C’est, je crois me le
rappeler, en lisant Michel Strogoff vers l’âge de neuf ans que je
découvris la signification de cette locution : arrêté municipal. Je
ne me rappelle plus si je savais ce que signifie municipal avant de lire
le chapitre intitulé « un arrêté municipal », mais c’est à la lecture
dudit chapitre que j’appris ce qu’est un arrêté : ainsi donc, le
maire de Jenesaisplusoùtsk n’avait arrêté personne (à commencer par Michel
Strogoff), pas plus qu’il n’avait été arrêté par quiconque ; en revanche,
les pouvoirs d’un maire n’étaient pas négligeables, du moins dans la Russie
telle que la dépeignait Jules Verne.
Mais laissons là ce brave
Michel Strogoff. Tant pis, nous ne le suivrons pas jusqu’à Irkoutsk, où nous
savons bien que, depuis cent cinquante ans environ, il finira perpétuellement
par parvenir, après de multiples embûches, péripéties et tribulations. Nous porterons
plutôt, pour un instant, nos regards sur la petite commune de Langouet, en
Bretagne.
Le maire de cette commune
a entrepris, voici quelque temps, d’user les pouvoirs non négligeables qui lui
sont conférés, et ce à des fins des plus louables. Il a donc pris un arrêté
municipal interdisant aux agriculteurs l’usage de pesticides à moins de cent
cinquante mètres de toute habitation sur le territoire de sa commune. Les écologistes
les plus radicaux trouveront quelque peu timide cette mesure : pourquoi ne
pas franchement interdire l’usage de tout pesticide ? La question
mériterait certes d’être posée, mais cette mesure était plutôt un bon début.
Las ! L’arrêté a été
cassé par la préfecture d’Ille-et-Vilaine, décision confirmée par un tribunal
administratif. Le motif de cette annulation était que ce maire avait outrepassé
ses compétences, une telle interdiction relevant de celles du ministère de l’agriculture.
On a demandé à M. Macron,
notre champion et héraut de l’écologie, ce qu’il en pensait. En substance, l’homme
qui n’a pas peur de tancer un Bolsonaro a affirmé qu’il soutenait le maire de
Langouet « dans ses intentions », tout en lui reprochant d’avoir pris
« un arrêté qui n’est pas conforme à la loi » au lieu de « mobiliser
pour changer la loi ». Observons l’usage intransitif du verbe mobiliser :
mobiliser qui, comment ??? M. Macron appellerait-il ce maire à organiser
des pétitions, voire des manifestations ? Quand on sait le sort fait par
nos autorités à de telles entreprises, on est gagné par la perplexité. M.
Macron aurait-il donc oublié qu’il est président de la république et qu’il lui
suffirait à peu près de claquer du doigt an conseil des ministres pour faire
proposer une loi conforme aux intentions du maire de Langouet, loi qui serait rapidement
votée par une majorité parlementaire à sa botte ?
En attendant, quelques
dizaines de maires ont suivi l’exemple de celui de Langouet. Peut-être est-ce
le premier résultat de cette « mobilisation » que M. Macron dit
souhaiter ? Certes, quelques dizaines de maires sur environ trente-six
mille, c’est peu. Mais, là encore, c’est un début.
Il ne faut d’ailleurs pas
désespérer : le gouvernement entend, dit-on, proposer l’interdiction d’épandre
des pesticides à une distance inférieure à une limite sur laquelle il hésite
encore : cinq ou dix mètres ? Comme on dit dans certaines entreprises
modernes, modèles du nouveau monde macronien : on avance à petits pas !
Ou à un train de sénateur, c’est selon.
Et ces courageux maires
rejoindront peut-être les cohortes de ceux qui ont le sentiment que ce
gouvernement se moque d’eux sans aucune espèce de pudeur.
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