En relisant ces jours-ci
une nouvelle de Flannery O'Connor[i], j’ai
été amusé par un détail : l’héroïne de cette nouvelle[ii], une
jeune femme docteur en philosophie qu’une lourde infirmité a aigrie, a pour
plus grand plaisir de déplaire à sa mère ; en faisant changer son prénom,
par exemple : appelée Joy par ses parents, elle deviendra Hulga ;
pourquoi Hulga ? Parce que c’est laid et que sa mère ne pourra le
supporter. Certes, l’effet est réussi, mais l’idée de cette demoiselle ne
trahit-elle pas un esprit un peu trop systématique et somme toute assez
vain ?
Travaux
à l’UMP
Fidèles à leur tradition
de patriotisme intransigeant, les cadres de l’UMP sont tout à leur
mission : sauver la France. Leurs dernières réflexions à ce sujet ont
amené leurs ardentes cervelles à une idée géniale : changer le nom de leur
parti ! La France entière attend le nouveau nom qui jaillira de la masse
de propositions, afin d’espérer enfin son salut. Nos amis les journalistes
croient savoir qu’on hésiterait entre le Rassemblement et les
Républicains. On murmure que ce dernier nom aurait les faveurs de M.
Sarkozy lui-même !
Ne soyons point trop
caustique : après tout, M. Dupont-Aignan, il y a quelques mois, a renommé
lui aussi son parti, plus modeste, certes, que l’UMP : Debout la
République est devenu Debout la France. Ce changement de nom n’est
pas si sot : notre pays n’est ni « la République », ni « la
Monarchie », ni même « la Démocratie aux élans sagement modérés par
un sénat conservateur », ou que sais-je encore. Il a un nom : France.
C’est pourtant simple, non ?
Pour ce qui est de l’UMP,
je propose (bien que n’y militant pas) : le WQYZR. Pourquoi le
WQYZR ? Premièrement, pourquoi pas ? Secondement, parce que cela ne
signifie rien non plus. Qui se souvient du reste de la signification de
l’acronyme UMP ?
Fascistes ?
Il y a quelques semaines,
sur le site de Valeurs actuelles, je tombai sur des titres étranges, où
il était question des « fascistes verts ». Compte tenu de
l’ambiance du moment, je pensai tout d’abord à une allusion à ce que M. Valls
avait nommé en janvier islamo-fascisme, mais la lecture des articles me
détrompa : Valeurs actuelles désignait ainsi les zadistes
installés sur l’emplacement prévu pour le barrage de Sivens.
Bien entendu, personne ou
presque n’emploie de nos jours le mot fasciste dans une acception
élogieuse. M. Valls, les rédacteurs de Valeurs actuelles, moi-même et
quelques autres n’avons évidemment aucune sympathie pour les assassins qui se
sont tristement illustrés en janvier à Paris. Et si les rédacteurs de Valeurs
actuelles détestent les zadistes de Sivens (détestation que pour ma
part je ne partage pas, quoique le genre punk à chien ne soit pas ma tasse de
thé), c’est bien leur droit, que cela soit pour de bonnes ou de mauvaises
raisons.
Mais en quoi accoler à
ses ennemis l’épithète fasciste permet-il d’en connaître ou d’en
comprendre quelque chose ? Le mot est usé au point que l’intention
insultante de son emploi paraît passablement éventée. Autant dire ou écrire porcs,
saligauds ou méchants. Cet usage hâtif et inutile me rappelle une
scène de je ne sais plus quel épisode de Don Camillo : Peppone, le
maire communiste, a été élu député ; profitant d’un débat à la chambre
pour piquer une bonne méridienne, le voilà réveillé par des clameurs :
« Fascistes, fascistes », crient ses camarades ; mû par
la discipline du Parti, il se lève, brandit le poing vers l’orateur et se joint
au chœur des insulteurs. Sans avoir aucune idée de ce dont il s’agit.
M.
Valls et le Front national
Un parti politique qui a
souvent été qualifié de fasciste en France, c’est le Front dit national[iii].
Vous souvenez-vous des slogans scandés il y a peut-être vingt ans par la belle
jeunesse de gauche ? Allons, un petit effort ; c’était : « F
comme fasciste, N comme nazi, à bas, à bas le Front national ! ».
Comme si beugler des slogans débiles pouvait avoir quelque effet sur
l’ascension d’un parti politique : il n’est besoin que de voir le succès
de ce parti par les temps qui courent pour se faire une idée.
Ce succès semble affoler
ce que l’on nomme par politesse les partis de gouvernement. Chacun de
ces partis dénonce l’autre pour l’expliquer, tombant dans de fades parodies du
fameux UMPS dénoncé par le FN : ce sera le FNUMP ou le FNPS.
Pas fameux. Quelques esprits doctes tentent de nous faire entrer dans le
cerveau que ce qui cause le succès du FN, c’est son habile exploitation de la
peur : des étrangers, de l’Europe, de l’insécurité… C’est bien possible, mais
que dire d’un premier ministre qui se lance dans de tonitruants discours pour dire
sa peur du FN ? Qu’il a peur de la peur ? C’est à ne plus rien y
entendre.
D’ailleurs, le volcanique
M. Valls, tandis que l’UMP songe à un changement de nom pour sauver la France,
s’emploie à faire campagne contre le FN, dont le possible succès aux prochaines
élections cantonales (pardon : départementales) semble être pour lui le
plus grand danger qui guette la France, l’Europe, le monde, au moins depuis
Attila.
Dans ce registre, le
spectacle fut total il y a quelques jours à l’Assemblée nationale : répondant
à une diatribe où Mlle Maréchal-le Pen avait étalé ses minces talents
d’oratrice[iv], M.
Valls se lança dans son habituel tonnerre d’invectives, livrant en guise de
péroraison ce qu’il crut sans doute être le coup de grâce : « Vous
trompez les petites gens ! ». L’hypothèse n’est pas
nécessairement à négliger, et l’on reconnaîtra qu’il n’est pas possible d’en
dire autant du Parti dit socialiste : il y a longtemps que les petites
gens ne se font plus aucune illusion à son sujet.
A quiconque voudra
contredire le FN, un petit conseil : opposez-lui des arguments et
des propositions. Le reste, c’est de la bouillie pour les chaînes
d’information continue.
Pendant ce temps, la
France (parmi d'autres pays) cherche une voie. Et un sens.
[i] Décidément !
[ii] Good Country People. J’ignore le titre de la traduction française.
Cette nouvelle se trouve dans le recueil intitulé A Good Man Is Hard to Find (en français : Les Braves gens ne courent pas les rues).
[iii] Ne me félicitez pas pour
cette pique. Je l’ai empruntée, quant au principe, à Léon Bloy qui, dans son
journal vers 1910, évoqua « l’Action
dite française ».
[iv] Elle est bien jolie,
certes, mais son discours était dit d’un ton guindé, trop lu. Elle devrait demander conseil à sa tante – bon, sans trop
chercher à imiter son grand-père : c’est amusant une fois, mais au bout
d’un moment on s’en lasse.
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