En ce 21 janvier, comme chaque année, je m’efforcerai de livrer quelque réflexion, si possible intelligente, à la mémoire de Louis XVI, sans éviter un regard critique.
Prenons les États-Unis, nés
d’une erreur de ce roi assassiné un 21 janvier. Cette nation, si les folies
ultérieures de l’Europe n’avaient provoqué son intervention en nos contrées à
plusieurs reprises, serait-elle autre chose que l’objet d’un regard amusé et,
il faut le reconnaître, un brin condescendant de notre part ? En somme,
les États-Unis, s’ils n’étaient devenus si puissants, seraient encore pour nous
une curiosité plus ou moins pittoresque. Tandis que désormais le moindre
événement agitant ces plus ou moins sympathiques provinces fait frémir le
monde, et en particulier l’Europe.
Hier, par exemple, M.
Biden a été installé comme nouveau président des États-Unis. Toute la presse
européenne s’est répandue en reportages en direct sur son intronisation, comme
siu chaque pays d’Europe aspirait à être choisi comme le cinquante-et-unième
des États-Unis d’Amérique du Nord.
Ne boudons pas cependant
notre plaisir : nous ne regretterons pas, de ce côté-ci de l’Atlantique,
M. Trump et ses foucades. Les atlantistes se réjouiront d’avoir enfin un patron
plus poli auprès de qui prendre des ordres. Les autres, dont votre serviteur,
passeront ce pitre par pertes et profits, regrettant cependant l’occasion
manquée de prendre conscience de la nécessité de nous affranchir de l’encombrante
tutelle américaine. Donc, sic transit gloria mundi, et hop ! atlantistes
ou non, renvoyons M. Trump à ses parties de golf ou à d’autres plaisirs sans
conséquences pour nous.
Ce dernier a paru
éprouver quelques difficultés à admettre sa défaite électorale. Naturellement
fruste dans son expression, l’intéressé a manifesté sa déception à la manière d’un
petit garçon renversant tous les pions d’un jeu où il est en train de perdre. Que
voulez-vous, les Américains sont de grands enfants !
Ce dernier jugement, d’aucuns
se seront fait tancer par des esprits sérieux pour l’avoir émis à propos de
partisans de M. Trump venus à Washington prendre d’assaut le Capitole voici une
quinzaine de jours. À ceux qui n’ont vu dans cette lamentable mascarade qu’une
manifestation d’un folklore douteux, toutes sortes de références historiques
ont été opposées pour leur répondre qu’il s’agissait d’une affaire sérieuse. On
a parlé de fascisme.
Par chez nous, il s’est
trouvé quelques esprits narquois pour citer des extraits de L’Éducation
sentimentale où Flaubert se régale à dépeindre les émeutiers (ou les
insurgés, tout dépend du point de vue) de 1848 envahissant les Tuileries. Nous voilà
en bonne voie, et je ne résiste pas au plaisir (si l’on veut) de remonter
encore d’un bon demi-siècle, pour nous ramener en 1793. Voici ce qu’écrit
Jean-Christian Petitfils dans sa biographie de Louis XVI sur les délibérations
de la Convention relatives au sort à faire au roi :
« Ainsi chauffées
à blanc par la presse populaire, certaines sections parisiennes, impatientes de
clore le procès, rendaient des arrêts incendiaires, réclamaient une
distribution d’armes, envisageaient même de purger la Convention de ses tyrans,
c’est-à-dire des députés girondins (c’est ce qu’ils feront en mai 1793), et de
se porter aux prisons pour y renouveler la justice populaire de septembre 1792.
Au club des Jacobins, le conventionnel Louis Legendre, ancien boucher parisien,
demanda de découper le corps de l’ex-souverain en quatre-vingt-quatre quartiers
et de distribuer ceux-ci à chaque département, afin de servir d’engrais aux
arbres de la Liberté… Un des principaux chefs de la démagogie, Le Peletier de
Saint-Fargeau, représentant de l’Yonne, considérait que si le roi n’était pas
condamné à mort, le peuple avait le droit absolu à l’insurrection afin "d’ôter
sa confiance à ses mandataires". C’était toujours l’affrontement entre la
théorie de la démocratie insurrectionnelle et le concept de représentation
nationale ! »
Après tout, les émeutiers
de Washington, énergumènes frustes, violents, affublés d’oripeaux grotesques et
plus ou moins téléguidés par de tranquilles agitateurs, rappellent furieusement
« nos » sans-culottes. Oui, vous savez, ce « peuple »
soulevé contre la « tyrannie », tant célébré par les plus fermes
républicains – au sens français du terme – de chez nous.
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