Aurélien Bellanger aurait-il changé ? En termes statistiques, c’est le cas : après quatre romans dont le nombre de pages tournait autour de 484 pages (avec un écart-type de 8,9 pages et un coefficient de variation inférieur à 2%), la moyenne tombe avec Téléréalité, son cinquième roman, à 436 pages, l’écart-type passant à 107,8 pages et le coefficient de variation à 25% ! Il faut dire que Téléréalité ne compte que 244 pages, soit moitié moins que les quatre précédents romans de Bellanger.
La brièveté – relative –
de Téléréalité est reflétée en quatrième de couverture : « L’homme
qui voulait faire de la télévision un art », y lit-on seulement. Un défi aux
critiques littéraires paresseux !
Dans Téléréalité,
nous voyons prospérer Sébastien Bitereau, fils d’un plombier de la Drôme et
jeune comptable, prospérer dans le petit monde de la télévision dont il
deviendra un des maîtres, avant un drame personnel qui aura sur sa vie des
conséquences dans divers domaines, le domaine spirituel n’étant pas le moindre.
Curieusement, on croirait avoir affaire à une réduction de Théorie de l’information,
premier roman de Bellanger, transposée à la télévision. L’intérêt est d’y voir
un monde de plus en plus tourné vers lui-même, se célébrant par des émissions
exploitant des archives télévisées, avant de se tourner vers le néant des candidats
de téléréalité, personnes vides éprises d’elles-mêmes ou de l’idée qu’elles se
font d’elles-mêmes.
Comme dans les romans
précédents de Bellanger, en particulier Théorie de l’information et Le
Grand Paris, on croise ici et là dans Téléréalité quelques
personnages réels influençant Sébastien Bitereau ou influencés par lui, de même
que l’on explore les coulisses, l’envers du monde contemporain ou du moins d’une
partie de celui-ci dont la puissance n’est pas négligeable. Magie balzacienne ?
Les statistiques étalées
plus haut n’étaient pas qu’une pitrerie de la part de votre serviteur : cette
magie semble lasser Bellanger, ce qui explique peut-être la brièveté de Téléréalité.
Peut-être lassera-t-elle aussi le lecteur habitué de Bellanger par la sensation
de déjà vu qu’elle procure. L’impression est que Bellanger s’est contenté d’appliquer
une recette qu’il connaît et maîtrise bien, avec le talent qu’on lui connaît,
mais sans passion, comme par routine. Téléréalité peut en revanche être
recommandé à qui voudrait découvrir à peu de frais une partie de son art
romanesque – pas la meilleure, il est vrai, qui se trouve dans L’Aménagement
du territoire et Le Continent de la douceur.
(Sinon, Aurélien
Bellanger a donné à la revue Limite[i] un
court texte, « Vous n’aurez pas Mayenne », où il est question d’une
de ses expéditions cyclistes, autrement sportives que celles de votre serviteur. Un signe de renouveau, peut-être ?)
[i] Dans son numéro 21, de
janvier de cette année, ce qui ne nous rajeunit pas.