Loin des commémorations « rondes »
(il y en aura beaucoup en 2018, de nature et d’intérêt varié), pour le
royaliste fidèle, le 21 janvier restera toujours particulier. Nous portons des
cravates noires ou fleurdelysées, allons à des messes, tirons des mines sombres ;
parfois, nous écrivons même des articles dans des blogues, c’est dire !
Bref, le sublime, le frivole, l’absurde et le sérieux se côtoient pour célébrer
la mémoire de Louis XVI, assassiné ce jour-là.
Léon Bloy, dont le
centenaire du décès a été l’occasion, à l’automne 2017, d’une certaine activité
éditoriale, connut un temps de tels milieux. C’était après la guerre de 1870,
quand Henri V revendiqua vaguement son titre légitime de roi de France. Mais c’est
bien plus tard, et loin de ces milieux, qu’il écrivit Le Fils de Louis XVI,
se penchant d’une manière fort originale sur la figure de Luis XVII.
En quoi rédige l’originalité
de cet essai, ou plutôt de cette méditation[i] ?
En son point de vue, évidemment. Bloy n’a écrit là ni un essai politique –
partisan ou non – ni un ouvrage historique – sérieux ou farfelu.
Dans le domaine farfelu,
on pourrait reprocher à Bloy d’adhérer aux thèses naundorffistes, lesquelles n’ont
que rarement été prises au sérieux et ont été selon toute vraisemblance
définitivement invalidées. Mais au fond ces thèses ne sont pour Bloy qu’un prétexte
de méditer sur l’iniquité que constitue le sort de Louis XVII, ou que
représente celui de Karl-Wilhelm Naundorff. Et d’accabler les Bourbons
restaurés et leur suite, (in)dignes héritiers d’une dynastie qu’il abhorre[ii].
Naundorff lui-même n’échappe pas à sa sévérité[iii].
Il n’en reste pas moins
qu’il put voir derrière Naundorff la figure du Pauvre, de l’Humilié[iv],
victime d’une grande iniquité : roi emprisonné sans avoir commis aucun
crime ni aucune erreur (à sept ans !), puis homme dont la stature encombre
ses oncles et cousins qui préfèreraient le savoir mort. C’est là que
paradoxalement Bloy touche à une certaine vérité à travers l’erreur
naundorffiste.
Il aurait pu, du reste,
éviter ce détour en considérant (ce qu’il fait d’ailleurs) que les comtes de
Provence et d’Artois avaient déjà lâché leur frère bien avant sa triste fin. Quant
à leur neveu, il leur suffisait de le laisser crever dans une prison pour le
moins sordide, ce qui demeure le plus vraisemblable – c’était pour eux le
moindre effort et d’un grand bénéfice politique, pouvant s’indigner de crimes
qu’ils avaient, dans leur confortable exil, laissé commettre.
Serait-ce ces fondations
peu reluisantes qui auraient condamné dès l’origine la Restauration ?
Pendant cette période, toute politique, qu’elle fût ou parût sage ou folle,
parut inopérante à maintenir le régime de manière durable.
Et, depuis la destitution
et la mort de Louis XVI, quel régime politique authentiquement légitime
avons-nous eu en France ?
[i] Oui, une méditation plus
qu’un essai. Et, de grâce, pour la mémoire de Bloy, pas un pamphlet.
[ii] « Il était réservé à la gent Bourbonne d’asseoir
sur le trône de France les rois sultans,
monstruosité que l’habitude seule empêche de voir. »
[iii] « Avec tout cela, aussi peu doué que possible
et, comme la plupart des Bourbons, incapable d’idées générales, ce qui implique une déchéance de la raison
pouvant aller jusqu’aux confins de l’animalité. »
[iv] « Quelle belle chose ! Le fils de Louis
XVI, le Louis XIV, d’Henri IV, bourgeois prussien ! Le légitime héritier
du vainqueur de Marignan, du chevalier du Camp du Drap d’or, remontant la
pendule détraquée du bourgmestre pour laquelle une souillasse de Poméranie est
venue le relancer jusqu’à trois fois ! »
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).