Est-il besoin de
présenter M. Michel Onfray, philosophe prêchant avec un certain charme son
hédonisme libertaire et athée ? L’homme a ses entrées à la radio et à la
télévision ; il anime à Caen une « université populaire » dont
les conférences, brillantes, drôles et vives quoiqu’un rien péremptoires, sur
l’histoire de la philosophie sont diffusées chaque été sur France-Culture. Il
publie aussi des livres.
Les idées ou les
croyances de M. Onfray ne seront point débattues ici. Que M. Onfray soit un
athée, sinon militant, du moins proclamé[i], nous
le déplorons pour lui et pour ceux qui sont sensibles à ses prêches, mais c’est
son droit. Encore faudrait-il que l’intéressé usât d’arguments autres que ceux
relevés par certains dans son dernier ouvrage, Décadence, s’il voulait
que son antichristianisme fût pris au sérieux ; s’il voulait aussi que
l’on considérât cet aspect de sa pensée comme autre chose qu’une rage d’une
stupidité quasi-pathologique chez un homme qui sait par ailleurs donner, non
sans aisance, des preuves d’intelligence.
Certains de ses arguments
ont donc été relevés at analysés pour être mieux – et facilement – réfutés par
M. Jean-Marie Salamito dans un bref ouvrage, Monsieur Onfray au pays des
mythes, paru cette année[ii].
Que reproche M. Salamito
à M. Onfray ? D’avoir une connaissance bien superficielle du
christianisme, en particulier de celui des origines, et d’en réinventer
l’histoire et la pensée à sa convenance. Et les résultats sont parfois
croquignolets. Ainsi, pour M. Onfray, Jésus n’aurait pas existé et le
christianisme serait une invention de Saint Paul, lequel aurait d’ailleurs
détourné le message de ce Jésus imaginaire… M. Onfray, après tout, aurait tort
de se gêner en étant à une incohérence près, faisant remonter, selon le vieux
mythe éculé, l’antisémitisme qui fit les ravages que l’on sait au XXe siècle au
même Paul, lui-même juif… Nous en passons, et de plus épicés, qui sont
décortiqués dans Monsieur Onfray au pays des mythes.
Les exemples relevés et
démontés par M. Salamito auraient pu – ou dû – être pris avec un éclat de rire
et un haussement d’épaules. Or, s’il a fallu que le professeur d’histoire du
christianisme antique à la Sorbonne qu’est M. Salamito ait pris sur son temps
pour se fendre de sa fort recommandable réfutation, c’est qu’il est à redouter
que, compte tenu du prestige dont jouit M. Onfray, le genre d’énormités dont il
parsème ses propos aient rencontré quelque écho parmi des gens a priori fort
sensés. Ce qui serait dommage. M. Salamito, comme il l’affirme dans le prologue
de Monsieur Onfray au pays des mythes, n’a pas entendu écrire « un
pamphlet mais plutôt, selon l’expression de Montaigne au seuil de ses Essais,
"un livre de bonne foy". Une mise au point, un effort pour rétablir,
sans acrimonie, quelques vérités historiques », ajoutant qu’il ne fait
en somme que son métier.
Après avoir réfuté donc,
de manière souvent drôle et toujours érudite, les affirmations de M. Onfray, M.
Salamito s’adresse directement à lui, dans un « envoi » qui clôt
(presque[iii]) le
livre. En termes bienveillants, il résume les reproches qu’il a à lui
faire :
« Au fond, vous
qui vous réclamez de la raison, vous avez joué contre cette raison qui
constitue notre bien commun, quelles que soient nos convictions personnelles.
Au nom de la connaissance, vous avez accumulé les ignorances. Au nom de la
critique, vous avez gonflé des baudruches et diffusé des mythes… »
Cet envoi, de l’aveu de
son auteur, « tient un peu de la bouteille à la mer » :
M. Onfray y répondra-t-il ? L’incertitude résiderait, selon M. Salamito,
dans la différence qu’il y a entre la notoriété de M. Onfray et la sienne
propre. Il reste une autre hypothèse, moins optimiste : rien ne nous
prouve l’existence de monsieur Onfray. Qui sait s’il ne s’agit pas d’un
personnage mythique inspiré d’un certain pharmacien au voltairisme crasse, issu
de l’œuvre de Gustave Flaubert ? Philippe Muray, qui était probablement
moins charitable que M. Salamito, n’a-t-il pas un jour parlé quelque part de
« Michel Homais » ? L’incertitude demeure donc.
[i] Il est, entre autres
titres, l’auteur d’un Traité d’athéologie.
[ii] Aux éditions Salvator,
avec pour sous-titre : « Réponses sur Jésus et le
christianisme ».
[iii] Une bibliographie
(« Pour aller plus loin ») suit le propos.
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