Il nous a été annoncé
qu’aujourd’hui un astéroïde mesurant environ 400 mètres de long allait
« frôler » la Terre. Les calculs des astrophysiciens nous apprennent
qu’en fait ce frôlement aura eu lieu à une distance quelque peu supérieure à celle
qui nous sépare de la Lune. Si vous lisez ces mots, c’est que lesdits calculs
auront été justes, ou que l’erreur n’aura pas joué en votre défaveur, ni en la
mienne.
La presse anglo-saxonne
n’aura pas manqué, compte tenu de la date, de faire un rapprochement avec le
goût qu’auraient les gens pour la terreur et les choses macabres le 31 octobre.
Ce goût – entretenu par l’industrie du divertissement, dans laquelle il faut
bien inclure la grosse presse – a débordé les limites du monde anglo-saxon
depuis une quinzaine d’années, avec plus ou moins de succès. Dès la dernière
semaine d’octobre, l’injonction de ressembler à un cadavre pour Halloween
est martelée un peu partout.
Quelle peut être la
raison de ce relatif succès, qui a fait adopter à une partie de l’occident la
parodie de ce qui nous est vendu comme une vieille tradition irlandaise (d'ailleurs, n'étant pas Irlandais, qu'ai-je à faire d'une tradition irlandaise ?) ?
L’américanisation du monde, comme on dit, est une explication un peu courte. Il
y a bien sûr aussi le commerce, la publicité, une manifeste intention de
décérébrer et déraciner chacun… Mais cela est l’entreprise menée, non la raison
de son succès. Peut-être faut-il y voir le désir d’éprouver de vagues
sensations dans un monde blasé, fatigué, vautré dans le confort de son vide
(esthétique, affectif ou spirituel, par exemple)[i].
Ces vagues sensations ne
suffisent plus. Les sens sont las, ils s’émoussent. La sauce tomate, les
dentiers de vampires, les citrouilles et les chapeaux de sorcières perdent de
leur effet. Et pourquoi pas un peu de terreur réelle ? Avec un bon
gros astéroïde, par exemple.
Il semble d’ailleurs que,
contrairement aux peurs souvent prêtées à nos ancêtres médiévaux[ii], les
âmes contemporaines, fatiguées, souhaitent de telles catastrophes, absolument
tragiques. En somme, une bonne grosse fin du monde, et on n’en parlera plus.
L’idéal pour les paresseux et les désespérés : à quoi bon se soucier des
autres, de la paix de l’environnement ou que sais-je encore ? Un bon gros
caillou[iii] sur
le coin de la figure, et hop ! Rideau, adieu soucis…
Bien entendu, je ne
saurais partager des pensées aussi grisâtres. Signalons à ces riants
aquoibonistes que le désespoir n’écarte pas les épreuves. L’espérance non plus,
certes, mais elle me semble une condition nécessaire pour les surmonter. Quant
à la fin du monde, elle se produit tous les jours, pour les mourants : ils
ne verront plus ce monde ; pour eux, c’est même une apocalypse,
c’est-à-dire une révélation. Lundi, nous aurons une pensée – ou une prière, si
nous prions – pour ceux d’entre eux que nous avons connus et aimés.
Mais avant vient la
Toussaint, qui est une fête joyeuse. Rien de macabre là-dedans. Portez donc des
couleurs vives !
[i] Un tel vide peut aboutir à
ce genre d’amusement.
[ii] Sans doute tout
simplement, en fait, la peur de mourir subitement, sans avoir eu le temps de
mettre de l’ordre dans ses affaires, c’est-à-dire de se confesser.
[iii] Expression qui n’entend
pas prolonger la promenade sur le Champ-de-Mars racontée ici il y a une
semaine.
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