Le recours, pour décrire
une situation quelconque, à des images de toutes sortes est souvent utile et
parfois tentant. Lorsqu’il s’agit d’opinions – politiques, par exemple – la
métaphore animalière est souvent employée. Celle-ci permet en effet de mettre
en évidence ce que certains comportements, certaines réactions, peuvent avoir
de mécanique ou d’incongru. Le tout est de faire preuve de quelque originalité
et de quelque pertinence.
Ainsi avons-nous pu lire
dans le blogue de Patrice de Plunkett (ici et là) des comparaisons entre
certains « catholiques de droite » et… des gnous. La raison de cette
comparaison tient apparemment au comportement particulièrement grégaire et
stupide que l’on prête à ces exotiques bestiaux, surtout en cas de danger. Dans
l’ensemble, cela se tient.
Mais, dans les articles
évoqués, il est question à un moment des coassements de ces animaux.
D’où notre perplexité : les gnous coasseraient-ils donc ? L’exotisme
de ces bêtes nous oblige à confesser notre ignorance. Quitte à évoquer des
coassements, il eût été plus évident de penser à des crapauds-buffles (mais que
dire de leur comportement ?) ou à quelques grenouilles ayant celles de
Jean de la Fontaine pour modèle, que ce soit pour se vouloir aussi grosses que
des bœufs ou pour demander un roi…
De métaphores en fables,
il est aisé de glisser vers des animaux mythiques (licornes, centaures,
sphinges, griffons ou hydres), voire farcesques, comme par exemple le dahu. Ce
dernier constitue un cas intéressant en matière de convictions politiques.
Pourquoi ne pas nous pencher, si nous osons dire, sur un tel cas ?
Commençons, au moins pour
nos lecteurs étrangers, par rappeler ce qu’est un dahu : il s’agit d’un
genre de chèvre dont les pattes sont plus courtes d’un côté, ce qui lui permet
de se tenir en appui sans le moindre effort sur le flanc d’une montagne. Il va
de soi qu’un dahu ne peut se tenir en un si parfait équilibre que sur une pente
avec laquelle la configuration asymétrique de ses pattes le rend compatible, selon
que celles-ci soient plus courtes à gauche ou à droite et selon l’écart entre
les longueurs respectives de ses pattes de gauche et de droite. Cela étant
posé, observons que l’homme chasse le dahu en cherchant à le déséquilibrer.
Pour ce faire, il suffit de le forcer à se retourner.[i]
On l’aura compris, en
matière de convictions politiques, le dahu devrait être une mine d’or pour les
commentateurs désireux de décrire certains comportements partisans. Ainsi, il y
aurait le dahu de droite (aux pattes de droite courtes), qui verrait le sommet
de sa montagne, pour lui siège de félicités inconnues, à sa droite ; et le
dahu de gauche, inversement. Il serait impossible à ces deux-là de faire
quelques pas de conserve pour discuter des mérites comparés de leurs positions,
le premier tournant autour de sa montagne en sens horaire (ou
anti-trigonométrique), le second en sens antihoraire (ou trigonométrique).
On pourrait croire que
cette image omet le cas des centristes. Il n’en est rien. Pourquoi ne pas
imaginer des dahus montants et des dahus descendants ? Les premiers, aux
pattes avant atrophiées, auraient toujours devant eux le flanc de leur
montagne, réalité qu’ils ne cesseraient de contempler, exhortant leurs frères
de gauche ou de droite à en faire autant au lieu de tourner en rond. Les
seconds, aux pattes de derrière atrophiées, pourraient s’extasier au spectacle
de l’immensité des plaines environnantes. Est-il utile de préciser que ces
derniers seraient traités de démagogues par leurs frères montants ?
Naturellement, ce mépris serait contagieux : les dahus de droite
considèreraient les dahus descendants comme des dahus de centre gauche, etc.,
etc.
Abrégeons. Il ne sied pas
de filer une image à l’excès.
Observons pour finir
qu’il existe dans notre langue des expressions usant de noms d’animaux bien
réels, toujours pertinentes en matière d’opinions. Avaler des couleuvres
est facile à placer pour parler des circonvolutions et palinodies auxquelles
sont obligés de temps à autre les militants politiques les plus disciplinés.
Evaluer le diamètre de ces couleuvres est un art qui peut parfois s’avérer
difficile. Précisons à toutes fins utiles que l’ajout de venin auxdites
couleuvres permet d’en faire à peu de frais un salmis de vipères, mets plus
raffiné (et dangereux).
[i] Où et quand cette bestiole
a-t-elle été inventée, nous l’ignorons. Soupçonnons quelques montagnards
désireux de raconter des histoires à leurs enfants ou, mieux, de faire tourner
en bourrique quelques voyageurs. Le truc du déséquilibre, notons-le, ne
fonctionne pas par exemple à la chasse au blaireau (animal bien réel), qui
nécessite paraît-il de placer des coquilles d’œufs dans ses bottes.
Pourquoi ? N’étant pas chasseur, nous sommes au regret d’avouer notre
ignorance à ce sujet.
Aucun commentaire:
Enregistrer un commentaire
Un commentaire ? Inscrivez-vous ! Si vous êtes timide, les pseudonymes sont admis (et les commentaires modérés).