jeudi 8 septembre 2022

Jean-Jacques Sempé

 Les nécrologies parues dans la presse au sujet de Jean-Jacques Sempé, récemment disparu, n’ont-elles pas déjà tout dit ? Je n’y ajouterai donc pas grand ’chose : commenter à l’excès l’œuvre d’un dessinateur humoristique risque d’éventer tout ce qui nous fait rire ou sourire dans ses dessins ; et le snobisme que je pourrais manifester ferait de moi un personnage de Sempé. Faut-il chercher la saveur de certains de ses dessins – les plus littéraires ou les plus bavards, selon les points de vue – dans l’étonnement d’un autodidacte devant le verbiage des intellectuels et des snobs au milieu desquels il aurait été jeté ? Je me garderai de répondre à une telle question, sans compter que Sempé sut aussi faire des dessins se suffisant à eux-mêmes, sans légende, comme on l’imprimait autrefois dans les journaux.

Je me rappelle avoir cité il y a quelques années un long passage de L’Ascension sociale de M. Lambert, à propos de « numérologie » : quel plaisir dans l’énumération un peu désordonnée des millésimes, qu’il s’agisse de football, de politique ou de jazz, les références variant selon que les propos de table sont tenus chez Picard ou à la Bistrothèque ! Savourons donc ce :

« 56, c’était la grande époque de Duke Ellington. Parfaitement ! Quand vous aviez au centre Johnny Hodges, à droite Paul Gonzalves et à gauche Harry Carney, on…

-          Mais non ! Vous ne pouvez pas comparer le Duke de 42 avec le Duke de 56 !...

-          Avec à l’arrière Cootie Williams et Cat Anderson ? Ça ne chauffait pas ?...

-          Si, mais pas comme en 42 !

-          Ou 36. »

Observons qu’on revient toujours à 36 dans L’Ascension sociale de M. Lambert, qu’il s’agisse de football, de politique ou de jazz. En précisant qui est à droite, à gauche, à l’arrière…

(D’ailleurs, soit dit en passant, pour ce qui est de Duke Ellington, il faut revenir à 36, quand vous aviez, outre Johnny Hodges et Harry Carney, Barney Bigard et Rex Stewart… Mais je m’égare.)

Pour finir ce bancal hommage à Sempé, une anecdote : à une terrasse parisienne, il y a douze ou quinze ans, je déjeunai à une table voisine de la sienne. Alors qu’il s’était éclipsé à l’intérieur, son chien ne trouva rien de mieux à faire que d’entreprendre l’ascension de mes genoux. Pas de frayeur de ma part (ce qui est rare avec les chiens ; mais un Jack Russell aura toujours quelque chose d’attachant), et sa femme me présenta des excuses que j’acceptai bien volontiers…

Je me demande si cette anecdote et ma digression – vite interrompue pour vous ménager – sur Duke Ellington, signes de ma pédanterie et de mon snobisme, ne constituent pas des preuves, à défaut d’une démonstration, de ce que je risque fort d’être un personnage de Sempé. Et vous, lequel êtes-vous ?

 

Dernière minute : on annonce le décès de la reine d’Angleterre. Décidément, rien n’est éternel en ce bas monde.