samedi 19 décembre 2015

Rase campagne

Les résultats des élections régionales nous ont montré de quelle façon les partis politiques dits de gouvernement ont tiré au second tour les enseignements du premier : ils nous ont fait le vieux coup du front républicain, sorte d’union sacrée contre le monstre infâme et assoiffé de sang que serait le Front dit National. Compte tenu de la « montée » de ce « péril », le fait qu’aucune région ne soit « tombée aux mains » dudit Front a pu être présenté comme un fait d’armes victorieux du camp de la Résistance. Les affaires courantes vont pouvoir reprendre leur cours, et les grandes voix de la politique ne diront pas un mot de la vie de ces nouvelles régions.
Charme
Les résultats spectaculaires du Front National au premier tour traduisent-ils une « montée » à laquelle tout « républicain » serait sommé de « résister » ? Si l’on croit le compte des voix (et celui des abstentions), guère. C’est plutôt d’une chute des partis dits de gouvernement qu’il faut parler[i]. Quant à ceux qui ont effectivement voté pour le Front National, lui trouvent-ils tous tant d’attrait que cela[ii] ? J’ai plutôt comme l’intuition que beaucoup se sont dit que cela ne pouvait pas être pire, quel que fût l’enjeu de l’élection, que ce dont ils soupent depuis trente ou quarante ans. Un critique gastronomique (!), Périco Légasse, a fort bien résumé ici les nombreux griefs que l’on peut opposer à ces gros partis politiques qui prétendent se charger des affaires de notre pays.
Guéguerre civile ?
L’article de M. Légasse vise notamment les outrances verbales de M. Valls entre les deux tours. Celui-ci avait déclaré en substance que si le Front National l’emportait dans certaines régions la France connaîtrait bientôt une guerre civile. De telles exagérations nous sont devenues familières de la part de M. Valls, au point d’être, comme d’habitude, plus ridicules qu’autre chose. A moins que la guerre civile soit ce dont, secrètement, de manière à-demi consciente, rêve notre premier ministre ? Il devient légitime de se demander si ce monsieur est à sa place à un tel poste[iii] : ou bien il ne sait plus se maîtriser – au point que l’on craint pour sa tension artérielle – ou bien il veut se donner par ses rodomontades les apparences d’un homme ferme et courageux, prêt à affronter toutes es tempêtes. Il semble s’être quelque peu laissé posséder par son personnage.
Pendant ce temps, le parti de la seule alternance crédible selon les termes de M. Sarkozy, c’est-à-dire le sien, se perd en de vaines querelles où les ambitions personnelles ont un rôle non négligeable.
Heureusement que tous ces gens nous ont expliqué sur tous les tons que le Front National n’est qu’un ramassis incohérent d’amateurs aux propos outranciers : ce n’est pas faux, mais que sont alors leurs partis ?
Le bassin parisien
Intéressons-nous maintenant, si vous voulez bien, à l’Île-de-France. Entre les deux tours, M. Bartolone, candidat de gauche, s’est fait remarquer pour une sortie absurde contre Mme Pécresse, candidate de droite. Cette dernière, à en croire le premier, se serait donné pour mission de « défendre la race blanche ». C’était, semble-t-il, en réponse à des propos de Mme Pécresse, qui avait déclaré redouter de voir l’Île-de-France ressembler en plus grand à la Seine-Saint-Denis de M. Bartolone. Ces derniers propos visaient plutôt la gestion désastreuse des finances de ce département que la couleur de peau de ses habitants. Apparemment, on se moranise[iv] aussi à gauche.
Des hypothèses ont été émises quant aux raisons d’une telle sortie de la part de M. Bartolone : désir de plaire aux gauchistes ralliés sous son panache rosâtre pour le second tour ?  rhétorique « terranoviste » privilégiant le multiculturalisme et le sociétal par rapport au social ? La seconde hypothèse me semble la plus fondée : après tout, pendant la campagne du premier tour, M. Bartolone avait « révélé » que se cachaient dans la liste de Mme Pécresse des candidats qui avaient participé aux Manifs pour tous, manifestations qu’il s’est empressé de qualifier d’obscènes. D’où l’on peut conclure que M. Bartolone n’en est pas à une imbécillité près. Et que pour lui toute opposition est à considérer, pis qu’une offense, comme une obscénité. Curieuse conception de la démocratie…
Mais n’en parlons plus : M. Bartolone a été battu. Il a été depuis reconduit à la présidence de l’Assemblée Nationale, sous les acclamations des députés « socialistes ». L’air de ce « perchoir », plus pur, lui sera, n’en doutons point, plus agréable que celui des profondeurs du Bassin parisien.
Un peu de franchise !
Quant aux déchirements des « Républicains » évoqués plus haut (ainsi, d’ailleurs que ceux des « Socialistes »), peut-être nous révèlent-ils le problème fondamental des gros partis politiques. Quelle ligne adopter ? se demandent-ils tous. La bonne réponse serait : aucune ; que chacun suive ses convictions quant à ce qui pourrait être bon pour le pays ; et se sépare d’avec ceux de ses petits camarades avec qui il ne peut tomber d’accord, pour aller voir ailleurs.
Ou alors que les tenanciers de ces gros partis nous les présentent pour ce qu’ils sont : des boutiques dont le but est d’amasser à chaque élection le plus de dividendes possible. Du reste, on comprendra mieux, dans ce cas, ce qui les horripile chez le Front National, autre boutique qui commence à leur prendre des parts de marché non négligeables.
Il me reste à présenter mes excuses pour l’emploi abondant de guillemets et d’italiques que je viens de faire. Mais les mots, dans la bouche des politiciens, ont-ils encore un sens ? Sont-ils autre chose que des éléments d’un « positionnement marketing » ?


[i] Voir à ce sujet une intéressante réflexion ici.
[ii] A part Mlle Marion Maréchal-Le Pen, qui est bien jolie, quel attrait, en effet ? Habitant Paris, je n’allais quand même pas voter pour M. Wallerand de Saint-Just, sous le charme de sa barbe à poux !
[iii] Et si M. Le Drian est à la sienne en tant que ministre de la défense et désormais président du conseil régional de Bretagne : cela lui donne je ne sais quel air de se moquer des Bretons ou des militaires (et à travers eux des Français en général), voire des deux, dans un pays que l’on nous dit en guerre.
[iv] Pour comprendre ce néologisme, voir ici.

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