Une inondation dure
depuis quinze jours dans la presse : l’Affaire ! Quelle
affaire ? L’affaire Morano, voyons ! Outre les vertueuses sanctions
dont Mme Morano a fait l’objet dans son parti, nous avons entendu un cri du
cœur de la part des pontes dudit parti : ils n’iront pas chez
Ruquier ! On ne les y prendra pas ! C’est au moins, en gros, ce
qu’ont déclaré avec une sincérité dont il serait malséant de douter, MM.
Sarkozy et Fillon.
(D’ailleurs, plus
personne n’ira chez Ruquier. Même chez Koztoujours, on peut lire :
« Je n’irai pas chez Ruquier ». Fort bien. Moi non plus, d’ailleurs,
mais après tout cela m’est facile, n’ayant aucune raison d’y être convié :
je n’ai donc aucun mérite.)
Que mes lecteurs
étrangers se rassurent : chez Ruquier, ce n’est pas un mauvais
restaurant, encore moins un tripot ou un claque clandestin, même de luxe. Non, aller
chez Ruquier signifie se rendre dans une émission de télévision du samedi
soir qui a pour nom « On n’est pas couché » pour y débiter des propos
à l’emporte-pièce en vue de faire le buzz.
C’est en effet chez
Ruquier qu’a commencé l’affaire Morano, qui tient en haleine, à en
croire nos journaux, au moins la moitié du genre humain. C’est là que Mme
Morano a commis un acte impardonnable, inimaginable même : elle y a dit
que la France est « un pays de race blanche »…
[i]
Voyons ces choses
froidement, si vous voulez bien.
S’il s’agit pour Mme
Morano de dire – en citant ou en paraphrasant des propos privés, paraît-il, du
général de Gaulle – que la population de la France métropolitaine est
majoritairement composée depuis que la France existe de personnes à la peau
dite blanche (ce que l’on n’ose plus qualifier « de race blanche »),
eh bien, il n’y a pas, me semble-t-il, de quoi fouetter un chat. J’oserai même
avancer que cela me semble vrai.
Mais il faut aussi se
demander quel intérêt peut présenter en soi l’affirmation ainsi proférée par
Mme Morano. Osons avancer en toute humilité l’esquisse d’une réponse :
aucun.
En résumé, on nous a
servi deux semaines de scandale autour de rien. Je me rappelle combien il était
devenu courant d’entendre exiger, au crépuscule de la Mitterrandie, une moralisation
de la vie politique. C’était urgent, à ce qui se disait alors. Soit, mais
force est de constater que c’est plutôt manqué. C’est plutôt à une moranisation
de la vie politique que nous assistons.
Du reste, ne pas aller
chez Ruquier, c’est fort bien, mais cela n’a jamais empêché MM. Sarkozy et
Fillon de se montrer avec complaisance dans Paris-Match, par exemple,
l’un à la plage avec madame en bikini[ii],
l’autre en famille dans sa jolie demeure. Et cela ne les en empêchera
certainement pas à l’avenir. C’est donc un engagement facile à tenir.
Pendant ce temps, les
guerres, les désordres, le chômage, les menaces terroristes, les soucis
écologiques… Eh bien, il nous faut en être conscients : cela peut attendre ;
ce n’est rien comparé à l’affaire Morano. Il paraît même que notre sage
président de la république envisage (à nouveau) de supprimer le mot race
de la constitution de notre pays. Ce qui devrait nous rassurer : nos politiques
ont le sens des priorités.
[i] Cet espace vous est
ménagé, chers lecteurs, pour que vous puissiez faire une pause. Vous pourrez,
pendant cette pause, prendre le temps de vous voiler un instant la face pour
manifester votre vive indignation.
[ii] Carla et lui, c’est du
sérieux. Ce qui, en son temps, intéressa au plus haut point le peuple français
et les nations étrangères.
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