jeudi 5 mai 2016

Animaux extraordinaires

Le recours, pour décrire une situation quelconque, à des images de toutes sortes est souvent utile et parfois tentant. Lorsqu’il s’agit d’opinions – politiques, par exemple – la métaphore animalière est souvent employée. Celle-ci permet en effet de mettre en évidence ce que certains comportements, certaines réactions, peuvent avoir de mécanique ou d’incongru. Le tout est de faire preuve de quelque originalité et de quelque pertinence.
Ainsi avons-nous pu lire dans le blogue de Patrice de Plunkett (ici et ) des comparaisons entre certains « catholiques de droite » et… des gnous. La raison de cette comparaison tient apparemment au comportement particulièrement grégaire et stupide que l’on prête à ces exotiques bestiaux, surtout en cas de danger. Dans l’ensemble, cela se tient.
Mais, dans les articles évoqués, il est question à un moment des coassements de ces animaux. D’où notre perplexité : les gnous coasseraient-ils donc ? L’exotisme de ces bêtes nous oblige à confesser notre ignorance. Quitte à évoquer des coassements, il eût été plus évident de penser à des crapauds-buffles (mais que dire de leur comportement ?) ou à quelques grenouilles ayant celles de Jean de la Fontaine pour modèle, que ce soit pour se vouloir aussi grosses que des bœufs ou pour demander un roi…
De métaphores en fables, il est aisé de glisser vers des animaux mythiques (licornes, centaures, sphinges, griffons ou hydres), voire farcesques, comme par exemple le dahu. Ce dernier constitue un cas intéressant en matière de convictions politiques. Pourquoi ne pas nous pencher, si nous osons dire, sur un tel cas ?
Commençons, au moins pour nos lecteurs étrangers, par rappeler ce qu’est un dahu : il s’agit d’un genre de chèvre dont les pattes sont plus courtes d’un côté, ce qui lui permet de se tenir en appui sans le moindre effort sur le flanc d’une montagne. Il va de soi qu’un dahu ne peut se tenir en un si parfait équilibre que sur une pente avec laquelle la configuration asymétrique de ses pattes le rend compatible, selon que celles-ci soient plus courtes à gauche ou à droite et selon l’écart entre les longueurs respectives de ses pattes de gauche et de droite. Cela étant posé, observons que l’homme chasse le dahu en cherchant à le déséquilibrer. Pour ce faire, il suffit de le forcer à se retourner.[i]
On l’aura compris, en matière de convictions politiques, le dahu devrait être une mine d’or pour les commentateurs désireux de décrire certains comportements partisans. Ainsi, il y aurait le dahu de droite (aux pattes de droite courtes), qui verrait le sommet de sa montagne, pour lui siège de félicités inconnues, à sa droite ; et le dahu de gauche, inversement. Il serait impossible à ces deux-là de faire quelques pas de conserve pour discuter des mérites comparés de leurs positions, le premier tournant autour de sa montagne en sens horaire (ou anti-trigonométrique), le second en sens antihoraire (ou trigonométrique).
On pourrait croire que cette image omet le cas des centristes. Il n’en est rien. Pourquoi ne pas imaginer des dahus montants et des dahus descendants ? Les premiers, aux pattes avant atrophiées, auraient toujours devant eux le flanc de leur montagne, réalité qu’ils ne cesseraient de contempler, exhortant leurs frères de gauche ou de droite à en faire autant au lieu de tourner en rond. Les seconds, aux pattes de derrière atrophiées, pourraient s’extasier au spectacle de l’immensité des plaines environnantes. Est-il utile de préciser que ces derniers seraient traités de démagogues par leurs frères montants ? Naturellement, ce mépris serait contagieux : les dahus de droite considèreraient les dahus descendants comme des dahus de centre gauche, etc., etc.
Abrégeons. Il ne sied pas de filer une image à l’excès.
Observons pour finir qu’il existe dans notre langue des expressions usant de noms d’animaux bien réels, toujours pertinentes en matière d’opinions. Avaler des couleuvres est facile à placer pour parler des circonvolutions et palinodies auxquelles sont obligés de temps à autre les militants politiques les plus disciplinés. Evaluer le diamètre de ces couleuvres est un art qui peut parfois s’avérer difficile. Précisons à toutes fins utiles que l’ajout de venin auxdites couleuvres permet d’en faire à peu de frais un salmis de vipères, mets plus raffiné (et dangereux).




[i] Où et quand cette bestiole a-t-elle été inventée, nous l’ignorons. Soupçonnons quelques montagnards désireux de raconter des histoires à leurs enfants ou, mieux, de faire tourner en bourrique quelques voyageurs. Le truc du déséquilibre, notons-le, ne fonctionne pas par exemple à la chasse au blaireau (animal bien réel), qui nécessite paraît-il de placer des coquilles d’œufs dans ses bottes. Pourquoi ? N’étant pas chasseur, nous sommes au regret d’avouer notre ignorance à ce sujet.

Aucun commentaire:

Enregistrer un commentaire

Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).