Nous manquons souvent de discernement. La vitesse à
laquelle nous voulons bien nous laisser gaver d’informations et notre paresse,
avouons-le, n’y sont pas pour rien. Un peu de rigueur ne nécessite pourtant pas
toujours un si grand effort. Voici quatre exemples pour essayer.
Maman ! Les intégristes débarquent !
Scandale dans un lycée privé sous contrat du XVIe
arrondissement de Paris : on y diffuserait de la propagande
intégriste ! L’Education Nationale va enquêter. On soupçonne de sombres
menées de l’Opus Dei[i].
A y regarder d’un peu plus près (oh, pas
beaucoup !), voici ce qu’on peut apprendre : dans cette école
catholique, lors de cours de catéchèse, des intervenants extérieurs, notamment
d’Alliance Vita ont été invités à faire à des élèves un exposé sur
l’avortement. On devinera que les propos tenus n’auront guère été favorables à
cette pratique, y compris en des termes francs, ce qui semble avoir scandalisé
quelques personnes.
Quelques remarques (sans me mêler du fonctionnement
de cette école, dont j’ignore tout), devraient permettre d’y voir un peu plus
clair :
Premièrement, ces propos, autant que j’en sache, ne
vont pas à l’encontre de ce que dit l’Eglise catholique à ce sujet : rien
donc d’intégriste là-dedans – même si le message de l’Eglise ne se réduit pas à
des questions morales comme celle dont il est question (d’ailleurs, Alliance
Vita[ii],
ce n’est pas l’Eglise catholique).
Deuxièmement, ces propos ont été tenus lors de cours
de catéchèse, soit en dehors des heures d’enseignement scolaire :
l’Education Nationale n’a rien à voir là-dedans.
Troisièmement, si de tels propos choquent des
parents d’élèves, pourquoi avoir inscrit leurs enfants dans une école
catholique (voir ma première remarque) ?
Cette affaire ressemblerait bien plutôt à un
contre-feu : on sait quelles accusations, fondées ou non, justes ou
exagérées, ont été récemment portées contre le gouvernement, soupçonné de
vouloir instaurer dans les écoles des cours reprenant des éléments de
« théorie du genre » et s’apparentant partant à de la propagande, et
ce pendant les heures de classe. En
gros, la reprise de cette affaire par l’Education Nationale en décidant de
mener une enquête pourrait fort bien lui permettre d’accuser autrui de ce dont
elle est elle-même soupçonnée, à savoir de vouloir endoctriner les élèves. Et
autrui, ici, n’est pas n’importe qui, mais un établissement censé représenter
des « tendances » opposées à celles du gouvernement. Il y a quand
même là-dedans un léger parfum de
totalitarisme[iii],
dans la mesure où les autorités publiques se mêlent de ce qui n’est pas de leur
ressort pour des raisons d’opinion.
Du reste, l’accusation d’intégrisme sert toujours à
gauche dès que des Chrétiens se comportent autrement que comme des objets de
musée. Fort bien, me direz-vous, mais à droite ? Eh bien, nous y
reviendrons.
A couteaux pliés
A propos d’appellations approximatives, voire
mensongères, fureur dans le Rouergue : les habitants de Laguiole ne
supportent plus qu’un affairiste se soit approprié le nom de leur bourgade pour
l’accoler à des articles de pacotille fabriqués à vil prix en Asie. C’est tout
juste s’ils peuvent encore appeler « Laguiole » leurs fameux couteaux[iv]
et leurs excellents fromages.
On pourra cependant faire ce reproche aux habitants
de Laguiole : comment ont-ils pu, il y a vingt ans, laisser quelqu’un
s’approprier sans vergogne le nom de leur village ? Mais, après tout,
j’ignore si on leur a alors demandé leur avis ou s’ils avaient réellement les
moyens de s’y opposer.
A la réflexion, il serait tentant de déposer un nom
souvent utilisé, histoire de toucher des droits. Grenelle, par exemple. Depuis les accords de Grenelle de 1968 (ainsi nommés parce qu’ils furent
signés dans les locaux d’un ministère sis rue de Grenelle), tout a son Grenelle : M. Sarkozy nous a
naguère servi le Grenelle de
l’environnement (plein de bonnes intentions, et puis… pschutt !), et cette année, la Manif pour tous a organisé le Grenelle
de la famille.
Mais ce n’est qu’une tentation. Il devrait être
possible d’y mettre bon ordre. Grâce à un Grenelle
du Grenelle ?
