On sait rire en Allemagne :
L'humoriste – ou
fantaisiste – allemand Jan Böhmermann s’est récemment fait remarquer pour
quelques vers de mirliton, diffusés sur une chaîne de télévision de son pays,
paraît-il insultants pour M. Erdogan, président de la république de Turquie.
Ledit président, pris d’une fureur réelle ou feinte, a réclamé pour cela des
poursuites contre ce monsieur par la justice allemande.
Certes, insulter qui que
ce soit reflète toujours un certain manque d’élégance. Il y a toujours des
manières plus fines de rire, même aux dépens d’un chef d’Etat peu
recommandable. Mais l’affaire prend une tournure trouble : il existe,
dit-on, une obscure loi allemande interdisant les insultes envers les chefs
d’Etats étrangers ; et Mme Merkel aurait déclaré n’avoir rien contre son
application en l’occurrence, compte tenu des liens exceptionnels et historiques
entre la Turquie et l’Allemagne.
Cela appelle trois
remarques :
Premièrement, supposons
que Mme Merkel n’aura pas songé, en matière de liens entre l’Allemagne et la
Turquie, à ceux qui existèrent par exemple en 1915. Ce serait plutôt déplacé.
Deuxièmement, cette
histoire me rappelle, je ne sais pourquoi, un passage du monologue de Figaro
dans Le Mariage de Figaro, de Beaumarchais. Allez y jeter un coup d’œil
et vous me direz à quoi servent les proclamations républicaines, démocratiques
et humanitaires qu’on entend çà et là d’habitude.
Troisièmement, cet
événement n’a guère fait de bruit chez nous. Où sont passé le charlisme
et la défense de la liberté d’expression à tout prix ? Imaginons un
instant la même affaire avec un autre nom qu’Erdogan. Poutine ou Orban,
par exemple : quel beau scandale ce serait[i] !
Ça va mieux, merci :
On raconte que la semaine
dernière le célèbre auteur des blagounettes s’est produit à la
télévision. A ses dires, cela va mieux. On l’en félicite, en lui souhaitant une
meilleure santé.
Son prédécesseur aurait
déclaré peu avant à qui voulait l’entendre qu’il n’avait pas l’intention de
regarder ce passionnant spectacle. Compte tenu de la proverbiale – et constante
– versatilité de cet autre fantaisiste national, on ignore s’il a tenu parole.
Pour ma part, je me suis
abstenu de ce divertissement, offert par notre amuseur suprême. J’avais mieux à
faire ce 14 avril et je n’ai même pas la télévision.
Ledit amuseur a ensuite
honoré quelques pays orientaux d’une tournée dont j’ignore si elle a répandu
l’hilarité dans ces contrées traversées par de douloureuses épreuves. Il a
cependant eu son petit succès au musée copte du Caire, grâce à un de ces bons
mots aussi spontanés qu’inspirés dont il a le secret. Alors qu’un journaliste
local manifestait sa perplexité devant l’impopularité de notre vedette en son
propre pays, celle-ci lui a répondu : « vos prières sont les bienvenues ».
Curieusement, cela ne m’a
pas fait rire. D’abord parce que les intentions de prière des coptes sont sans
doute assez chargées en ce moment. Ensuite parce que la prière, si elle n’est
pour un comique mollement laïcard que l’objet de quelques petites blagues, est
une chose certainement sérieuse pour les coptes qui l’écoutaient ce
jour-là ; un tel propos est pour le moins condescendant. Pour moi aussi,
du reste, la prière est une chose sérieuse. Je veux bien prier pour M.
Hollande, mais si, mais si ! Pas pour sa popularité, dont je me soucie au
moins aussi peu qu’il semble se soucier de toute vie spirituelle. En revanche,
pour qu’il songe au bien commun et œuvre pour lui, le temps qui lui reste à son
poste, cela me va.
