Il serait peut-être
exagéré de prétendre que jamais autant qu’à notre époque la frontière entre les
causes de franche hilarité et celles de consternation n’a été aussi mince. Peut-être,
dis-je bien. Ainsi, on apprenait récemment que des élues dites écologistes du
conseil de Paris avaient proposé de modifier le nom des « journées du
patrimoine » pour en faire les « journées du matrimoine et du patrimoine ».
Comme toujours, la modernerie n’en finit pas de renouveler son stock d’occasions
de se tenir les côtes. En quelques jours, certains ont eu le loisir et le
talent de mettre en évidence la cocasserie de ce genre de bêtise[i].
Soit, rions un bon coup
(cela en vaut la peine), et puis haussons les épaules ? Presque. Ce genre
d’imbécillité pose des problèmes peut-être graves.
D’abord, celui de l’hystérie
féministe. Que des femmes soient plus souvent que des hommes victimes de
violences, d’injustices ou tout simplement de condescendance, cela semble un
fait. C’est déplorable, et il convient non seulement de s’en indigner, mais
aussi de corriger autant que possible ces tristes réalités. Mais comment le
faire lorsque quelques précieuses ridicules viennent encombrer les débats avec
leurs futilités ? Bon, l’hilarité est si générale en l’occurrence que l’affaire
a de fortes chances de rencontrer vite sa destinée de courant d’air.
Ensuite, celui de l’écologie
politique. Que cette proposition émane d’élues encartées au parti nommé Europe
Ecologie – les Verts donne une idée assez claire de l’imposture que
représente ce parti. L’impression est celle d’un ramassis de snobs progressistes
qui pensent avoir mieux à faire que de s’intéresser à de vraies questions
écologiques. Il y en a de nombreuses à poser à Paris ; ce sont des
questions sérieuses, parfois urgentes, qui méritent mieux que les opérations de
com’ souvent désastreuses de Mme Hidalgo.
Il semble d’ailleurs qu’un
peu partout on se sente pressé d’obéir à la mode plutôt qu’à sa mission
essentielle. Il appert, par exemple, dans un tout autre ordre que ce qui
précède, que l’Eglise suédoise (de confession luthérienne) proposerait dans son
nouveau missel des formulations évitant de mentionner Dieu avec des formes trop
masculines. Selon ce que j’ai compris, certaines tournures permettraient d’éviter
aux pasteurs que cela gênerait d’employer des mots comme Seigneur (Herre
en suédois) ou Père (Fader en suédois). Contrairement à ce que de
petits êtres caricaturaux (identitaires luthériens[ii],
progressistes qui considèrent hâtivement la Suède comme leur seconde patrie
sans y avoir jamais mis les pieds, journalistes) ont pu affirmer (pour s’en
offusquer, s’en émerveiller ou s’amuser du pittoresque de la chose), l’usage du
désolant pronom « neutre » hen (ou plutôt Hen, s’il s’agit
de Dieu) n’a pas été envisagé. Certains pasteurs suédois ont néanmoins exprimé
quelques inquiétudes : quid de la sainte Trinité, commune à tous les
chrétiens ? N’est-ce pas là une manière un peu légère de se séparer des
autres confessions chrétiennes ? L’Eglise suédoise a cependant précisé qu’une
bénédiction pourrait toujours être prononcée au nom du Père, du Fils et du
Saint-Esprit, mais qu’elle pouvait aussi l’être au nom du Dieu trine… Que de
complications et de vaines disputes en perspective !
On pourra me faire
plusieurs objections :
Premièrement, dans la vie
de toute Eglise, il est nécessaire de temps à autre de faire des réformes. D’ailleurs,
dans l’Eglise catholique, la traduction française du Notre Père[iii]
vient de subir une mise à jour, désormais en usage dans les pays francophones. Certes,
mais dans ce cas précis cette mise à jour a été jugée nécessaire pour lever une
ambiguïté dans le texte d’une prière essentielle. Il ne s’est point agi
de céder à un genre d’esprit du temps.
Deuxièmement, de quoi
est-ce que je me mêle, étant catholique ? Eh bien, je me fais du souci
pour mes frères luthériens suédois, voilà tout ; je n’ai pas envie de
répondre à la manière de Caïn : « suis-je le gardien de mon frère ? ».
En l’occurrence, je suis triste de voir une Eglise à laquelle je n’appartiens
pas paraître se soucier de choses futiles plutôt que du salut de l’âme de chacun,
tout en risquant de s’épuiser dans des disputes.
Troisièmement : soit
mais dans ce cas, pourquoi ne pas inviter les luthériens suédois à « redevenir »
catholiques ? Cela, il faut le demander aux catholiques suédois. Ils répondront
certainement que les portes de leurs églises sont ouvertes, mais que nul
catholique ne peut forcer quiconque à les franchir.
(Mais évidemment je
préfèrerais voir ces deux anecdotes demeurer ce qu’elles devraient être, à
savoir de bonnes blagues…)
[i] Comme David Desgouilles,
ici. Observons que remplacer la maire de Paris par la paire de Maris affolera
les complotistes, qui y verront une tentative à peine masquée de promouvoir l’ouverture
du mariage aux femmes polyandres.
[ii] Ils ont aussi les leurs.
[iii] Laquelle a donné lieu
aux enthovenesques élucubrations que l’on sait. Mais que M. Enthoven soit
pardonné, ayant fait amende honorable.
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