Ce sera plus ou moins drôle cette semaine…
Sans les mains !
Commençons par une petite chose insignifiante,
voulez-vous bien. Nous avons besoin d’air. Or voici que j’ai entendu parler,
par divers échos, de l’apparition d’un kit
mains libres pour manger son hamburger. J’ai oublié quelle chaîne d’embolisation
rapide a inventé cela. Mais j’imagine la lycéenne moderne, la gueule plongée
dans sa mangeoire, les mains libres pour envoyer des essemmesses
essentiels à ses copines : j mang
mon burger 100 les m1 tro lol. Comme quoi la lycéenne moderne est tombée
bien plus bas que celle de Gombrowicz (lisez ou relisez Ferdydurke !).
Drôle de nom que celui de hamburger, quand on y pense. La chose n’a paraît-il qu’un vague
rapport avec le hamburger Stück, qui
était, dit-on, un morceau de porc rôti servi autrefois en Allemagne. Cette
dégénérescence n’est pas d’hier, si j’en crois un passage d’un roman de John
Fante où le jeune narrateur, à l’idée de n’avoir les moyens que de se payer une
de ces galettes faite avec ce que les bouchers nomment minerai, songe avec nostalgie aux pauvres ragoûts de sa mère (la
paresse m’empêche de retrouver le titre et le passage ; mais nous sommes
dans les années 1930 à Los Angeles ; et vous n'avez qu'à lire tous les romans de John Fante pour retrouver ce passage, vous ne le regretterez pas). L’invasion du monde par une pareille
saleté laisse perplexe.
Pour revenir à notre kit mains libres, celui-ci me fait penser aux sacs d’avoine que l’on
nouait jadis à l’encolure des chevaux de trait. Ils pouvaient ainsi se nourrir
tout en poursuivant leur besogne. Autrefois on a pu dire que l’homme était un
loup pour l’homme. Désormais nous savons que l’homme peut être une bête de
somme pour l’homme.
Pourquoi pas, après tout, dans une époque bête à
manger du son…
Une apparition de Brigitte
Non, il ne s’agit pas d’une vision mystique de
Sainte Brigitte de Suède. Madame Brigitte Bardot, l’amie des animaux, semble ne
pas apprécier l’usage que fait madame Frigide Barjot d’un pseudonyme qui
rappelle trop son nom. On ignore si c’est à cause des blagues pas toujours
fines auxquelles s’est livrée Frigide Barjot ou à cause d’un mouvement qui a fait
récemment parler de lui et à la notoriété duquel elle a fortement contribué.
Brigitte Bardot parlerait même d’usurpation d’identité, paraît-il.
Il y aurait au moins trois choses à répondre à
Brigitte Bardot :
Premièrement, à parler d’usurpation d’identité, que
devraient lui dire Sainte Brigitte d’Irlande ou Sainte Brigitte de Suède !
Deuxièmement, à tout prendre, je préfère qu’une
femme (ou un homme), quelles qu’aient été ses frasques passées, s’engage au nom
d’une conception de l’humain plutôt que pour les jeunesses pinnipèdes (contre
lesquelles je tiens à préciser que je n’ai aucun grief personnel, du reste).
Troisièmement, à propos de passé, je relève cette
réplique du Mépris, pas le meilleur
film de Godard (malgré une photographie magnifique – Raoul Coutard, quand même –
et une musique idem de Georges
Delerue) : « Et mes fesses, tu les aimes, mes fesses ? »
Mourir pour rien
Ici, et j’en suis navré, il m’est impossible de
plaisanter. Ces derniers jours sont morts deux jeunes hommes, tués à coups de
poings. Je dis bien deux.
La presse n’a pas, en effet, beaucoup parlé d’un
étudiant des Arts et Métiers qui, lors d’une fête, a été tué par un ivrogne de
passage pour des motifs futiles. Il avait vingt-deux ans. Comme aucun
journaliste n’avait de glose éventée à en faire et comme aucun politicien n’avait
à se faire mousser à ce sujet, ses parents et ses amis ne seront pas trop
dérangés pour le pleurer et honorer sa mémoire. Paix à son âme.
