre un procès contre
une entreprise qui, par le biais d’un site Internet, permet de faire des « rencontres
extra-conjugales » et ne se prive pas de faire régulièrement des campagnes
d’affichage sur la voie publique. L’avocate de ces marchands d’adultère s’en
est réjouie : « C'est la victoire de la liberté d'expression sur ces
bigots animés d'une volonté de censure », a-t-elle cru bon de déclarer[v].
Rien de plus logique de nos
jours que ce dénouement (provisoire ?) : nous vivons des temps de
libéralisme ; qu’importent la morale, le code civil, la vie des couples et
des familles, s’ils sont autant d’obstacles à un juteux marché, m’argent à
gagner devant être la mesure de toutes choses ?
On tient souvent à
distinguer, au moins en France, libéralisme économique, libéralisme des mœurs et
libéralisme politique. Or ils font un excellent ménage (à trois), usant
toujours contre leurs adversaires du même discours gentillet : vous êtes
des bigots, des tartufes, des ennemis de la liberté ; vous êtes pleins de
fiel et de haine ; vous êtes des réacs (ou des communistes, au choix,
selon le penchant du gentil libéral qui s’apprête à détruire ce qui vous paraît
précieux).
Les libéraux les plus
extrêmes et les plus conséquents, s’ils sont à court d’arguments, se réfèreront
à la Révolution française et à la fameuse maxime de Saint-Just : « pas
de liberté pour les ennemis de la liberté »[vi]. C’est
par exemple le cas avec l’adoption « définitive » de la loi sur le « délit
d’entrave à l’IVG »[vii].
Tout cela se tient, en
somme. Je préfère être un bigot.
[i] De la Meuse au Memel, de l’Adige…
Il fut un temps où les Allemands avaient les idées un peu trop larges au goût
de leurs voisins…
[ii] Mt 5, 17-37.
[iii] Voir ici.
[iv] Je n’éprouve cependant
aucun ressentiment envers le monsieur qui me tendit ce tract. Après tout, ce
tract proclame « Enfin une télévision qui vous ressemble » :
avec mon imperméable kaki, mes souliers anglais à doubles semelles, mes cheveux
courts, mon air hébété et rougeaud, il se peut que j’aie été pris pour un
amateur potentiel…
[vi] Cette phrase fait
toujours un peu trembler les plus raisonnables (c’est-à-dire les plus
trouillards) des bourgeois libéraux. Ils savent bien que « la liberté »
s’entend ici par la conception qu’en a celui qui prononce la phrase. C’est
pourquoi ils préfèreront toujours, en matière de Révolution française, vanter
la loi Le Chapelier ou se souvenir avec tendresse du calendrier républicain,
qui ne comptait qu’un jour de repos par décade : ah, mon bon monsieur,
quel bel exemple ! les ouvriers se tournaient sans doute un peu moins les
pouces !
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