Faut-il encore joindre ma
voix au chœur – déjà d’ancienne fondation – des lamentations sur ce que le
monde moderne a fait de Noël ? Bien évidemment, les dégueulis de mièvrerie
et le tapage mercantile dont nous sommes envahis dès le début de l’Avent me
révoltent, comme tout chrétien normalement constitué. Entendre des
haut-parleurs éructer des Petit Papa Noël et des Jingle Bells ou
avoir vent de « calendriers de l’Avent » où chaque case renferme un
bon de réduction dans un hypermarché[i],
voilà qui naturellement me donne envie d’organiser des distributions de gifles.
Mais bon, j’ai mieux à faire.
Il arrive par ailleurs
que des industriels renoncent à inscrire Noël sur les étiquettes des
produits spéciaux dont ils entendent inonder le marché à cette saison. C’est,
paraît-il, dans certains pays, le cas d’une grosse brasserie belge. Certains s’en
sont offusqués, voyant dans cette décision un triomphe du laïcisme, voire une manœuvre
destinée à complaire aux musulmans (avec de la bière, enfin, bon…). D’autres,
chrétiens revendiqués eux aussi, s’en féliciteraient presque : c’est
toujours une annexion de moins (oh, parmi des milliers qui demeurent) de Noël
par la consommation[ii].
Je ne suis pas loin de partager leur avis[iii].
Le risque, après tout est
grave. A un tel point qu’il est des chrétiens, et même des prêtres pour
envisager de ne plus utiliser le nom de Noël, tant il a été sali et
abâtardi par les zélateurs de Mammon. C’est paraît-il le cas d’un prêtre
irlandais qui s’est récemment exprimé en ce sens. Si je comprends la lassitude
de ce prêtre, je ne peux l’approuver. Après tout, devant les marchands du
temple, Jésus n’a pas dit : « puisque c’est comme ça, je rentre à la
maison »…
Evidemment, pour un
chrétien, les autres noms ne sauraient manquer, à commencer par la Nativité de
Notre Seigneur Jésus-Christ, pour ne citer qu’un exemple assez explicite. Chez les
laïcards, la chose est plus difficile : ceux qui parmi eux ont de
(louables) idées « sociales » sont eux aussi écœurés par l’invasion de
tout par le marché ; mais ils craignent aussi l’eau bénite, les pauvres. Certains,
à Poitiers par exemple, ont décidé de fêter Léon à la fin de l’année. J’ignore
si des anticléricaux irlandais auront eu l’idée de célébrer Samtsirhc,
ce qui aurait pour nous, vu de loin, le charme d’une hypothétique sonorité
gaëlique.
En tout cas, je veux bien
aussi fêter Léon s’il s’agit de sortir dans la rue et de gifler les oreilles
des passants en lisant à haute voix les œuvres de Léon Bloy.
Dans ce cas, et dans ce
cas seulement, je crierai bien volontiers : joyeux Léon !
[i] En toute saison, le
mercanti n’a qu’une idée : traire la vache. Qu’elle soit grasse ou maigre.
[ii] Même si je ne refuserai
certainement pas que l’on me serve à Noël un verre de quelque bonne et
onctueuse bière brune issue de quelque
brasserie artisanale…
Comme tu es sévère, cher Sven... Le calendrier de l'avent avec une bière par jour, tu n'aimes pas?
RépondreSupprimerJe suis en effet très sévère, y compris en matière de bières ! Et ai-je besoin d'un calendrier de l'Avent pour en boire une par jour ?
SupprimerS.L.
Peut-être que l'équipe mercatique (ou marketing, en bon franglais) à l'origine de ce changement d'étiquette voulait prolonger la période de commercialisation du produit. Une bière de Noël ne durera péniblement que jusqu'à l'épiphanie, une « bière d'hiver » s'écoulera jusqu'au mois de mars. Si c'est le cas et que le volume des ventes s'en trouve accru, il ne fait guère de doute qu'elle sera commercialisée en France sous ce nom l'année prochaine...
RépondreSupprimerL'hypothèse me paraît pertinente. Songeons aux difficultés d'étiquetage que présenterait la solution consistant à écouler la même bière sous des noms différents et successifs !
SupprimerS.L.