Nuances chez les évêques de France
Cette semaine, articles de Patrice de Plunkett (ici)
et de Koztoujours (là), excellents comme il se doit, sur de prétendues
divisions ou querelles au sein de la Conférence des Evêques de France, à propos
de sujets touchant à la famille et sur le point de vue à avoir quant à
certaines manifestations ou oppositions aux projets du gouvernement en la
matière. Encore une fois, un peu de rigueur (avec des informations) permet d’y
voir plus clair (et les susnommés articles nous y aident).
Premièrement, des nuances quant à l’attitude
ne sont pas nécessairement des divergences
de fond (en revanche, elles seraient
plutôt un signe de vie et de richesse).
Deuxièmement, l’opposition à ces projets ne fait pas
de l’Eglise un parti politique. Nos évêques, ayant dit clairement (dès août
2012) ce qu’ils pensaient du mariage dit pour tous, n’avaient aucune raison de
participer en tant que tels et en bloc à des manifestations, ni d’appeler les
catholiques à s’y jeter, pas plus que de le leur interdire.
Troisièmement, ceux qui leur reprochent cette saine
prudence sont dans la confusion, quand ils ne cherchent pas, de manière
intéressée, à créer et à nourrir cette confusion.
Si la Manif
pour tous n’est pas allé tirer la manche à nos évêques (et a été en l’occurrence
fort bien inspirée de ne pas le faire), il s’est trouvé un certain nombre de
ligueurs en chambre pour reprocher cette indépendance et à LMPT et aux évêques
(quant à ces derniers, ces chers vengeurs nous expliqueront que c’est tous des gauchiss’), sans compter ceux qui
rêvaient de voir ces manifestations tourner à la révolution… Il en est parmi
eux qui bloguent ; ils ne sont
pas parfois sans rappeler Jean-Pierre Léaud et Anne Wiazemski derrière leur
barricade faite d’exemplaires du Petit
livre rouge, au milieu d’un salon bourgeois, dans La Chinoise, de Jean-Luc Godard. Ils en seraient surpris, s’ils le
savaient.
En moins extrémiste, il y a aussi l’UMP. Avec le Figaro comme bulletin de propagande
(ici, par exemple), pour célébrer une jeunesse catho et rebelle qui n’écouterait plus ses évêques, trop-gentils-avec-les-vilains-socialistes
(hou, hou !). De l’art (assez grossier) de projeter les Chrétiens sur le
pauvre axe gauche-droite et ses mornes oscillations…
M. Cameron saisi par la grâce
Je parlais plus haut de la gauche, qui n’aime les
Chrétiens que dans les musées. A droite, il y a quand même des nuances :
le christianisme, ça orne les dimanches et ça incite les braves gens à se tenir
convenablement. On se souvient dans ce registre du discours de Latran de M. Sarkozy. Eh bien, au Royaume-Uni, c’est à
peu près la même chose : M. Cameron s’est récemment réjoui de vivre dans
un pays chrétien (et d’en être le premier ministre, certainement). Sans doute
parce que sans cela il se trouverait des Britanniques qui s’ennuieraient le
dimanche matin. Et que M. Cameron est soucieux du bien-être de ses
concitoyens : il ne veut pas qu’ils s’ennuient le dimanche matin. Sinon,
je ne vois pas trop pourquoi (mais je vous invite, décidément, à aller voir ici
ce qu’en dit – fort bien – Patrice de Plunkett).
[i] Nom
magique pour certains journalistes, qui voient se dessiner les contours d’un
genre de KGB à la sauce ultramontaine.
[ii] J’ai
eu la chance d’assister à quelques réunions de cette organisation. Les
personnes que j’ai rencontrées ne ressemblaient en rien à des
intégristes ; quant à leur propos sur l’avortement, ils ne visaient pas à
faire d’une femme qui a avorté un monstre voué aux feux de l’enfer, mais plutôt
une victime, souvent de la lâcheté d’autres personnes. Et il ne s’agit pas non
plus d’une bande de fous furieux qui vont rosser des médecins pratiquant des
avortements, comme cela se fait paraît-il en Amérique (et qui serait plutôt le
fait de sectes protestantoïdes).
[iii] J’insiste : ce
parfum est léger ; il relève
plus à mon humble avis d’une tournure d’esprit que d’une action systématique.
[iv] Nous
ne nous étendrons pas ici sur la généalogie de ce type de couteau (capuchadou rouergat, jambette
stéphanoise, navaja espagnole…), mais
remarquons qu’il est aussi fabriqué à
Thiers depuis fort longtemps (dans des modèles moins élégants ?). Je
soupçonne d’ailleurs celui que je possède d’être vulgairement thiernois.
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