mercredi 15 mai 2013

To the happy few

De Mme Fioraso, de Marcel Proust et de quelques autres
La semaine dernière, France-Culture diffusait un débat – que j’ai entendu d’une oreille distraite – sur la proposition de délivrer des cours en anglais dans nos universités. Etaient présents Mme Geneviève Fioraso, ministre de l’enseignement supérieur, un universitaire toulousain qui lui faisait la claque et dont j’ai oublié de nom, et M. Antoine Compagnon, professeur de littérature bien connu pour ses travaux sur Proust, écrivain (je recommande à qui ne l’a pas encore lu La classe de rhéto, récit paru cet hiver chez Gallimard) et opposant résolu à ce projet. Notons que M. Compagnon a fait une partie de ses études secondaires aux Etats-Unis, pays où il a aussi enseigné : ce n’est pas a priori un ennemi de la langue anglaise.
On sait ce qu’une telle proposition a de ridicule : vouloir attirer des étudiants étrangers avec des cours baragouinés dans un anglais pauvre et inintelligible, alors que l’on pourrait proposer dans bien des pays des cours de français, par le biais de je ne sais quel institut culturel… Passons.
Le professeur toulousain a prêché pour sa paroisse : si des étudiants viennent à Toulouse, c’est pour trouver un emploi chez Airbus, où la langue de travail est l’anglais ; donc CQFD, la messe est dite, fermez le ban. On formera de petits technocrates tout juste capables d’ânonner des procédures en pidgin d’entreprise : belle ambition pour l’université !
Quant à Mme Fioraso, rappelons qu’elle a pondu cette petite perle dès le mois de mars : « si nous n’autorisons pas les cours en anglais, nous n’attirerons pas les étudiants de pays émergents comme la Corée du Sud et l’Inde. Et nous nous retrouverons à cinq à discuter de Proust autour d’une table, même si j’aime Proust… »
Personnellement, cette perspective m’enchante. Je vais postuler sans tarder pour faire partie des cinq, en espérant bénéficier de l’érudition de M. Compagnon.
Nous aurons aussi remarqué que Mme Fioraso a pris soin de préciser qu’elle aime Proust. Sans doute histoire de se distinguer de M. Sarkozy et de sa fameuse sortie sur La princesse de Clèves : c’est que l’on reste humaniste, à gauche, même lorsqu’il s’agit de transformer l’université en centres de formation pour singes savants à peu près doués de parole.
Justice pour les Gaulois !
On pourrait signaler à tous ces gens que la langue anglaise, quand il ne s’agit pas d’en faire un outil de communication a minima, peut s’avérer fort difficile. Certains écrivains anglais, et non des moindres, l’ont affirmé : que l’on se reporte à un passage assez savoureux dans A Tourist in Africa d’Evelyn Waugh, où celui-ci raconte (au chapitre 5) une brève visite dans une école professionnelle de ce qui s’appelait alors le Tanganyika (nous sommes en 1958).
Peut-être la difficulté de l’anglais tient-elle à ce que cette langue est fondamentalement une bizarrerie : de l’allemand simplifié, parlé avec l’accent danois et fourré de mots français. Allez vous y retrouver !
Que dire dans ce cas de notre belle langue française ? Du latin abâtardi de francique, jusque dans la prononciation. Tout cela, au départ, à cause d’une regrettable invasion italienne au cours de laquelle des Gaulois furent massacrés et d’autres réduits en esclavage, tandis que notre belle langue gauloise était désormais vouée à l’extinction. Il est temps, comme savent le faire les autoproclamés représentants des Français noirs (je veux parler du CRAN : difficile d’avoir une conception plus raciste de la population que ces gens-là), de réclamer une réparation à l’Italie, une réparation qu’elle nous doit depuis si longtemps, à nous autres, Gaulois, orphelins de notre langue et de notre culture ! J’en appelle solennellement à Mme Taubira et à M. Fabius ! Cela dit, la consonance dangereusement latine de ce dernier nom me laisse dubitatif quant au succès de cette entreprise.
Un post-scriptum à mon Roger Nimier, vite et bien
Je n’ai pas encore lu Autrement et encore, sous-titré contre-journal, de Sébastien Lapaque, paru tout récemment chez Actes Sud. J’en ai cependant parcouru quelques passages, et je recommande aux inconditionnels de Nimier les pages 332 à 339, qui sont très belles. Cette fois, je m’y suis retrouvé. En toute humilité…

2 commentaires:

  1. Au post scriptum, j'ai envie d'ajouter que Sébastien Lapaque est un écrivain très attachant quand il parle des gens qui l'ont touché par leur travail. A cet égard, tous les amateurs de vin trouveront un immense plaisir dans la lecture de ce témoignage immarcescible : Chez Marcel Lapierre, paru chez Stock en 2004 (dans la collection... Écrivins, là on peut dire que l'éditeur était moins inspiré que l'auteur) et réédité en poche par La Table Ronde en 2010. Depuis lors, Marcel Lapierre est monté au paradis des producteurs de Morgon, mais le livre reste, et les héritiers continuent de produire un bien joli Gamay. Santé !

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    1. Oui, Lapaque évoque aussi la figure de Marcel Lapierre dans son "contre-journal". Il me reste encore à goûter...

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