Illiers-Combray
En mai 1994, je fis avec des
amis un voyage à Illiers-Combray, non loin de Chartres. Le nom de ce bourg est
évidemment lié au souvenir de Marcel Proust. Illiers servit comme on le sait de
modèle au Combray de la Recherche, au point que sa municipalité obtint
un jour d’accoler au premier nom – bien réel – le second, parfaitement fictif.
A Illiers-Combray, donc,
on visite la maison où le jeune Proust passa tant de vacances. Cette maison
mêle habilement l’aménagement et la décoration d’une villégiature rurale et
cossue du XIXe siècle à des signes de piste plus ou moins subtils destinés aux
proustiens fétichistes, artistes ou philosophes. Dans le jardin, il ne manque
pas une aubépine. Et la pâtisserie d’Illiers sert de petites madeleines – les
vraies, celles de la tante Léonie, est-il assuré – que l’on peut à loisir
tremper dans sa tasse de thé.
La visite de la maison de
la tante est guidée, ce qui permet de glaner au passage quelques anecdotes.
Ainsi, j’entendis, ce jour de 1994, l’aimable guide nous conter le désarroi,
voire la consternation (jusqu’aux larmes) de touristes japonaises apprenant que
cette maison n’était en rien celle de la tante Léonie, puisque celle-ci n’est
qu’un personnage de roman.
Naturellement, nous eûmes
un sourire à la fois attendri et condescendant quand nous furent évoquées ces
pauvres et naïves Japonaises. Elles avaient pris pour un merveilleux recueil de
souvenirs une formidable tentative d’illustration par le roman d’une
philosophie du souvenir. C’est que nous savions cela, nous autres.
Rétrospectivement me
vient une question : quel était alors, pour nous, l’intérêt d’un tel
voyage, hormis le plaisir d’une belle excursion dont je garde d’ailleurs un
souvenir enchanté ?
Epitaphe à Madrid
Curzio Malaparte n’était
pas avare, dans ses divers ouvrages, en anecdotes données pour vraies alors
qu’elles révèlent surtout ses talents de conteur et son imagination[i]. Dans
Kaputt[ii],
il s’est même trouvé un complice, Augustin de Foxà, diplomate espagnol
intarissable en matière d’anecdotes macabres, de traits d’esprit ou de
pitreries profondes.
Dans une de ses macabres
histoires, Foxà évoque l’épitaphe d’un étudiant nommé Novillo, lue,
affirme-t-il, au cimetière de Saint-Sébastien, à Madrid :
« Dieu a
interrompu ses études pour lui enseigner la vérité. »
Cette épitaphe m’a été
rappelée par la lecture toute récente d’un roman de Carl-Henning Wijkmark, Da
capo[iii]. Le
héros de ce roman est un photographe suédois chargé par un riche commanditaire
américain d’illustrer un livre ayant pour sujet, en gros, la représentation de
la mort en Europe centrale. Déviant en permanence de son sujet pour diverses
raisons, le photographe, se souvenant soudain de cette épitaphe, décide de
faire un crochet par Madrid pour retrouver la tombe de ce Novillo et la
photographier.
Une fois à Madrid,
déception : on lui apprend que cette tombe n’existe pas, que c’est une
invention et qu’il n’est pas le premier, ni le dernier sans doute, à tomber
dans le panneau.
Cet épisode, assez drôle,
est plutôt bienvenu dans un roman dont l’ambiance est pesante et qui est parfois
affligé de longueurs[iv].
Regardons-y cependant de plus près : est-ce vraiment une invention de
Malaparte ? Après tout, ce pourrait aussi bien être une invention de Foxà
dont Malaparte rendrait fidèlement compte. Voire une invention que Malaparte
prête à Foxà. Ou encore mieux : cette tombe existe vraiment et c’est
Wijkmark qui a eu l’idée génialement romanesque d’en faire – en gros – une
invention de Malaparte…
On ne sait jamais trop,
avec ces écrivains. Pour un peu, j’irais presque faire le voyage de Madrid pour
savoir à quoi m’en tenir. Mais à quoi bon ?
(Et, bien évidemment, une
très bonne année 2016.)
[i] Soyons un instant Italien
et saluons ces talents d'un si non e vero, e ben trovato.
[ii] Dont le premier chapitre
a, rappelons-le, pour titre : Du
côté de Guermantes…
[iii] Paru en 1994.
[iv] Mais qui vaut le détour.
N'allez pas à Madrid, la ville est moche, les espanche sont laides ,les queues devant les rares monuments et musées potables sont interminables
RépondreSupprimerVous l'aurez compris, j'ai pas aimé
De plus, comme souvent en Europe déchristianisée, les concessions funéraires ne sont perpétuelles que pour quelques personnages historiques
RépondreSupprimerIl y a de fortes chances que la tombe que vous cherchiez ne vous ai pas attendu ....vous continuerez donc à rester dubitatif
Ne craignez rien... Ce n'est pas moi qui la cherche, cette tombe. De plus, vous n'avez pas tort d'ajouter encore une hypothèse : la tombe aurait existé et n'existe plus.
SupprimerEt puis, rester dubitatif en la matière ne me déplaît pas.