samedi 10 septembre 2016

Petites et grandes paroles

Bien des paroles insignifiantes trouvent un écho démesuré, en particulier à notre bruyante époque. Ne peignons pas, toutefois, tout en noir : l’ampleur de l’écho ne signifie pas nécessairement l’insignifiance de la parole. Quatre exemple nous permettront, je l’espère, de faire le tri.
Ménardisation
M. Robert Ménard, autrefois journaliste, est aujourd’hui maire de Béziers. N’étant pas Biterrois, je n’ai aucun avis à donner quant à ses compétences à ce poste. Cependant, M. Ménard aime à se répandre en propos qui paraissent taillés sur mesure pour choquer le bourgeois (reste chez lui d’une jeunesse gauchiste ?). Ses anciens confrères les journalistes en sont ravis, pouvant titrer par exemple que pour Robert Ménard, être Français, c’est être « Européen, blanc et catholique ».
Evidemment, les bourgeois sont choqués, les journalistes ont fait de la copie et M. Ménard a fait parler de lui : tout est en ordre.
Cela n’est pas sans rappeler des propos naguère par Mme Nadine Morano, qui laissaient craindre une certaine moranisation de la vie politique. J’ai déjà dit ici ce que je pensais quant au contenu de ces propos et mon avis n’a guère changé depuis. Mme Morano semble aujourd’hui s’être faite plus discrète. On ne saurait trop l’en féliciter. Faut-il donc parler désormais de ménardisation ?
Je me contenterai donc de dire ceci : étant moi-même Français ET Européen ET blanc ET de confession catholique, je serais reconnaissant à M. Ménard de ne pas m’inscrire dans son cirque identitaire et de ne pas mélanger ces notions bien distinctes[i]. Je préfèrerai toujours, pour réfléchir à ces choses, user d’une tournure d’esprit marquée par l’apprentissage de l’algèbre linéaire que du genre de bouillie dont M. Ménard fait son fonds de commerce.
Dérèglement des sens (communs)
Dans le concours d’insignifiance agressive que constitue la « primaire de la droite et du centre », « Sens commun » a tenu à faire entendre son filet de voix. Après une réflexion que l’on imagine aussi intense que collective, les dirigeants de ce mouvement ont décidé de déclarer leur soutien à la candidature de M. François Fillon. Bon, si leur choix s’était porté sur M. Mariton, par exemple, on eût encore pu le comprendre, à la rigueur, sans toutefois l’approuver ; un petit signe en faveur de M. Poisson eût été certainement le plus logique (et le plus souhaitable, mais c’est un avis personnel). Mais enfin, voyons, il faut être responsable ! Le choix devait porter sur un « gros » candidat !
Ce genre de raisonnement de la part de gens qui ont l’ambition d’exercer une influence sur un parti politique me paraît stupide : car prétendre influer sur le cours de choses en soutenant un « gros » candidat ne revient qu’à perpétuer les rapports de forces au sein d’une entreprise de confiscation des votes. Etant donné le poids de « Sens commun », cela ne changera sans doute rien à l’affaire. Et les dirigeants de ce mouvement ont peut-être manqué une occasion de mesurer leur influence en soutenant un « petit » candidat, comme M. Poisson, par exemple.
M. Henri Guaino s’est paraît-il offusqué de ce genre de cuisine. Et nos aimables amis de « Sens commun » lui ont même répondu fermement dans Valeurs actuelles.
Grand bien leur fasse.
Parenthèse enchantée
(M. François Hollande a fait jeudi 8 septembre un discours dont les journalistes ont fait toutes sortes d’analyses. Il faut les comprendre, cela les occupe et justifie ainsi leurs salaires.
Si j’ai bien compris, la France est selon M. Hollande une idée. En même temps, la France ne doit pas être divisée.
Puisqu’il en est ainsi, je suppose que M. Hollande et son premier ministre, M. Valls, doivent montrer l’exemple. Les sentiments ardemment républicains de MM. Valls et Hollande n’étant pas à mettre en doute, il va de soi que pour eux, France et République sont des synonymes. Compte tenu de ce que M. Valls a récemment dit de la République (voir ici), la synthèse que voici s’impose :
La France est une idée aux seins nus qu’il ne faut pas diviser afin de nourrir le peuple.
Quels poètes, quand même !)
Béatitude (et mieux)
Dimanche 4 septembre a eu lieu la canonisation de Mère Térésa de Calcutta. Ainsi donc, il nous est désormais donné de pouvoir prier pour l’intercession de sainte Thérèse de Calcutta[ii].
Apparemment, cet événement a réveillé une certaine haine antichrétienne dans une partie de la grosse presse, haine exprimée avec toute la hargne d’un Homais qui viendrait de subir une abondante aspersion d’eau bénite. Les arguments utilisés par ces bons esprits voltairiens ne datent pas d’hier, car feu Christopher Hitchens[iii] en fit il y a vingt ans tout un livre dont je ne répéterai pas le titre. Ledit livre fut en son temps aisément réfuté par le regretté Simon Leys[iv].
Comment répondre en chrétien à cette rage ? Avec un sourire, sans doute, où ne manqueraient ni l’humour ni un certain mysticisme. Le père James Martin, SJ, me semble avoir trouvé la réponse qui s’impose, dans un article de la revue America (voir ici).
En fait, cette rage est une bonne nouvelle pour notre nouvelle sainte. Les esprits perplexes se reporteront aux béatitudes telles qu’elles sont présentées dans l’Evangile selon saint Luc[v].


[i] Voir ici, par exemple, un article intéressant de Gaultier Bès dans Limite.
[ii] J’aime transcrire les noms. Une façon locale de les rendre universels, peut-être.
[iii] C’est curieux : porter un si beau prénom et se murer dans l’athéisme…
[iv] Je recommande, pour en savoir plus, la lecture des pages 70 à 73 de la biographie de Simon Leys par Philippe Paquet, parue cette année chez Gallimard.
[v] Lc. 6, 20-23, en particulier le verset 22. Comme je suis paresseux, vous êtes invités à ouvrir une Bible.

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