L’homme est une créature
étonnante, ce que l’on sait au moins depuis Alexandre Vialatte. Autant dire que
ses bizarreries « remontent à la plus haute antiquité ». En
particulier s’il est Parisien : il lui arrive de s’étonner de voir tomber,
en quantités variables, de la neige en février.
Ainsi, il y a peu de
jours, Parisiens et banlieusards furent en bon nombre scandalisés de ne pouvoir
se déplacer exactement comme d’ordinaire à cause de douze centimètres de neige.
On en a vu s’affoler aussi, dans les jours qui ont suivi, dès qu’un flocon faisait
son apparition, pareil au signe de la prochaine récurrence d’un cauchemar que l’on
croyait fini. Les autorités ont décliné toute responsabilité dans le chaos d’automobiles
et de trains bloqués auquel nous avons pu assister. Selon Mme Hidalgo, maire de
Paris, à quoi bon, pour les collectivités, s’équiper pour des « épisodes
neigeux » qui n’ont lieu que tous les trente ans ? Bon, les dernières
averses de cette ampleur à Paris me paraissent remonter à mars 2013 : le
quinquennat de M. Hollande aurait-il été ennuyeux au point de donner à Mme
Hidalgo l’impression d’avoir vieilli de trente ans en cinq ans ? A moins
que ce ne soit le poids de ses responsabilités de maire…
Il n’aura donc été
question en France, pendant quelques jours, que de la neige à Paris, ce qui
aura fait de nous la risée de certains provinciaux, voire d’étrangers plus
habitués à ce phénomène météorologique somme toute ordinaire sous nos latitudes.
C’était à croire que ce tintamarre était orchestré pour nous éviter de penser au
reste, sachant que nous sommes bon public en ce domaine[i].
Ne faisons point trop le
blasé cependant : la neige à Paris, sans être exceptionnelle, est assez
rare pour provoquer l’émerveillement de quelques-uns, dont votre serviteur. Tout
ou à peu près tout ayant été dit maintes fois et depuis longtemps sur les
plaisirs[ii] et
les beautés de la neige en ville, ainsi que sur ses menus désagréments et ses
grandes cruautés, je n’en ajouterai pas une couche, si j’ose dire.
Toutefois, il y aurait
quelques remarques à faire.
Premièrement, voir tomber
de la neige en février à Paris me rassure : il y aurait donc encore, de
temps à autre, des restes de saisons ; jusqu’ici, à Paris, cet hiver avait
des airs d’octobre éternel, ce qui est éprouvant pour les nerfs.
Deuxièmement, l’homme
moderne est décevant : il ne résiste plus aux saisons. Paris a connu, de
mémoire d’homme d’âge moyen, des hivers bien plus longs et rigoureux, au cours
desquels l’hyperbole était moins de mise qu’aujourd’hui. Quelques jours de gel
n’étaient point annoncés comme un cataclysme. Les bavardeurs de radio et de
télévision incitaient, certes, à la prudence et au port d’une petite laine,
mais on en restait souvent là.
Troisièmement, rappelons
sans nous en lasser qu’il n’est pas nécessaire d’attendre qu’il gèle pour
accorder un peu d’attention et de soins aux plus pauvres. Ne le faire qu’à ce
moment-là risque fort de mener à les abandonner à leur misère une fois les
beaux jours revenus.
Quatrièmement, nous
devons reconnaître un mérite aux rigueurs – même limitées – de l’hiver. Elles nous
rappellent que nous ne sommes pas maîtres de la nature. Nous ne pouvons en
faire ce que nous voulons, et c’est nous qui devons composer avec ses caprices,
non elle avec les nôtres. Il ne serait pas absurde de vivre à un rythme moins
frénétique quand les éléments nous l’imposent.
[i] En lisant un titre dans le
blogue de Patrice de Plunkett (voir ici), j’ai cru d’abord sentir l’agacement de
son auteur devant une telle insistance, avant de comprendre qu’il informait ses
lecteurs de l’annulation d’un débat auquel il devait participer, du fait des
intempéries.
[ii] On nous aura donc servi
ce marronnier de saison : Montmartre
transformé en éphémère station de ski ; il doit exister en film d’actualité
en noir et blanc avec commentaire nasillard, en reportage de télévision, et
maintenant en vidéo sur internet. On n’arrête pas la progrès.
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