On apprenait il y a
quelques jours que l’évêque de Beauvais avait, sur la foi des résultats d’une
minutieuse enquête, reconnu le caractère miraculeux de la guérison de la sœur Marguerite
Moriau. Cette religieuse, aujourd’hui âgée de 79 ans, a pu recouvrer l’usage de
ses jambes en 2008 après un pèlerinage à Lourdes. C’est, nous dit-on, le
soixante-dixième miracle survenu à Lourdes à avoir été reconnu par l’Eglise.
Naturellement, un tel
événement n’aura pas manqué de faire ricaner quelques disciples de M. Homais. On
ne sait trop que faire, à part prier pour peux, pour éclairer ces esprits
enténébrés par la poussière. Ils en sont restés, les pauvres, aux caricatures
voltairiennes assimilant la foi et les miracles à un néfaste bric-à-brac superstitieux
dont la science débarrassera enfin les hommes. « Un jour, saint
Dunstan, Irlandais de nation et saint de profession, partit d’Irlande sur une
montagne », écrivit Voltaire au début de L’Ingénu : c’est
amusant, certes, mais ses disciples, moins talentueux, sont aussi beaucoup
moins drôles et peuvent en gros être considérés comme des raseurs très
ordinaires, au moins depuis 1778.
Ces raseurs devraient d’ailleurs
tenir compte de la prudence avec laquelle l’Eglise reconnaît le caractère
miraculeux de telles guérisons, en s’appuyant notamment sur l’avis de médecins
pas nécessairement chrétiens. Ils apprendraient qu’une part de mystère
demeurera toujours, aussi réduite soit-elle en apparence, que tout esprit
vraiment scientifique reconnaîtra : ainsi, un mien collègue qui a étudié l’astrophysique
me rapporta un jour ces propos d’un de ses professeurs : « Comment, c’est
une question que vous pouvez me poser. Mais si vous voulez savoir pourquoi, c’est
à Dieu qu’il faut demander. »
On pourrait dire de tels
miracles qu’ils en sont de grands. Il est fort probable qu’il s’en produit de
nombreux autres qui resteront ignorés, grands ou petits. Surtout les petits.
Que sont ces petits
miracles ? Des signes qui nous sont adressés pour que nous persévérions en
toute simplicité dans la foi, l’espérance ou la charité. Un petit miracle, ce
peut être la disparition subite et incompréhensible d’une gêne ou d’une
douleur, ou encore une rencontre avec une personne qui nous témoignera de sa
bienveillance ou à qui nous témoignerons de la nôtre. Personnellement, j’ai fait
l’expérience, il y a quelques années, visitant en simple touriste le mont
Sainte-Odile, la subite (et certes momentanée) disparition de cors au pied
gauche qui s’étaient réveillés en fanfare depuis quelques jours, peu après
avoir appris que l’une des grandes vertus de cette sainte était la patience et
avoir furtivement prié pour connaître ne serait-ce qu’un peu de cette vertu
notamment pour supporter les banales douleurs de mes extrémités. Et nous aurons
tous rencontré un jour ou l’autre une personne qui, de manière inattendue et
improbable, nous aura secourus ou que nous aurons secourue. Voilà pour les
petits miracles, souvent dérisoires en apparence. On conviendra qu’il n’est
guère opportun de les crier sur les toits ou d’encombrer l’Eglise, en tant qu’institution,
en en demandant la reconnaissance. Mieux vaut discrètement rendre grâces.
Observons au passage que
ces miracles ne sont pas tous des guérisons. Revenons d’ailleurs aux grands
miracles. Une intuition m’est venue à la récente lecture d’Aveuglements,
intéressant essai de Jean-François Colosimo. Il y est fait par deux fois un peu
plus qu’allusion au martyre du père Hamel, assassiné à Saint-Etienne-du-Rouvray
par deux possédés (je reprends l’appellation que leur donne M. Colosimo, qui me
semble fort juste) alors qu’il célébrait la messe, le 26 juillet 2016. Ainsi,
page 521 :
« Il est égorgé au
pied de l’autel où il vient de célébrer l’eucharistie par deux jeunes
islamistes qui ont embrassé le djihad. Du jamais vu depuis la Terreur. La République
vacille. L’Etat redoute le pire. Des représailles. La loi du talion. Un embrasement.
Le chaos de la violence primitive, fondatrice, immaîtrisable. L’Elysée est
saisi de stupeur. De même, Matignon, Beauvau. [… Les mots] tombent de la bouche
de l’archevêque de Rouen, Dominique Lebrun, qui évoque Dieu, le jugement, le
pardon, l’Eglise qui "ne peut prendre d’autres armes que la prière".
[…] Pour rendre grâces de
ce miracle, le président de la République, François Hollande, se rend à
Rome ; le ministre de l’Intérieur, Bernard Cazeneuve, à Lourdes. »
Le père Hamel ne
serait-il pas pour quelque chose dans ce miracle ? Le même essai
rappelle (page 540) quelles furent ses dernières paroles : « Pars,
Satan ». Il précise aussi qu’elles ne s’adressaient pas à ses assassins :
il était un peu tard pour cela. Non, où le diable pouvait encore se faire
plaisir, c’est bien dans le déchaînement de vengeances qui était à redouter,
évoqué plus haut, et qui n’eut pas lieu. Au-delà des salutaires paroles du Mgr
Lebrun, elles aussi évoquées, il ne faut pas oublier le pouvoir de chasser les
démons conféré par le Christ à Ses apôtres, dont le père Hamel sut fort
opportunément faire usage.
Il va de soi, cependant,
que le caractère miraculeux de ces paroles, à savoir leur effet sur la
situation du pays dans les jours qui suivirent, est une hypothèse que j’avance
humblement et avec prudence.
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