Une épidémie frappe en ce
moment le monde et, si elle s’étend de manière redoutable (au point d’avoir été
qualifiée de pandémie), il ne nous paraît pas toujours facile d’en évaluer,
imaginer ou comprendre la gravité. Le mal qui se propage semble se situer
quelque part entre un très mauvais rhume (aux conséquences bénignes ou fatales)
et la grippe espagnole. Dans une telle incertitude, les comportements excessifs
ne sont pas surprenants, du déni bravache à la panique, à la terreur, voire au désespoir.
Or, pour les quidams que
nous sommes, je ne vois pas pour ma part de conduite viable à tenir en dehors d’une
simple et calme prudence. Les autorités, civiles et religieuses, nous y
incitent d’ailleurs : que ce soit pour échanger un signe de paix dans
la charité du Christ pendant les messes ou pour nous saluer dans notre vie
profane, nous sommes enjoints d’éviter accolades, baisers et poignées de main.
Les temps difficiles
incitent parfois à une certaine frivolité. Sans doute pour tromper l’ennui ou
encore l’angoisse. Les journaux nous ont donc administré quelques anecdotes sur
le check du bout des poings où à coups de coudes, voire sur le footshake,
manière pataude de se toucher du pied (chaussé, bien entendu) pour se saluer. Quelques
responsables politiques en ont fait la démonstration pour la galerie. C’est
amusant dix minutes, mais ensuite on s’en lasse.
Une solution plus
sérieuse peut consister à chercher des modèles ailleurs : en se mettant la
main sur le cœur, à la mode musulmane, ou en joignant les mains avec une
inclinaison plus ou moins profonde du buste, selon une coutume que l’on prête
aux Asiatiques. Pourquoi pas…
En fait, mille manières
peuvent être envisagées, dès lors qu’elles sont dignes et amicales. Montrer la
paume de sa main droite (dépourvue de toute arme)[i], ou
encore incliner la tête, comme le résumé d’une révérence[ii]. L’essentiel
réside peut-être dans les nombreuses expressions que l’on peut donner à son
visage. Celles-ci peuvent aller d’une compassion empreinte de gravité, dans les
moments douloureux, à une joie fraternelle ou amicale (que l’on veuille bien
faire l’effort de sourire des yeux !), en passant par l’encouragement dans
les épreuves. Tout est possible pour témoigner de l’amitié, du respect, ou la
plus élémentaire des politesses, sans palper les mains de qui l’on rencontre. Il
suffit d’y mettre de son âme.
Et c’est une précaution
qui pourrait nous dispenser d’avoir à nous claquemurer chez nous pendant des
semaines, comme cela arrive à nos voisins italiens. À qui j’adresse un amical
sourire.
(Cela dit, les choses ne
semblent pas bien tourner : à Paris, nous ne pourrons pas aller à la messe
ces prochains dimanches. En attendant de rester longtemps enfermés chez nous ?
Des choses étonnantes se passent d’ailleurs de toutes parts, puisque l’on a
entendu M. Macron, dans un discours aux accents nobles quoique grandiloquents, annoncer
la nécessité d’une politique qui serait l’exact contraire de celle qu’il a
menée sans discontinuer depuis bientôt trois ans.)
[i] Ce qui serait l’origine du
salut militaire.
[ii] Sans en faire trop :
il n’est pas nécessaire de se mettre en même temps au garde à vous en claquant
des talons, à moins de vouloir se donner des airs prussiens.
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