Il y a quelques temps, j’évoquais
ici (en note infrapaginale) les propos pour le moins condescendants tenus par Mme Vallaud-Belkacem sur France-Culture,
le 23 mai, au sujet des rapports entre notre cher président et les Français. Pour
mémoire, en voici une partie :
« Un responsable
politique et en particulier un responsable politique au sommet de l'État, qui
préside aux destinées d'un pays, d'une certaine façon il a
un peu un rôle équivalent à ce que peut avoir un père de famille ou une mère de
famille à l'égard de ses enfants. […] Mais réfléchissez à la façon dont vous vous
comportez avec vos enfants. N'est-il
pas utile que de temps en temps, vous leur donniez confiance en eux-mêmes, vous
leur disiez où on va et comment on y va ? Parce que vous, vous avez
l'ensemble des informations utiles pour éclairer, justement, leur chemin. »
Peut-être le poste qu’occupe actuellement Mme
Vallaud-Belkacem l’aura-t-il poussée à tenir de tels propos : il se peut
qu’un ministre de l’Education nationale, par une sorte de déformation
professionnelle, finisse par prendre tous ses interlocuteurs – ou ses auditeurs
– pour de petits enfants. Mais je n’en sais rien, après tout. Je comprendrai
cela sans doute plus tard, quand je serai grand.
Cependant, quelque chose me gêne, qui me pousse à
réfléchir, oh, sommairement, mon intelligence de petit garçon n’étant pas celle
d’une grande personne comme, disons, M. Hollande ou Mme Vallaud-Belkacem. Et si
le président n’était pas mon père, ni même un
peu dans le rôle d’un père, pour moi ou pour quiconque de mes concitoyens ?
(Une précaution s’impose : le problème n’est
pas la personne de M. Hollande. Je crois qu’il m’est difficile de considérer
quelque Président de la République que ce soit depuis ma naissance – au temps vrombissant
de Georges Pompidou – comme mon père.)
D’où me vient cette gêne ? Peut-être du fait
que – du moins en théorie – le Président de la République est un citoyen comme
un autre élu à ce poste par la majorité de ceux de ses concitoyens – ses pairs,
ses égaux ! – qui auront bien voulu se déranger pour l’occasion. En quelque
sorte, à en croire Mme Vallaud-Belkacem, il me serait demandé tous les cinq ans
de contribuer au choix de mon père, y compris en décidant de le congédier s’il
ne me convient pas. Voilà ce qui me laisse perplexe et dubitatif.
Je ne suis évidemment pas si naïf : je sais que
Mme Vallaud-Belkacem a usé d’une image. Mais quand même, cette image me gêne.
Qu’en est-il de mon père ? Eh bien voilà, mon
père, je ne l’ai pas choisi. C’est mon père, point. Et j’ai plutôt de la
chance, m’entendant fort bien avec lui, ainsi qu’avec ma mère, merci. Et ils se
dispensent en général de me parler comme à un petit enfant, vu mon âge.
Bien entendu, ne prétendant pas cacher mes
convictions religieuses, je crois aussi que nous avons tous un Père, Qui est
aux Cieux. Lequel nous aime infiniment. Et nous laisse libres de L’aimer ou non.
Je ne L’ai pas élu. Il est.
De plus, étant catholique, si je m’adresse à un
prêtre, je lui dirai père, et je n’ai
pas prévu d’élire le curé de ma paroisse. On m’objectera que le pape est bien
élu, lui : oui, mais par des cardinaux, pas par moi. Et, étant donc
catholique, il ne me dérange pas de croire que la Saint-Esprit a Son rôle dans
cette élection. Ajoutons que le pape mène rarement une campagne électorale
semée de promesse plus ou moins démagogiques et d’attaques plus ou moins
courtoises envers ses pairs au moment d’un conclave…
Observons qu’aucun de ces pères ne nous parle comme
à de petits enfants qui ne comprennent pas grand-chose.
Dans un domaine plus
profane et politique – et pour nous historique, mais qui sait ce que nous
réserve l’avenir – il faut aussi relever la figure du roi. Le roi, normalement,
ne choisit pas de le devenir, pas plus que le peuple n’est autorisé à le
choisir ni à le congédier. Il est là, le peuple aussi (et il vaut mieux pour
tout le monde que l’un et l’autre s’entendent). Pour le coup, le roi (ou la
reine) acquiert une certaine ressemblance avec un père (ou avec une mère). Et pour
le coup les responsabilités, voire les obligations, qui sont celles d’un père
ou d’une mère. Un roi n’est pas là pour faire à sa guise ni pour faire avancer
ses convictions ou ses intérêts, mais pour déterminer ce qu’il conviendra de
donner, de laisser à ses « enfants ». Et aussi pour le leur
expliquer, non pour faire leur éducation, mais parce qu’il le leur doit, en
supposant que ses « enfants » sont… des adultes. Il est, en tant que « chef
de famille », le responsable reconnu du bien commun.
A côté de cela, qu’est-ce
qu’un président ? Un genre de syndic de copropriété, en somme. De ceux qui
se vexent quand on ne les reconduit pas dans leurs fonctions. S’il outrepasse
cette limite et commence à se prendre pour un père, il connaîtra vite le
désamour dont pâtissent beaux-pères, marâtres ou tuteurs dans pas mal de
romans, bons ou mauvais, et même dans certains contes de fées…
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