Pensée de droite :
Lu il y a quelques jours
dans le blogue de Patrice de Plunkett un épastrouflant florilège de citations
de Mme Chantal Delsol (voir ici), tirées de la préface qu’elle a commise pour
un récent ouvrage de Frédéric Rouvillois, La Clameur de la Terre – les
leçons politiques du pape François. Vu la teneur de certains articles qu’il
a publiés dans la presse (ici par exemple), il y a fort à parier que Rouvillois
développe dans ce livre (que je n’ai pas encore lu) des propos favorables au
pape François.
Or il semble que cela
n’ait pas l’heur d’être du goût de Mme Delsol, qui doit avoir un problème avec
l’écologie, notion dont on sait qu’elle a les faveurs du pape.
De plus, pour qui a lu
quelques-uns de ses ouvrages, les sympathies monarchistes de Frédéric
Rouvillois ne sont pas un mystère. Mme Delsol fait un sort à celles-ci, les
qualifiant de « chimériques ».
Tout cela est un peu fort
de café : préfacer un livre pour le contredire, voire le démolir, voilà
qui manque d’élégance, pour commencer. De plus, qualifier de chimériques les
idées d’un auteur qui a brillamment exposé en quoi les utopies peuvent être
dangereuses (voir ici), c’est ce que l’on appelle ne pas manquer d’air, de même
que considérer l’encyclique Laudato si’ comme un « salmigondis ». Sur
ce dernier point, j’ignore dans quels pots Mme Delsol, quant à elle, fait cuire
ses ragouts.
A propos de préfaces, Mme
Delsol en a récemment commis une autre, cette fois pour un recueil des œuvres
complètes de Rivarol, Chamfort et Vauvenargues, paru cette année en
« Bouquins ». Bon, que la viande soit un peu longue et parfois
filandreuse, c’est un fait, et c’est après tout le lot d’une préface érudite et
universitaire ; mais l’ensemble est plutôt digeste. Notons au passage que
Mme Delsol semble apprécier le genre de monarchie qui a selon elle les faveurs
de Rivarol : une monarchie constitutionnelle, à l’anglaise, raisonnable,
quoi. Passons, connaissant le modèle de cohésion sociale que fut le Royaume-Uni
de temps à autre (après tout, Antoine de Rivarol ne pouvait pas prévoir l’apparition
de Margaret Thatcher, étrange créature adulée de tout libéral-conservateur qui
se respecte), ou l’exemple convaincant de la Monarchie de Juillet. Rêverie
louis-philipparde ? Ce n’est pas très sérieux. Observons enfin, et cela
semble être sa marque de fabrique, que Mme Delsol ne peut s’empêcher de
reprocher à Rivarol son manque de rigueur. C’est sans doute ignorer qu’on lit
plutôt Rivarol pour son sens du bon mot qui vise juste et frappe fort. Rivarol
est un écrivain talentueux, voire génial, mais un écrivain contre, ce
qui constitue sans doute sa limite, mais n’a rien à voir avec un éventuel
manque de rigueur.
L’honneur, même posthume,
d’une préface de Mme Delsol paraît donc redoutable.
Ecrivains de droite- et d’ailleurs :
Bien entendu, il ne faut
pas confondre Antoine de Rivarol avec Rivarol, follicule réputé
d’extrême droite, qui existe encore, me suis-je laissé dire. Reconnaissons à
cette publication l’honneur d’avoir accueilli dans ses colonnes le talent d’un
autre « Antoine de Rivarol » : il s’agit d’Antoine
Blondin. Les amateurs pourront lire certains des articles de lui parus dans Rivarol
dans les années 1950, dans Ma Vie entre des lignes. Curieusement, ce
recueil ne comprend pas la critique élogieuse qu’il fit en 1952 d’un roman
magnifique, œuvre d’un ami d’André Breton qui fut en son temps encarté au
PCF : Le Rivage des Syrtes, de Julien Gracq. Lequel, à en croire la
biographie de Blondin par Alain Cresciucci (parue chez Gallimard en 2004),
apprécia fort cette critique.
Comme quoi, en 1952, la littérature
permettait de conserver quelques morceaux de civilisation, à gauche, à droite…
[i] Que l’on se rassure :
je n’ai prévu de passer mes prochaines vacances avec aucun de ces deux
messieurs.
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