Tout le monde a en revanche entendu parler du garçon
de dix-huit ans qui a été tué, mercredi, rue de Caumartin, par une bande de
skinheads. Il nous a été dit que c’était un brillant élève de Sciences-Po,
militant antifasciste, tué à cause de ses idées. Des journalistes se sont sérieusement demandé s’il ne s’était pas
installé un climat malsain ces dernier mois ; une libération de la parole d’extrême droite, raciste, homophobe, comme
ils disent, liée bien entendu à l’opposition au mariage homosexuel.
Ecartons un instant cette bouillie intellectuelle et
tâchons d’entrevoir la réalité. Elle me semble plus sordide et plus futile. Par
« militant antifasciste », il faut entendre : fréquentant des
bandes d’antifas (pour
antifascistes), qui sont à peu près à Karl Marx (ou qui vous voudrez) ce que
des fafs (pour France au Français)
sont à Joseph de Maistre (ou qui vous voudrez). On a affaire dans les deux cas
à des garçons et des filles aimant la mauvaise bière et la castagne. Leurs différences
sont minces. Elles résident dans la couleur de leurs vêtements et de leurs
chaussures (qu’ils se procurent chez les mêmes fournisseurs) ou dans quelques
nuances quant à leurs coupes de cheveux. Les uns crient no pasaran
quand les autres miment des saluts hitlériens, ce qui a autant de sens que si
je décidais d’aller courir sus aux Bourguignons en vertu de mes sympathies pour
le parti Armagnac. On est donc en pleine gorillerie, pour reprendre un mot d’Albert
Cohen (dans un autre contexte, certes) sur qui veut étaler sa virilité. Sous des
oripeaux vaguement politiques, on ne vole pas plus haut qu’une bagarre entre mods et rockers sur la plage de Brighton dans les années 60.
Le résultat est qu’un étudiant a trouvé en plein
Paris, en plein jour, une mort violente. Non pas « à cause de ses idées »
mais à cause de la comédie sinistre où il s’était laissé entraîner. Cela est bien
triste et ne peut appeler que la compassion.
On pourra lire aussi à ce sujet un excellent article
de Jacques de Guillebon paru hier sur le site de Causeur.
Réapparition de Frigide
Pour finir sur ce lamentable événement, décernons
quand même la palme de l’indécence à Pierre Bergé. Oui, le mécène socialiste
qui « pense » que les bras des ouvriers et les ventres des femmes
sont des biens à louer a encore twitté. Sans doute en broutant son caviar avec
un kit mains libres. Cette fois, il a
proclamé à qui voulait le croire que le jeune homme évoqué plus haut était
mort à cause de Frigide Barjot. Laquelle a annoncé qu’elle allait lui coller un
procès en diffamation – la moindre des choses.
Quelqu’un pourrait-il dire à Pierre Bergé que ses
éructations séniles n’amusent personne ?
Espérances
C’est promis, la semaine prochaine, j’essaierai de
vous parler de choses que j’aime. Au travail.
Merci pour ce papier et pour le clin d'oeil à notre Frigide euh... Brigitte nationnale !
RépondreSupprimerJ.
Merci, cher anonyme !Reconnaissons que B.B. était une très belle femme, il y a cinquante ans...
SupprimerEn ce qui concerne les bagarres de jeunes voyous écervelés, hélas fatales parfois, nous aurons droit à la seconde couche d'enrobage idéologique au moment du procès, où les mêmes journalistes découvriront (à nouveau) le sujet de la veille, faute d'y avoir travaillé entretemps, et le traiteront (à nouveau) en candides moutonniers. Nous allons rire et pleurer : le journalisme est une comédie italienne.
RépondreSupprimerTrès juste. J'aime cette comparaison avec la comédie italienne ou approchante... Des "Bazile" à la manière de Beaumarchais (air de la calomnie ; ne pas confondre avec Basile de Koch, que j'aime bien). S'il s'agit de cinéma, il est une théorie selon laquelle un bon film comique italien ne saurait se passer d'une scène d'enterrement - ce qui n'a rien de consolant pour le personnage du mort !
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