La désignation du lauréat
du prix Nobel de littérature est toujours l’occasion d’exprimer d’éternels
regrets. Pensez donc, ce n’est jamais l’écrivain que l’on espérait qui est
récompensé. L’Académie suédoise, encore convalescente, devrait par exemple s’aviser
de ce que Thomas Pynchon commence à se faire vieux. Cette année, comme on sait,
le prix échoit à Peter Handke. Voilà du nanan pour les amateurs de polémiques
pas chères, puisqu’il en est pour reprocher à Handke ses prises de position « pro-serbes »
d’il y a vingt ans. On a même pu entendre, dans une récente émission de France-Culture,
un critique littéraire qualifier Handke de « soutien d’un régime
génocidaire ». Rien que ça.
Ne nous indignons pas
trop cependant : dans la même émission, le même ou un autre a évoqué les
choix de l’Académie Nobel. Bon, si des critiques littéraires
professionnels sont capables de telles approximations, il ne faut s’étonner de
rien.
Et peut-être faut-il même
prendre le contrepied de toutes ces critiques. Toujours dans la même émission,
des gens qui ne sont à notre connaissance pas capables d’aligner dix pages d’écriture
ont parlé d’un ton tellement condescendant du dernier opus de Sylvain Tesson
que l’on ne peut honnêtement qu’avoir hâte de l’ouvrir et de le lire. L’opus en
question, La Panthère des neiges, ayant obtenu le prix Renaudot cette
année, les mêmes se sont inquiétés d’une possible droitisation dudit
prix. Pour étayer leurs propos, ils ont enchaîné sur quelques ricanements au
sujet de (Très) cher cinéma français, d’Éric Neuhoff, prix Renaudot de l’essai
pour cette année. Voilà des ricanements qui donnent envie d’aller y voir.
(Puisqu’il est question
de prix littéraires et de parutions récentes, signalons Encre sympathique,
de Patrick Modiano – prix Nobel en 2014. Bien entendu, Modiano a encore-écrit-toujours-le-même-roman
mais, même en tenant pour vrai ce postulat, il faut reconnaître que le
millésime 2019 est une réussite.)
On apprenait il y a
quelques jours le décès de Lucette Destouches à l’âge de 107 ans. À un tel âge,
on eût fini par croire immortelle la veuve de Céline. Elle s’était toujours
opposée à la réédition des pamphlets antisémites de son mari, au grand dam de
quelques-uns des admirateurs et des ennemis de celui-ci. C’était probablement
de sa part une sage tentative de mettre un terme à l’interminable rengaine
entonnée dès qu’il est question de Céline (quel-génie-mais-quel-salaud-mais-quel-génie-mais…).
La persistance de cette rengaine tend à prouver que cette tentative fut un
échec. Il n’est pas inimaginable, désormais, de l’entendre s’amplifier. Quelques
critiques et amateurs de littérature auront ainsi le sentiment d’avoir inventé
le mouvement perpétuel. Ils ne seront ni les premiers, ni les derniers…