On nous l’avait assez
répété, jusqu’au soir du 23 avril : avec onze candidats à l’élection
présidentielle, nous avions l’embarras du choix. A tel point que nous avaient
été indiqués quels candidats étaient importants ou ne l’étaient pas. A force de
bourrer le crâne des électeurs (à défaut de pouvoir bourrer les urnes, ce qui
eût été tentant), sondeurs et commentateurs ont eu la joie de se découvrir les
auteurs d’une prophétie auto-réalisatrice. De sorte que nous voici plutôt
devant le choix de l’embarras.
Il y a, certes, le
moindre mal : voter Macron pour barrer la route à Mme Le Pen, ou
voter Le Pen pour barrer la route à M. Macron. Car, enfin, le Front
National et sa candidate ne sauraient être compatibles avec notre goût pour la
charité, notamment en ce qui concerne l’accueil des étrangers ; et ils
traînent toujours avec eux une (plus ou moins) vieille garde pas toujours[i]
recommandable. Oui, mais quand même, quelle confiance accorder à M. Macron,
freluquet vociférant, l’air halluciné, des hymnes au libéralisme intégral,
nourri au lait des transactions boursières, adoubé par M. Hollande et soutenu
par MM. Bergé, Attali et aliis ? Faut-il s’inoculer la peste dans l’espoir
de ne pas périr du choléra[ii], ou
l’inverse ?
Peut-être nous
sentons-nous plus ou moins d’affinités avec tel ou tel politique, peut-être
avons-nous voté ce 23 avril pour tel ou tel candidat désormais éliminé, qu’il
ait été classé à droite ou à gauche, petit ou grand. Peut-être « notre »
candidat a-t-il même choisi de se rallier à l’un ou à l’autre des « finalistes »,
ou a-t-il manifesté son intention de voter pour l’un ou pour l’autre, voire
conseillé de la faire ?
Il y a évidemment le cas
pathétique de M. Fillon, couvert de boue pendant des mois par les amis de M.
Macron (et vraisemblablement pas que par eux), raillant celui-ci (probablement
à juste titre) comme étant le dauphin de M. Hollande et, dans la demi-heure
suivant les résultats du premier tour, appelant à voter pour lui. Mais ne
parlons plus de M. Fillon, ayons pitié de lui. Ayons pitié, de manière générale,
des « républicains » et même du parti dit socialiste.
Plus spectaculaire est le
cas de M. Dupont-Aignan, qui se rêve déjà en premier ministre de Mme Le Pen. Fait
curieux, voilà un homme courageux jusque-là, qui va à la soupe – ou à la
gamelle, comme on voudra[iii]. Passer
de propositions intéressantes à leur caricature la plus grossièrement
démagogique est plutôt décevant de sa part. N’étant pas d’esprit partisan ni
militant, nous nous remettrons de cette déception.
De tels exemples incitent
à ne pas accorder d’importance aux choix ou aux ralliements de « nos »
candidats. Nous sommes libres et majeurs. Seul M. Mélenchon, parmi les candidats
ayant eu quelque audience, semble l’avoir compris.
Restent le front
républicain et les allusions affligeantes aux heures les plus sombres,
etc. : vieilles ficelles qui prennent de moins en moins pour nous
représenter le Front National comme une entreprise satanique. Il y a quelque
chose d’indécent à voir M. Macron se pavaner à Oradour-sur-Glane. Le truc finit
d’ailleurs par se voir, y compris en ce qui concerne le Front National :
depuis environ trente ans, on le gonfle ; c’est l’adversaire idéal ;
ce sont les méchants du film. De sorte que le meilleur moyen de gagner une
élection sans avoir à se justifier de son bilan ou de ses intentions consiste à
faire en sorte de l’avoir face à soi : moi ou le fascisme, que les
consciences se mobilisent[iv] !
Le Front National n’est pas en reste, ce ramassis hétéroclite de colères et de
peurs ayant prospéré sur cette stratégie de gribouilles. En somme, il est
devenu un instrument du « système » qu’il prétend combattre[v].
Alors, quel est le
moindre mal ? Faut-il voter pour l’un afin d'éviter l’autre ? Pour ma
part, ma conscience me dit : non possum. Il vaut mieux songer aux
élections législatives. Sans compter toutes sortes d’engagements, autres que
politiques. Même les plus humbles.
[i] J’ai bien écrit pas toujours.
[ii] Certains préfèrent parler
de grippe que de choléra, sans doute pour se résoudre à voter, la mort dans l’âme,
pour M. Macron. Ils oublient que de nos jours la grippe tue plus que la peste
en France.
[iii] M. Dupont-Aignan a
souvent été fort critique à l’égard du Front National. Tout comme M. Bayrou le
fut naguère à l’égard de M. Macron.
[iv] Le truc durera ce qu’il
durera. Ce pari semble de plus en plus risqué pour nos chers politiciens, mais
ils le répètent, pour l’instant jusqu’à l’écœurement, et le répèteront avec
sans doute plusieurs échecs, n’ayant aucune espèce d’imagination.
[v] Ce rôle d’épouvantail,
bien commode, est décrit ici de manière intéressante, sur le blogue Le temps d’y penser.
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