samedi 10 octobre 2015

Ils n’iront pas chez Ruquier !

Une inondation dure depuis quinze jours dans la presse : l’Affaire ! Quelle affaire ? L’affaire Morano, voyons ! Outre les vertueuses sanctions dont Mme Morano a fait l’objet dans son parti, nous avons entendu un cri du cœur de la part des pontes dudit parti : ils n’iront pas chez Ruquier ! On ne les y prendra pas ! C’est au moins, en gros, ce qu’ont déclaré avec une sincérité dont il serait malséant de douter, MM. Sarkozy et Fillon.
(D’ailleurs, plus personne n’ira chez Ruquier. Même chez Koztoujours, on peut lire : « Je n’irai pas chez Ruquier ». Fort bien. Moi non plus, d’ailleurs, mais après tout cela m’est facile, n’ayant aucune raison d’y être convié : je n’ai donc aucun mérite.)
Que mes lecteurs étrangers se rassurent : chez Ruquier, ce n’est pas un mauvais restaurant, encore moins un tripot ou un claque clandestin, même de luxe. Non, aller chez Ruquier signifie se rendre dans une émission de télévision du samedi soir qui a pour nom « On n’est pas couché » pour y débiter des propos à l’emporte-pièce en vue de faire le buzz.
C’est en effet chez Ruquier qu’a commencé l’affaire Morano, qui tient en haleine, à en croire nos journaux, au moins la moitié du genre humain. C’est là que Mme Morano a commis un acte impardonnable, inimaginable même : elle y a dit que la France est « un pays de race blanche »…
 
[i]
Voyons ces choses froidement, si vous voulez bien.
S’il s’agit pour Mme Morano de dire – en citant ou en paraphrasant des propos privés, paraît-il, du général de Gaulle – que la population de la France métropolitaine est majoritairement composée depuis que la France existe de personnes à la peau dite blanche (ce que l’on n’ose plus qualifier « de race blanche »), eh bien, il n’y a pas, me semble-t-il, de quoi fouetter un chat. J’oserai même avancer que cela me semble vrai.
Mais il faut aussi se demander quel intérêt peut présenter en soi l’affirmation ainsi proférée par Mme Morano. Osons avancer en toute humilité l’esquisse d’une réponse : aucun.
En résumé, on nous a servi deux semaines de scandale autour de rien. Je me rappelle combien il était devenu courant d’entendre exiger, au crépuscule de la Mitterrandie, une moralisation de la vie politique. C’était urgent, à ce qui se disait alors. Soit, mais force est de constater que c’est plutôt manqué. C’est plutôt à une moranisation de la vie politique que nous assistons.
Du reste, ne pas aller chez Ruquier, c’est fort bien, mais cela n’a jamais empêché MM. Sarkozy et Fillon de se montrer avec complaisance dans Paris-Match, par exemple, l’un à la plage avec madame en bikini[ii], l’autre en famille dans sa jolie demeure. Et cela ne les en empêchera certainement pas à l’avenir. C’est donc un engagement facile à tenir.
Pendant ce temps, les guerres, les désordres, le chômage, les menaces terroristes, les soucis écologiques… Eh bien, il nous faut en être conscients : cela peut attendre ; ce n’est rien comparé à l’affaire Morano. Il paraît même que notre sage président de la république envisage (à nouveau) de supprimer le mot race de la constitution de notre pays. Ce qui devrait nous rassurer : nos politiques ont le sens des priorités.

[i] Cet espace vous est ménagé, chers lecteurs, pour que vous puissiez faire une pause. Vous pourrez, pendant cette pause, prendre le temps de vous voiler un instant la face pour manifester votre vive indignation.
[ii] Carla et lui, c’est du sérieux. Ce qui, en son temps, intéressa au plus haut point le peuple français et les nations étrangères.

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