jeudi 13 octobre 2016

Les fantômes ne passeront pas !

De récents propos du pape sur la « colonisation idéologique » opérée avec la « théorie du genre » ont eu l’heur de scandaliser le petit monde du progressisme français, qui a envoyé en pointe son fidèle grenadier-voltigeur, la brave Mme Vallaud-Belkacem, notre méritante ministre de l’Education nationale. On pourrait qualifier de reposantes de telles réactions, tant on s’est habitué en trois ans et demi à entendre venir de droite la plupart des sottises prononcées contre le pape François.
Donc, Mme Vallaud-Belkacem a cru bon d’exprimer sa « colère » contre le pape, qu’elle dit mal informé et sous l’influence des zintégristes (sans doute l’équivalent religieux ou spirituel des pseudo-z-intellectuels opposés à ses réformes) parmi lesquels on trouverait la fondation Jérôme Lejeune. Ce qui appelle plusieurs commentaires.
Remarquons pour commencer que ce gouvernement a un problème avec toute forme de contestation ou de critique à son égard : qui que l’on soit, si l’on a l’outrecuidance d’émettre la moindre réserve quant à ses projets réels ou supposés, l’on finira classé parmi les fanatiques, les intégristes, les extrémistes ou pire encore.
A ce propos, il est amusant (ou navrant) d’entendre qualifier d’intégriste la fondation Jérôme Lejeune, laquelle entreprend de poursuivre l’œuvre d’un médecin qui fut parmi les premiers à s’intéresser aux trisomiques en tant que personnes et non en tant que fardeau, luttant ainsi contre le mépris dont ils ont pu souffrir par le passé et contre les tentations eugénistes qui les menacent (et plus parfois) de nos jours. A propos de ces menaces, constatons qu’une des pires injures dans la bouche d’un progressiste est : pro-vie. On ose espérer que les progressistes ne se vantent pas (même en secret) d’être pro-mort.
Enfin, quant à l’influence supposée des intégristes catholiques sur le pape, cette hypothèse relève de la bouffonnerie la plus baroque, presque aussi baroque que les insultes vomies à longueur de temps par les plus flamboyants et les plus imbéciles des intégristes contre celui-ci. Certains d’entre eux n’ont d’ailleurs pas manqué de relever dans les propos du pape quelques paroles de bienveillance envers les transsexuels. Pour ma part, qu’ils se rassurent : je n’éprouve aucune haine envers les imbéciles, le pape non plus, certainement.
Naturellement, la presse libérale ou progressiste a rempli avec zèle sa mission, tartinant ses colonnes et ses sites internet de l’antienne désormais bien connu : la théorie du genre n’existe pas, combien de fois faudra-t-il le marteler ? Certes, dire que la théorie du genre n’existe pas, en chipotant sur les mots, cela peut s’admettre. Mais c’est insuffisant. On ne saurait nier qu’il existe une ambiance, un bain idéologique qui se nourrirait de ce qu’il faudrait nommer études de genre. Les média populaires et bourgeois en exsudent à pleines pores les lieux communs, et l’on ne saurait exclure une certaine perméabilité de quelques milieux scolaires…
Tout cela peut aussi bien être vu comme un prétexte pour séparer les enfants – et même les adultes – de toute vision traditionnelle ou fondée des choses et des êtres, pour mieux en faire les consommateurs indifférents ou les citoyens obéissants d’un système où la technique – médicale en l’occurrence[i] – et le commerce ou l’Etat décideront de tout[ii].
(Il faut aussi se rappeler que, selon une phrase bien connue attribuée à tant d’auteurs (Baudelaire ?), la plus grande ruse du diable consiste à nous faire croire qu’il n’existe pas. Bien entendu, nous ne saurions comparer Mme Vallaud-Belkacem au diable, pas plus que Mme Taubira lorsqu’elle considérait comme mensongers les soupçons sur ce que préparait sa loi sur le mariage. Ce serait leur faire injure, et elles n’ont d’ailleurs jamais prétendu ne pas exister. Mais, à force de vouloir dénigrer toute critique, qui sait si quelque responsable politique ne finira pas par le prétendre à leur place ? Si ce jour advenait, à la place de ces dames, je me méfierais.)
Observons enfin que quelques commentateurs politiques (j’en ai entendu un sur France-Culture) avancent qu’avec ses propos sur la « théorie du genre » et la « colonisation idéologique », le pape aurait cherché à « ménager son aile droite », voire à « mobiliser les troupes de la Manif pour tous pour le 16 octobre ». Comment dire ? Le pape, comme chaque chrétien (et même chaque homme) est appelé à la sainteté. Peut-être, « nous autres catholiques » le vénérerons-nous un jour comme un saint. Mais cela n’a rien à voir avec les ailes – que ce soit l’aile gauche ou l’aile droite –, lesquelles sont, comme chacun sait, des attributs angéliques, soit une toute autre affaire. Quant au 16 octobre et à la Manif pour tous, on ignorait jusqu’ici que le pape en fût un porte-parole[iii].


[i] Argument sentimental : on ne saurait empêcher les chercheurs de s’amuser un peu. Ce serait méchant, voire obscurantiste. Avec de tels arguments, on est loin du professeur Lejeune…
[ii] « Que tenter contre une puissance qui contrôle le Progrès moderne, dont elle a créé le mythe, tient l’humanité sous la menace des guerres qu’elle est seule capable de financer, de la guerre devenue comme une des formes normales de l’activité économique, soit qu’elle la prépare, soit qu’on la fasse ? » (Georges Bernanos, Les Grands cimetières sous la lune). La puissance ainsi désignée par Bernanos n’est pas l’Etat, mais bien l’Argent.
[iii] Quoi qu’il en soit, une sournoiserie aussi épaisse de la part des autorités politiques et de la presse donne envie d’aller se promener entre la porte Dauphine et le Trocadéro le 16 octobre.

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