lundi 9 septembre 2019

Un arrêté municipal

C’est, je crois me le rappeler, en lisant Michel Strogoff vers l’âge de neuf ans que je découvris la signification de cette locution : arrêté municipal. Je ne me rappelle plus si je savais ce que signifie municipal avant de lire le chapitre intitulé « un arrêté municipal », mais c’est à la lecture dudit chapitre que j’appris ce qu’est un arrêté : ainsi donc, le maire de Jenesaisplusoùtsk n’avait arrêté personne (à commencer par Michel Strogoff), pas plus qu’il n’avait été arrêté par quiconque ; en revanche, les pouvoirs d’un maire n’étaient pas négligeables, du moins dans la Russie telle que la dépeignait Jules Verne.
Mais laissons là ce brave Michel Strogoff. Tant pis, nous ne le suivrons pas jusqu’à Irkoutsk, où nous savons bien que, depuis cent cinquante ans environ, il finira perpétuellement par parvenir, après de multiples embûches, péripéties et tribulations. Nous porterons plutôt, pour un instant, nos regards sur la petite commune de Langouet, en Bretagne.
Le maire de cette commune a entrepris, voici quelque temps, d’user les pouvoirs non négligeables qui lui sont conférés, et ce à des fins des plus louables. Il a donc pris un arrêté municipal interdisant aux agriculteurs l’usage de pesticides à moins de cent cinquante mètres de toute habitation sur le territoire de sa commune. Les écologistes les plus radicaux trouveront quelque peu timide cette mesure : pourquoi ne pas franchement interdire l’usage de tout pesticide ? La question mériterait certes d’être posée, mais cette mesure était plutôt un bon début.
Las ! L’arrêté a été cassé par la préfecture d’Ille-et-Vilaine, décision confirmée par un tribunal administratif. Le motif de cette annulation était que ce maire avait outrepassé ses compétences, une telle interdiction relevant de celles du ministère de l’agriculture.
On a demandé à M. Macron, notre champion et héraut de l’écologie, ce qu’il en pensait. En substance, l’homme qui n’a pas peur de tancer un Bolsonaro a affirmé qu’il soutenait le maire de Langouet « dans ses intentions », tout en lui reprochant d’avoir pris « un arrêté qui n’est pas conforme à la loi » au lieu de « mobiliser pour changer la loi ». Observons l’usage intransitif du verbe mobiliser : mobiliser qui, comment ??? M. Macron appellerait-il ce maire à organiser des pétitions, voire des manifestations ? Quand on sait le sort fait par nos autorités à de telles entreprises, on est gagné par la perplexité. M. Macron aurait-il donc oublié qu’il est président de la république et qu’il lui suffirait à peu près de claquer du doigt an conseil des ministres pour faire proposer une loi conforme aux intentions du maire de Langouet, loi qui serait rapidement votée par une majorité parlementaire à sa botte ?
En attendant, quelques dizaines de maires ont suivi l’exemple de celui de Langouet. Peut-être est-ce le premier résultat de cette « mobilisation » que M. Macron dit souhaiter ? Certes, quelques dizaines de maires sur environ trente-six mille, c’est peu. Mais, là encore, c’est un début.
Il ne faut d’ailleurs pas désespérer : le gouvernement entend, dit-on, proposer l’interdiction d’épandre des pesticides à une distance inférieure à une limite sur laquelle il hésite encore : cinq ou dix mètres ? Comme on dit dans certaines entreprises modernes, modèles du nouveau monde macronien : on avance à petits pas ! Ou à un train de sénateur, c’est selon.
Et ces courageux maires rejoindront peut-être les cohortes de ceux qui ont le sentiment que ce gouvernement se moque d’eux sans aucune espèce de pudeur.

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